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Des itinéraires pour sécuriser l’implantation des prairies

Face aux aléas climatiques qui perturbent régulièrement l’implantation des prairies, le groupe « fourrage » des Pays de Loire a testé plusieurs itinéraires alternatifs. Le semis sous couvert de fin d’été apparaît comme le plus sécurisant.

Des sécheresses estivales qui se prolongent mais aussi des fins d’hiver humides parfois suivies d’épisodes de sécheresse précoces : les semis de prairie sont régulièrement pénalisés par les conditions météo. « En Pays de la Loire, les implantations de fin d’été, les plus courantes, sont affectées une année sur deux par le manque d’eau, relève Stéphanie Guibert, conseillère prairies à la chambre d’agriculture de Mayenne et membre du groupe régional. Face à ce constat, nous avons souhaité tester des itinéraires alternatifs pour voir si certains permettaient de sécuriser l’implantation des prairies ». Et afin que les résultats soient plus robustes, les essais ont été menés sur plusieurs années (2011-2015) et sur une vingtaine de sites (fermes expérimentales et exploitations agricoles) dans des contextes pédo-climatiques variés.

Une meilleure couverture du sol et un salissement beaucoup plus faible

Parmi les itinéraires testés, c’est le semis de la prairie en fin d’été sous couvert d’une céréale d’hiver ou d’un mélange céréales-protéagineux qui apparaît le plus sûr. À l’exception de la luzerne — mieux adaptée à un semis de printemps — quel que soit le type de prairie semée (espèces plus ou moins agressives) et la céréale ou le méteil associé (plus ou moins couvrant), l’implantation a toujours été satisfaisante, avec une meilleure couverture du sol et un salissement beaucoup plus faible que pour la prairie implantée en sol nu au même moment. « Pour ce qui est du rendement du méteil ou de la céréale associé à la prairie, avec une récolte en ensilage, nous n’avons pas observé d’effet négatif. Le couvert peut effectivement subir la concurrence d’espèces prairiales agressives mais dans l’ensilage, sa productivité moindre est compensée par l’herbe. »

Une fois le couvert ensilé, la prairie qui a accès à la lumière, va se développer… en fonction de la pluviométrie. Dans les cas les plus favorables, la prairie peut être exploitée un mois et demi plus tard. En cas de sécheresse, la pousse sera bien sûr limitée. « Mais comme la prairie est implantée avec un couvert structuré dès la récolte de la céréale ou du méteil, l’éleveur va de toute façon gagner du temps pour son exploitation. »

Sécurisant pour l’implantation des prairies, le semis sous couvert est également intéressant en termes de travail et de consommation de carburant puisqu’un seul travail du sol permet d’implanter deux cultures.

Possible avec le matériel d’exploitation

Au niveau pratique, la date de semis de la prairie sous couvert est un compromis entre les dates de semis habituelles des deux cultures, prairie et céréale. « Dans les conditions des Pays de Loire, une implantation autour de la mi-octobre convient bien, sans dépasser fin octobre. Cette possibilité d’implanter une prairie temporaire de longue durée courant octobre est un vrai plus en cas de fin d’été sec », souligne Stéphanie Guibert.

Le semis sous couvert peut être réalisé avec le matériel de l’exploitation. L’éleveur sème normalement son méteil ou sa céréale avec son semoir à céréale à deux-trois centimètres de profondeur, puis fait un deuxième passage avec les bottes du semoir relevées ou en utilisant un épandeur d’engrais centrifuge pour déposer les semences prairiales en surface. Un roulage est ensuite nécessaire pour assurer un bon contact entre les graines de prairie et la terre fine. Le semis de la prairie et du méteil peut être fait en un seul passage si l’éleveur est équipé d’un semoir à double caisson.

Des essais complémentaires sur les doses de semences

« Nous avons également regardé ce que donnait l’implantation d’une prairie sous couvert, avec une récolte plus tardive de ce couvert, en grain. Les résultats peuvent être satisfaisants, à condition d’associer une céréale couvrante — de type avoine, triticale, avec ou sans protéagineux — et une prairie peu agressive. On a alors une bonne installation de la prairie, avec un impact sur le rendement grain de la céréale modéré, variant de 0 à - 30 %. » Par contre, l’implantation d’espèces prairiales à développement rapide (comme le ray-grass hybride, le ray-grass italien ou le trèfle violet) sous couvert de céréale à l’automne est à éviter. « La prairie a un effet dépréciateur très fort sur le rendement de la céréale, sans gain de productivité pour la prairie. On évitera également les céréales ou méteils peu couvrants pour une récolte en grain. »

Les préconisations en termes de doses de semis pour les installations de prairie sous couvert sont jusqu’à présent d’utiliser des doses pleines de semences prairiales et de céréales. Des essais complémentaires de modulation de doses sont cependant en cours pour essayer de limiter l’impact négatif du semis sous couvert sur le rendement grain de la céréale.

