Prairies : « Chaque lundi, je fais le tour de mes parcelles et j’ajuste ma conduite de l’herbe »
Dans le Puy-de-Dôme, installé à 1 070 mètres d’altitude, Nicolas Dumont a sollicité un diagnostic prairial. Désormais autonome en fourrage, il a revu entièrement son système fourrager en redécoupant ses parcelles en paddocks et en ajustant constamment sa conduite aux conditions météorologiques.
Dans le Puy-de-Dôme, installé à 1 070 mètres d’altitude, Nicolas Dumont a sollicité un diagnostic prairial. Désormais autonome en fourrage, il a revu entièrement son système fourrager en redécoupant ses parcelles en paddocks et en ajustant constamment sa conduite aux conditions météorologiques.
Avec un œil sur ses prairies et l’autre sur les prévisions météorologiques, Nicolas Dumont adapte, au jour le jour, le pâturage de ses vaches et l’organisation de son planning de fauche. D’avril à juillet, chaque lundi, il fait le tour de ses parcelles. L’éleveur puydômois en est convaincu, c’est une des clés de la gestion de son exploitation laitière.
En 2018, à la suite de la construction d’un séchoir en grange, il sollicite un diagnostic prairial avec en ligne de mire l’amélioration de son autonomie fourragère.
Avant, l’exploitation laitière n’était pas toujours suffisante en stockage et devait recourir à l’enrubannage, ce qui ne permettait pas au saint-nectaire de l’exploitation d’arborer la mention « Les fourrages de notre élevage sont exclusivement composés de paturage et de foin »(1). C’est le cas aujourd’hui.
« Ici, nous sommes en prairie permanente à 1 070 mètres d’altitude versant ouest, sur un sol superficiel très hétérogène », résume Nicolas Dumont en expliquant qu’outre l’autonomie, il souhaitait une meilleure valorisation de son herbe et aller chercher au maximum le potentiel de ses prairies, tant au niveau quantitatif que qualitatif, tout en préservant leur diversité.
Des prairies sous surveillance
Géraldine Dupic, conseillère fourrages à la chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme, qui a réalisé ce diagnostic, a commencé par « traverser toutes les parcelles à pied, sinon, on ne voit pas ».
Côté éco
Un diagnostic prairial coûte 1 100 €. Le financement d’une partie peut être pris en charge par le conseil départemental avec un complément de l’interprofession saint-nectaire. 300 à 350 € restent à la charge de l’éleveur.
Dans le Massif central, les diagnostics prairiaux se basent sur un précieux travail d’observation et de classification, qui a abouti à la publication d’une « bible » de 282 pages, disponible sur site du service interdépartemental pour l’animation du Massif central. Cette base d’informations a été associée à un outil informatique baptisé Diam (pour diagnostic multifonctionnel du système fourrager).
« Ces deux outils nous permettent de faire un diagnostic pour l’ensemble des parcelles et de proposer des pistes d’adaptation en lien avec les objectifs de l’éleveur. Une centaine de diagnostics ont ainsi été réalisés sur le département du Puy-de-Dôme. La méthode est adaptée à la plaine ou à la montagne, aux élevages lait ou viande », indique la conseillère.
Pour chaque type de prairie, elle apporte des indicateurs agricoles (quantité et qualité), environnementaux (capacité à stocker le carbone, diversité de couleurs de fleurs, accueil des pollinisateurs…) et sur la qualité de produits (richesse aromatique, couleur de la pâte, acide gras d’intérêt…).
« La première entrée était l’altitude (900 à 1 300 m), puis le gradient d’humidité du sol (portant ou humide) ; ensuite, l’utilisation principale des parcelles (fauche ou pâture) et, en quatrième, la fertilité du sol », précise-t-elle. Chaque parcelle est associée à un ou plusieurs types de prairies.
Du fil aux paddocks
Sur les soixante types de prairies identifiés à l’échelle du Massif central, le Gaec de Bertinet en compte douze. C’est sur cette base, combinée aux attentes de l’éleveur, que se sont fondés le redécoupage et le calcul des surfaces en fonction des points d’eau, des entrées de parcelles, des chemins d’accès, etc. Tout le système fourrager a été rationalisé pour simplifier l’utilisation de l’espace.
L’exploitation est désormais découpée en 14 à 17 paddocks, dont certains pérennes. Leur surface, de 1 hectare en moyenne, a été déterminée en fonction de la taille du troupeau qui y reste un à un jour et demi. « Deux à trois repas pour une cinquantaine de vaches », précise Nicolas Dumont. Jusque-là, les animaux étaient rationnés au fil, tous les jours. Résultat : un gain de temps, une meilleure répartition des bouses et des bêtes moins restreintes.
Les parties mécanisables ont été privilégiées pour la fauche en sachant qu’elles peuvent produire 4 à 8 t/ha. L’éleveur sait que pour sa ration quotidienne hivernale (200 jours par an), il vise 4 kg de foin en coupe précoce par vache pour 17 kg de fourrage en tout. Ce diagnostic prairial a également conduit à la création d’un chemin pour faciliter les déplacements vers les paddocks. Certains ont été dotés de deux entrées.
« Au printemps, il faut jongler. C’est le moment le plus compliqué », précise l’éleveur. Quand ça part au sec, il sait qu’il doit fertiliser certains paddocks. Quand il pleut sur la bien nommée « parcelle humide », il accélère le mouvement, y laisse moins longtemps les animaux, de manière à la préserver des piétinements.
« Quand on annonce quinze jours secs en août, on ajuste ; certains paddocks sont pâturés de nuit plutôt que le jour. » L’état des lieux du lundi détermine le programme de la semaine, mais des ajustements sont toujours possibles au fil des jours et de la météo. « Faire le tour de ses parcelles, c’est indispensable », souligne Géraldine Dupic.
L’optimisation pour objectif
Grâce à ces ajustements, l’herbe est toujours consommée à son meilleur stade : 6 à 10 cm en entrée de parcelle et 4 à 5 cm à la sortie. L’herbomètre sert en entrée de parcelle, mais surtout en sortie, pour départager, quand les avis divergent avec un salarié.
Les résultats sont au rendez-vous. « Nous montons en lait d’année en année avec plus de régularité dans la production », constate Nicolas Dumont. Avec le pâturage tournant, les zones de refus sont moindres.
De plus, tous les trois ou quatre tours, il prend soin de les faucher et de les ramasser. Et là, c’est « tout bénef » au niveau du parasitisme. « Nous n’avons jamais été aussi bas. Voilà deux ans d’affilée que les animaux ne sont pas infestés. Cette année, nous avons fait l’impasse sur les vermifuges », précise l’éleveur.
Par ailleurs, un linéaire de 350 mètres de haie a été envisagé pour couper le vent d’ouest. L'an dernier, 110 mètres ont déjà été plantés, uniquement des feuillus de petites tailles (noisetiers, sorbiers des oiseleurs, cornouillers sanguins…) et quelques arbres de haut jet (frênes, tilleuls…) pour servir de perchoir aux prédateurs. Un alignement de sapins inefficaces sera supprimé.
« Quand l’éleveur a bien intégré le rôle des haies, c’est parfait », conclut Géraldine Dupic, en soulignant l’importance de bien connaître ses prairies. Seul bémol dans cette organisation, le déplacement des tonnes à eau reste chronophage.
Fiche élevage
Gaec de Bertinet
380 000 l de lait par an collectés ou transformés à la ferme
37 t de saint-nectaire fermier
2 associés et 3,5 salariés
60 vaches
106 ha