Des bâtiments modulables, bien ventilés l’été
L’augmentation prévue des températures estivales amène à reconsidérer la conception des bâtiments. Jusqu’ici conçus pour l’hiver, les bâtiments devront l’être aussi pour l’été.
L’augmentation prévue des températures estivales amène à reconsidérer la conception des bâtiments. Jusqu’ici conçus pour l’hiver, les bâtiments devront l’être aussi pour l’été.
Alors que les vaches laitières ne passaient que la saison froide à l’intérieur, elles doivent désormais s’abriter des températures excessives de la saison chaude. En 2018 et 2019, l’Institut de l’élevage a conduit une étude, financée par le Cniel, pour apporter les premières recommandations concernant les bâtiments neufs et les bâtiments anciens. Six cents à mille mesures ont été réalisées dans 18 bâtiments pour connaître les zones de confort et d’inconfort des vaches, les paramètres climatiques associés et les aménagements et équipements les plus adaptés aux conditions climatiques à venir.
Supprimer les bardages fixes
Les mesures réalisées ont mis en évidence l’influence essentielle de la vitesse de l’air. « Il y a un lien très fort entre vitesse de l’air et ressenti des animaux », insiste Jacques Capdeville, de l’Institut de l’élevage. Le renouvellement de l’air dans le bâtiment et la ventilation sont donc des facteurs clés. Pour un bâtiment neuf, l’orientation du bâtiment et son positionnement doivent être réfléchis pour éviter les obstacles au vent et favoriser la ventilation naturelle. L’idée est aussi d’avoir le maximum de surface d’entrée d’air, en laissant une ou plusieurs façades ouvertes. Ce qui permet, de plus, une économie de matériaux et peut permettre au soleil bas de l’hiver de réchauffer les animaux, en ouvrants les portes en grand pour favoriser les courants d’air, en ayant des décalages de toiture.
« L’idéal, tout au moins en zone océanique, est un bâtiment de type parasol, sans bardage, analyse Jacques Capdeville. Et dans tous les cas, il faut supprimer les bardages fixes et adopter des solutions modulables sur les longs pans pour faire face à toute évolution du climat. » Des systèmes de rideaux ou filets montés sur enrouleurs sur le côté le plus exposé au vent permettent d’avoir des surfaces d’entrées d’air réglables, ce qui permet de garder du confort en toutes saisons. « Ces systèmes performants sont toutefois assez coûteux et ont une durée de vie limitée », note Bertrand Fagoo, de l’Institut de l’élevage. Il est aussi possible de rendre les bardages bois modulables en les installant sur des cadres pivotants ou coulissants. « Un bardage ajouré avec une planche fixe et une planche montée sur un cadre mobile permet d’ouvrir la surface à 50 %, détaille Jacques Capdeville. L’éleveur peut faire lui-même les travaux en conservant les matériaux initiaux. C’est une solution simple et peu coûteuse. » Autre possibilité pour les bâtiments anciens : installer une trappe ouvrante par travée sur les bardages bois ou en tôle, avec là aussi la possibilité d’une installation par l’éleveur et un coût limité (environ 500 €/travée).
La ventilation mécanique dans certains cas
Si la ventilation naturelle ne suffit pas et/ou dans des zones plus continentales (Est de la France par exemple), la ventilation mécanique peut être envisagée. Plusieurs options sont possibles. Les ventilateurs verticaux à flux horizontal d’ancienne génération permettent de grandes vitesses d’air mais donnent des résultats mitigés et hétérogènes, notamment si les ventilateurs ne sont pas assez rapprochés les uns des autres. « L’effet couloir est très important, constate Jacques Capdeville. Sur une largeur de 2,5 mètres, la ventilation est très importante, mais certaines zones ne sont pas ventilées. » La consommation électrique de ces ventilateurs de forte puissance (900 à 1300 W/ventilateur) est également très élevée.
Les fournisseurs proposent désormais des ventilateurs de moindre puissance (700 à 900 W), qui consomment donc moins d’électricité, sont moins bruyants et moins coûteux et peuvent être plus rapprochés et donc plus efficaces, avec moins d’effet couloir. Autre solution : les ventilateurs horizontaux à flux vertical ou brasseurs d’air, qui donnent des vitesses d’air moyennes et mieux réparties et présentent un bon compromis efficacité-bruit. « Toutefois, la zone ventilée est généralement plus faible qu’annoncé, note Jacques Capdeville. Des progrès sont à attendre pour élargir la zone de ventilation. L’effet d’assèchement de la litière est par contre très intéressant. » Autres solutions plus récentes : des gaines soufflantes, qui permettent des vitesses de l’air de 1,3 à 1,4 m/s ou encore le ventilateur Cyclone (Bioret agri), qui propulse l’air sur les animaux.