« Avec une récolte en grain de la céréale ou du méteil associé à la prairie, la présence d’herbe dans la paille nécessite de prévoir un peu plus de temps pour sécher la paille avant de la botteler », remarque Stéphanie Guibert.

Un itinéraire alternatif au printemps sous conditions

En complément des semis d’automne, un itinéraire alternatif d’implantation de printemps a été testé avec un sursemis de la prairie dans un méteil ou une céréale en place au tallage, après un passage de herse étrille. Mais les résultats obtenus n’ont pas toujours été concluants. « Dans les conditions des Pays de Loire, cet itinéraire ne permet pas vraiment de sécuriser l’implantation", estime ainsi Stéphanie Guibert. Par rapport à l’implantation simultanée d’automne, notamment, le recouvrement du sol est moins bon et les prairies comportent avec une forte proportion de diverses. « Le fait d’ouvrir le couvert pour implanter la prairie favorise la levée des adventices », analyse Bertrand Daveau à la ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou (Maine-et-Loire). Plusieurs conditions doivent être réunies pour augmenter les chances de réussite de cet itinéraire. La prairie doit être semée dans une céréale peu couvrante, de type blé, à un stade peu avancé au moment du semis et sur un sol bien ressuyé. « Il faut également intervenir avant la formation des vrilles du pois pour limiter les risques d’arrachage. » En fonction des conditions climatiques et du type de sol, la fenêtre d’intervention peut donc être étroite. « Par contre, lorsqu’il réussit, le sursemis de printemps permet d’avoir un peu plus de légumineuses dans la prairie que le semis simultané d’automne ».

Des semis sous couvert facilités avec un semoir à double caisson

Si le semis sous couvert peut être réalisé un semoir classique, les modèles à double caisson facilitent l’opération. La ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou en a acquis un en 2014. « Nous l’utilisons pour les semis de prairie multiespèce sous couvert de méteil, en fin d’été, et pour les semis de luzerne sous couvert d’avoine, au printemps, explique Bertrand Daveau. Son principal intérêt est qu’il permet de gagner du temps et d’économiser du carburant en semant les deux cultures en un seul passage. Pour les semis de fin d’hiver en conditions plus humides, le passage unique permis par le semoir double caisson limite aussi le tassement au niveau des passages de roues ». Le fonctionnement est identique à celui d’un semoir classique. La principale différence porte sur l’intégration au niveau du bâti du semoir — derrière la trémie principale — d’une seconde trémie, plus petite et dont les descentes surplombent une barre horizontale. Cette barre a pour objectif de répartir les graines à la surface du sol par un effet « douche ». Les graines sont ensuite recouvertes par la herse du semoir.

« Je sème chaque année 15 hectares de prairies sous couvert de méteil »

En Loire-Atlantique, Yves Leduc sème l’essentiel de ses prairies temporaires sous couvert de méteil. Réduction du travail, prairies plus propres et plus rapidement exploitables… Il y trouve de multiples avantages.

