Des visites d’élevages qui bousculent certains repères
Une vingtaine d’éleveurs ont participé au voyage d’étude organisé en avril par la chambre d’agriculture de Normandie. Quatre d’entre eux nous font part de leur ressenti et des adaptations qu’ils envisagent.
Une vingtaine d’éleveurs ont participé au voyage d’étude organisé en avril par la chambre d’agriculture de Normandie. Quatre d’entre eux nous font part de leur ressenti et des adaptations qu’ils envisagent.
Sébastien Cabot, éleveur en Seine-Maritime
« Ils gèrent des grands troupeaux avec peu de main-d’œuvre »
« Gérer jusqu’à 500 vaches avec seulement trois UTH, c’est impressionnant. Ils y arrivent parce qu’ils ont des parcellaires très regroupés. En France, quand on a 300 ha regroupés on fait des céréales. Par ailleurs, ils n’hésitent pas à simplifier l’élevage des veaux et à déléguer les cultures. Dans ces élevages, ils raisonnent à l’échelle du troupeau. Ce qui compte c’est la performance à l’hectare de SFP, pas à la vache. Quand on privilégie la performance à l’animal, ont fait vivre les entreprises du para-agricole. Mais en cas de crise, c’est très dur. Avec mon père, nous sommes déjà engagés dans un système 100 % herbe (115 ha). Nous avons changé de race il y a trois ans au profit de la Jersiaise (110 vaches) pour les taux (plus-value de 100 à 120 euros/1000 l) et l’efficacité alimentaire. Leur petit gabarit par rapport à la Normande nous a permis de gagner six semaines sur la durée de pâturage. Le gros de nos vêlages est groupé de fin mars à mi-mai (85 sur 115). Les autres vaches sont encore un peu décalées mais nous les rattraperons au fur et à mesure.
Suite à mon installation en fin d’année (j’ai un statut de salarié actuellement), notre objectif sera de produire 450 000 à 500 000 litres de lait avec une centaine de vaches. Pour valoriser les veaux mâles, nous avons commencé à croiser nos Jersiaises avec nos taureaux limousins (25 mères limousines) et notre taureau angus.
Une vingtaine de génisses de renouvellement pâturent dès l’âge de trois semaines. Elles sont logées dans une cabane de type igloo. Nous ouvrons la barrière pour qu’elles s’habituent à l’herbe et aux clôtures électriques. Cet été, elles pâtureront avec un fil avant et arrière. Les autres génisses sont élevées de façon plus classique parce que nous n’avons pas encore l’aménagement pour faire autrement.
Côté limites, tout le monde ne peut pas arrêter de produire du lait en hiver, et ils ont tendance à investir dans ce qui rapporte mais pas forcément pour leur bien-être. Cela peut poser des problèmes en fin de carrière. »
Anthony Gilmas, éleveur dans l’Orne
« Je vais faire pâturer mes veaux plus tôt »
« Je suis en conversion bio depuis avril 2017. Lors de ma première année de conversion j’ai produit 220 000 l de lait avec un troupeau de 45 vaches (40 Prim’Holstein et 5 Normandes). J’exploite 84 hectares de prairies dont une partie en prairies permanentes. Je fonctionne en pâturage tournant dynamique. Mon objectif est d’être totalement autonome avec du pâturage 9 mois par an. Je voudrais adapter le système de Mat Boley (lire page ?) à mon exploitation d’ici trois ans. Je pense élever les veaux sur le site de l’exploitation jusqu’à l’âge de 5 à 6 semaines en leur dédiant une parcelle d’un hectare. Puis, je pense aménager une parcelle pour les veaux sur un second site à 5 km pour ne pas empiéter plus sur la surface accessible aux vaches (50 ha). Je leur amènerai du lait yoghourt une fois par jour jusqu’au sevrage vers 7 à 8 mois. Je préfère cette solution plutôt que de mettre les veaux avec des mères nourrices. Avec cette technique, il y a moins de transport de lait et de travail. Mais il faut faire adopter les veaux. Et ils sont un peu plus sauvages même quand on passe les voir tous les jours. Pour mettre en place le pâturage précoce des veaux, je dois continuer à regrouper les vêlages en février-mars. L’absence d’abris contre la pluie pour les veaux à Manor Farm pose question en termes de bien-être animal.