Limiter le rayonnement sur les animaux en été
Utiles pour apporter de la lumière, les translucides en toiture amènent aussi de la chaleur, surtout l’été quand le soleil est à son zénith. Pour limiter la surchauffe, on peut donc privilégier les translucides en façade qui permettent un bon éclairage l’hiver quand le soleil est plus bas et sont utiles aussi en présence d’isolation de toiture ou de panneaux photovoltaïques. Des débords de toiture peuvent également être envisagés pour limiter le rayonnement en été sur les animaux mais permettre au soleil bas de l’hiver de les réchauffer.
Des équipements pour rafraîchir les vaches
En complément, la brumisation, qui produit des gouttelettes très fines, peut être envisagée en couplage avec les ventilateurs verticaux à flux horizontal. « Bien positionnée et bien entretenue, la brumisation est un élément de confort supplémentaire adapté surtout aux zones chaudes et sèches. Son principal handicap est d’ajouter de l’humidité dans le bâtiment. Si l’humidité relative est supérieure à 50 % autour du bâtiment, elle ne doit pas être déclenchée car elle sature encore plus vite la capacité de la vache à évacuer des calories. En zone océanique, elle peut aggraver la situation. De plus, les buses se bouchent facilement et devraient être débouchées chaque année, ce qui est rarement fait dans la réalité. »
Une autre possibilité pour rafraîchir les vaches est le douchage, qui produit de grosses gouttes d’eau. « Un progrès consisterait à maintenir les performances de refroidissement en limitant la consommation d’eau. » Autre innovation : un matelas climatisé (Bioret), intégrant un système de récupération de chaleur qui permet à la fois de rafraîchir les vaches et de produire de l’eau chaude.
« Très souvent, la ventilation naturelle peut suffire, analyse Jacques Capdeville. Dans certains cas, des équipements peuvent toutefois apporter un mieux. Des progrès sont cependant à attendre pour beaucoup. Il faudrait aussi que les éleveurs soient davantage conseillés sur le nombre, le positionnement et l’utilisation des équipements. Les conditions d’entretien devraient également être précisées et facilitées. » Enfin, des travaux de recherche seraient nécessaires pour permettre un pilotage plus fin de tous les équipements les uns avec les autres, comme cela se fait par exemple en volaille.
Mise en garde
Il est conseillé de séparer les veaux dans un bâtiment à part et, pour les vaches, de ne pas oublier la salle de traite et l’aire d’attente où elles passent du temps et peuvent s’échauffer.
Le HLI, un indicateur qui tient compte de la vitesse de l’air et du rayonnement
Le plus souvent, l’indicateur utilisé pour rendre compte de l’inconfort des vaches est le THI (Temperature Humidity Index) qui prend en compte la température ambiante et l’humidité relative. L’Institut de l’élevage s’est servi ici d’un autre indicateur, le HLI (Heat Load Index). Très utilisé en Nouvelle-Zélande et Australie mais quasi inconnu en Europe, le HLI prend en compte la température, l’humidité relative, la vitesse de l’air et le rayonnement. « C’est un très bon indicateur qui permet d’objectiver finement le ressenti des animaux : il tient compte de la vitesse de l’air et du rayonnement solaire qui peut fortement influencer la température ressentie, estime Jacques Capdeville. Il permet notamment de prédire le niveau de stress les jours les plus chauds de l’été et de comparer les bâtiments entre eux. »
Protéger les animaux des températures excessives
À 22 °C, une vache laitière est dans sa zone de confort. À partir de 25 °C, elle doit s’adapter. Entre 30 °C et 35 °C, elle est en situation de souffrance et à plus de 42 °C elle peut mourir. Quand une vache souffre de la chaleur, sa production laitière baisse (-1 à -4 kg), de même que les taux de protéines et matières grasses. Le stress peut entraîner une augmentation des cellules et une baisse des performances de reproduction (œstrus silencieux, baisse de fertilité et fécondité). Enfin, une vache qui a chaud mange moins et boit plus.
Selon les projections de Météo France pour le projet Climalait, les températures estivales vont augmenter de 1 °C à 2 °C d’ici 2040-2060 et le phénomène va s’accentuer à la fin du siècle.