Cette année encore, Yves Leduc, éleveur à Petit-Mars en Loire-Atlantique avec un double troupeau laitier et allaitant (65 Montbéliardes et 100 Charolaises) a profité de l’implantation de ses 15 hectares de méteil pour semer des prairies temporaires. Les prairies-implantées pour cinq-six ans sont des multiespèces comprenant du ray-grass anglais (6 kg/ha), du ray-grass hybride (5 kg/ha), de la fétuque élevée (7 kg/ha), des trèfles blanc, violet et incarnat (2 kg/ha chacun) et de la luzerne (2 kg/ha). Le méteil cultivé sur l’exploitation associe, lui, du triticale (150 grains/m2), de l’avoine (20 kg/ha), de la vesce (10 à 15 kg/ha) et du pois fourrager (30 à 35 kg/ha). « C’est la troisième année que je pratique le semis sous couvert, explique l’éleveur. Pendant longtemps, j’ai semé mes prairies après la récolte du méteil. C’est une visite à la ferme de Thorigné-d’Anjou qui m’a amené à essayer puis généraliser le semis sous couvert. La technique permet d’avoir une prairie bien implantée qui peut se développer rapidement après l’ensilage du méteil. Du moins s’il y a de l’eau… L’année dernière, c’était le cas et j’ai pu faire une bonne coupe de foin début juillet, soit un mois et demi après la récolte du méteil. J’ai obtenu un rendement de quatre tonnes de MS/ha et jusqu’à cinq tonnes et demie de MS/ha pour une des parcelles, éloignée, sur laquelle j’avais implanté du ray-grass d’Italie, se souvient l’éleveur. Cette année, par contre, la première coupe de foin réalisée à la même période était beaucoup plus limitée, autour d’une tonne de MS/ha. Mais le retour des pluies a ensuite permis de bons pâturages. Sur ces deux années aux conditions météo très contrastées, j’ai donc valorisé sur les parcelles semées sous couvert un peu plus de quatre tonnes de MS/ha entre la récolte du méteil et la fin de saison de pâturage, ce qui aurait été difficile à obtenir avec des prairies implantées derrière duméteil."

Plus de 4 tonnes de MS/ha entre la récolte du méteil et la fin de saison

Les prairies implantées sous couvert sont plus propres. "Quand je semais en sol nu derrière méteil, je devais très souvent désherber les jeunes prairies. Avec les semis sous couvert je n’en ai plus besoin. Le semis sous couvert me permet aussi de gagner du temps, avec un seul travail du sol pour implanter les deux cultures. Le méteil, qui suit une céréale, est implanté en combiné, après deux passages de déchaumeur à disques. En semant la prairie simultanément, j’évite les deux déchaumages que je faisais auparavant derrière le méteil avant de semer la prairie. »

Un itinéraire d’autant plus simplifié que sur l’exploitation, le semis se fait en un passage. « Mon semoir à céréales arrivait en bout de course et il y a deux ans je l’ai remplacé par un modèle à double caisson, qui me permet de semer en même temps le méteil, à deux ou trois centimètres de profondeur, et la prairie, en surface. » Il utilise aussi ce semoir à double caisson pour implanter mes prairies d’association ray-grass anglais et trèfle blanc. "Je place les semences de ray-grass anglais dans le premier caisson, avec un réglage de la profondeur de semis à un centimètre et les graines de trèfle blanc dans le deuxième caisson pour un semis en surface. J’ai l’impression qu’il y a une plus forte proportion de trèfle dans la prairie que lorsque toutes les graines étaient mélangées et semées à un centimètre de profondeur. »

« Depuis que je sème des prairies sous le méteil, j’évite aussi des ramassages de cailloux, relève l’éleveur. Nous sommes sur des terres assez caillouteuses et le roulage effectué après le semis de la prairie permet de les enfoncer en terre alors qu’avant il fallait que je les ramasse en prévision de l’ensilage du méteil."

Le méteil est semé et récolté un mois plus tôt

« L’implantation simultanée de la prairie a peu modifié la conduite, si ce n’est que je sème et que je récolte un mois plus tôt que ce que je faisais lorsque le méteil était seul. » En général, le méteil et la prairie sont implantés dans la première quinzaine d’octobre. « À ce moment-là, les pluies qui sont revenues assurent une bonne levée de la prairie. Mais le sol n’est pas trop humide, ce qui permet de rouler la parcelle après semis dans de bonnes conditions. Je fais souvent en sortie d’hiver un apport de 30 à 40 unités d’azote, mais ce n’est pas systématique. » Le méteil est ensuite ensilé vers le 10-15 mai, avec un rendement moyen de neuf tonnes de MS/ha. « Les rendements sont un peu inférieurs à ceux que j’obtenais quand le méteil était cultivé seul, autour de 10 tonnes de MS/ha. Mais il était plus difficile à récolter car il y avait de la verse. Bien consommé par les animaux, l’ensilage a une valeur alimentaire qui oscille entre 0,75 et 0,85 UF et 70 à 80 PDI en fonction de la part de protéagineux présents à la récolte. Il me fournit ainsi une ration de base équilibrée en plat unique pour le troupeau allaitant. »

V. R.

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