Régulation
Vers des marchés à terme plus transparents et surveillés
Le projet de révision de la directive sur les marchés financiers confère davantage d’outils et de pouvoirs aux autorités de contrôle.
« Les marchés financiers doivent travailler pour l’économie réelle et non l’inverse », a déclaré Michel Barnier, commissaire européen en charge de la révision de la directive communautaire de 2007 sur les marchés d’instruments financiers (Mifid). C’est dans cette logique qu’ont été pensées les propositions présentées le 20 octobre par la Commission européenne.
Les autorités européennes cherchent à mettre en place un cadre plus strict pour les marchés à terme des matières premières et, notamment, à les rendre plus transparents. Bruxelles préconise un renforcement de la surveillance des marchés, avec en particulier la catégorisation des opérateurs actifs sur ces places. Cela devrait permettre aux autorités de marché financiers (AMF), dont le pouvoir est par ailleurs renforcé, de mieux appréhender l’influence de chaque groupe de professionnels prenant part aux échanges sur les places électroniques. La Commission demande aussi la définition de limites d’emprise.
Publication hebdomadaire des positions des différentes catégories d’opérateurs
Le projet de la Commission confirme plusieurs éléments pressentis, défendus par le gouvernement français et demandés par les professionnels des filières céréalières. La directive instaure en particulier le principe de limite de positions. Il serait de la responsabilité des Etats membres de s’assurer que des règles sont bien mises en place sur les différents marchés. L’AMF devra les adapter à chaque marché en tenant compte de différents éléments, notamment que sa liquidité n’en soit pas affectée. Elle devra aussi chercher à éviter les positions dominantes susceptibles de vouloir orienter les prix. Et cela, sur les marchés à terme, mais également sur les places de traitements privées, développées entre autres par les banques. Demain, Euronext devra donc instaurer ces limites et il reviendra à la France d’en vérifier la mise en place, pour les céréales notamment.
La nouvelle mouture de la directive définit des catégories d’opérateurs, à savoir : les entreprises d’investissement, dont les banques font partie ; les firmes d’investissement soumises à certaines règles concernant la négociation de titres ; une troisième catégorie de financiers à laquelle appartiennent les Hedges Funds ; les entreprises commerciales. Une répartition équivalente à celle déjà en place sur Chicago mais se référant au règlement de l’UE. Comme sur le CBOT, les positions seraient publiées chaque semaine, sous forme agrégée, mais l’AMF aurait accès au détail. Pour les meuniers, « ces avancées sont satisfaisantes. Elles confèreront une meilleure transparence au marché, se réjouit Bernard Valluis, président délégué de l’ANMF. L’ensemble des contrôles donnera aussi une meilleure image de ces marchés », ajoute-t-il.
Autre motif de satisfaction mis en avant par le représentant de la meunerie française, la proposition, diffusée le 15 septembre, d’un règlement encadrant l’échange de gré à gré de produits dérivés, et notamment d’options. Celle-ci prévoit que toute transaction de produits dérivés standards soit consignée aux registres d’affaires, auxquels les autorités de marché auront accès. Elle impose aussi un passage par une chambre de compensation. « Tous ces éléments sont positifs » et vont dans le sens d’une meilleure visibilité et d’une maîtrise des risques, estime Bernard Valluis.
La définition des exemptions – par déclaration – concernant les limites de positions est par ailleurs resserrée, mais son périmètre d’application a lui aussi évolué et, finalement, il n’y a pas de réelle conséquence pour les opérateurs commerciaux.
L’AMF pourrait intervenir sur les marchés électroniques, mais aussi physiques
Nouvel élément, les autorités de régulation financière pourraient suivre les évolutions de marché et se saisir de situations sur le physique susceptibles d’avoir des conséquences sur les marchés dérivés. A l’inverse, elles pourront intervenir à tout moment si nécessaire sur les marchés à terme, y compris en fixant des limites de positions en cas de perturbations. C’est un texte de la directive sur les positions dominantes Mad (Market abuse directive), et non de la Mifid, qui introduit ce nouveau levier de régulation. « Mais de quels moyens disposeront les autorités des marchés pour avoir un reporting du physique ? », s’interroge Bernard Valluis, poursuivant : « avec les nouveaux outils elles auront en effet davantage de retour des marchés électroniques que du physique », globalement opaque. « Les autorités de marché doivent disposer de pouvoirs d’investigation suffisants sur les activités des intervenants sur les marchés physiques de matières premières », aspirent à ce sujet Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture, et François Baroin, ministre de l’Economie, qui se sont félicités, dans un communiqué commun, de la publication par la Commission européenne de ses projets de révision des directives Mifid et Mad. « Les propositions de la Commission européenne devront être à présent détaillées et renforcées au cours des négociations à venir afin que l’Europe mette en œuvre des principes ambitieux de régulation des marchés financiers de matières premières », comme y invitent les ministres. Les textes doivent désormais être soumis à l’examen du Parlement européen, qui prendra la codécision finale avec le Conseil et la Commission.