Mat Boley a confirmé les atouts du croisement et de la monotraite pour optimiser la fertilité des vaches. J’ai commencé à travailler sur le croisement en 2017 en achetant six génisses Prim’Holstein croisées avec du Montbéliard, de la Simmental ou de la Ayrshire. Elles ont vêlé au printemps. Je les inséminerai avec de la semence sexée de taureaux jersiais. J’ai également commencé à croiser mes vaches avec des taureaux Jersiais. Quand j’aurai suffisamment de vaches croisées, je passerai à la monotraite. »
Delphine et Benoit Fontaine, éleveurs dans la Manche
« Ils restent zen malgré la taille de leur troupeau »
« Nous avons été marqués par la joie de vivre des éleveurs et leur envie de transmettre leur expérience. Leur système est simple et efficace. C’est remarquable d’avoir 80 % des vêlages en l’espace de trois semaines avec un troupeau de 400 vaches. Au final, malgré la taille de leur troupeau, Ils s’en sortent très bien avec peu de main-d’œuvre. C’est porteur. Cela nous conforte dans l’évolution de notre exploitation vers le bio. Nous sommes passés progressivement d’un système très intensif (85 Prim’Holstein à 12 000 kg il y a une dizaine d’années) à une conversion en bio en mars dernier. Notre bloc traite est situé au milieu de 30 hectares de pâturage accessibles aux vaches (105 ha de SAU). Nous avons opté pour du pâturage tournant dynamique en 2017. Notre priorité est l’aménagement des chemins d’accès aux paddocks. C’est primordial. Nous avons commencé cette année à croiser nos Prim’Holstein avec des taureaux jersiais et rouges scandinaves. Leur gestion des aspects environnementaux laisse cependant à désirer. On a vu dans certaines fermes des bâches traîner un peu partout. Les fosses et les fumières sont inexistantes ou construites de façon très sommaire. Dans un élevage, certaines primipares étaient un peu justes en état. »
Léa Galard, éleveuse dans l’Orne
« Ils optimisent très bien la monotraite »
« J’ai été particulièrement marquée par leur gestion de la monotraite couplée chez Mat Boley avec l’arrêt de la traite pendant deux mois. Cela ne leur pose pas de problèmes de cellules. Malgré l’absence de décrochage automatique, ils ont très peu de mammites. Les éleveurs bio utilisent donc peu ou pas d’antibiotiques. Ils soignent les mammites avec une pommade à base de plantes (menthe, thym…). Ils utilisent aussi beaucoup de produits à base d’iode pour soigner les quelques boiteries et métrites.
Ce voyage a confirmé l’intérêt du croisement de type Kiwi. Nous envisageons avec mon père de passer en bio parce que notre système est très herbagé (174 ha de SAU dont 140 ha de prairie) mais aussi pour simplifier notre travail. Notre référence de 797 000 litres de lait est produite par 90 vaches de race Prim’Holstein, Montbéliarde et Jersiaise (10 %). Nous avons commencé à croiser des Montbéliardes et Prim’Holstein avec de la semence sexée de taureaux jersiais. Les premières croisées sont nées en février. Notre objectif à terme est d’avoir un troupeau qu’avec des vaches Jersiaises et des Kiwis.
Nous allons retravailler sur la stabilité des chemins de passage de nos vaches. J’ai été très intéressée par l’utilisation des pelouses synthétiques chez Mat Boley. Quand nous aurons calé ces modifications, nous verrons si nous pouvons mettre les veaux à l’herbe dès l’âge de deux à trois semaines. Nous étudierons ensuite la possibilité de mettre en place la monotraite ou l’arrêt de la traite pendant deux mois. »