Comportements alimentaires
Un budget alimentation amaigri
Les Français consacrent de moins en moins de temps et d’argent à leurs repas. Une tendance exacerbée par la conjoncture économique
LA BAISSE du pouvoir d’achat accentue la tendance d’évolution de la consommation observée en France, à savoir une restriction de la part du budget des ménages consacrée à l’alimentaire, explique Pascale Hébel, directrice du département ad hoc du Crédoc. Le centre de recherche a réalisé en 2007 une étude des comportements alimentaires de nos concitoyens (CCAF 2007). Les conclusions, présentées le 5 février lors d’un colloque de l’Observatoire du pain, soulignent que ce recul est conjoncturel, mais aussi générationnel !
Les jeunes n’accordent pas plus de 10 % de leurs revenus à leur alimentation
La croissance des dépenses alimentaires, amorcée dans les années 1970, avec 2,5 %, a ralenti, restant ancrée à 1,5 % depuis 1996. Un point important néanmoins, le poids de l’alimentation dans le budget des Français régresse. Plusieurs raisons à cela, selon Pascal Hébel, et notamment le passage à l’euro qui a troublé la perception du prix par le consommateur. Les fruits, aliments les moins chers au poids, sont par exemple considérés comme onéreux. « La multiplication des offres promotionnelles »a eu un effet similaire, assure-t-elle. Par ailleurs, l’alourdissement de certains postes, comme le logement ou les technologies de l’information, a joué un rôle essentiel. Tous ces éléments ont créé « un contexte d’arbitrage en défaveur de l’alimentaire. » Depuis 2002, ces dépenses ont reculé d’1,7 point et ne représentent plus que 19,6% du budget des Français, soit 2.200 € par an/hb. Et cette tendance devrait s’accentuer puisque l’étude révèle « une désaffection des jeunes pour l’alimentaire, en temps et argent. » Ils n’y consacrent plus que 10 % de leurs revenus, contre 30% pour leurs aînés. 2008 mar-que cependant une rupture : la baisse du pouvoir d’achat a fait chuté la consommation alimentaire de 2,2% !
Hausse de la fréquentation de la soupe populaire, développement du hard-discount, baisse de la demande en viandes – maigres notamment – réhabilitation des abats… traduisent le fait que se nourrir est un problème financier. La crise accentue également la tendance au “fait maison”, notamment pour recevoir. Une orientation illustrée par l’essor des ventes de machines à pain. Mais cela ne serait vrai que pour les populations les plus éduquées, modère la représentante du Crédoc. Dans les foyers modestes, « cuisiner est considéré comme une corvée. » D’autant que l’équipement ménager y est devenu superflu.
Consommer toujours plus vite
Gain de temps, praticité et commodité sont les premières attentes des Français. Elles vont de pair avec l’évolution de notre mode de vie. Elles s’illustrent par la diminution du nombre de plats et des temps de préparation. L’étude du Crédoc note aussi « une irrégularité des horaires de repas, le développement des plateaux-repas, l’essor des produits transformés »… Les consommateurs, et en particulier les jeunes, sont de fait demandeurs d’aliments services.
En parallèle, la dimension “santé” prend le pas, depuis trois ans, sur l’aspect “plaisir”, un des piliers des déterminants alimentaires. 89 % des personnes interrogées estiment ainsi que la manière dont elles mangent influe sur leur santé. « Mais les Français ont une très mauvaise connaissance de la nutrition et ne comprennent pas les étiquettes », assure Pascale Hébel. De fait, 11 % d’entre eux ne satisfont pas leurs besoins nutritionnels en protéines, 15 % pour les lipides et 92 % pour les glucides, notamment complexes ! Sur la base des ANC (apports nutritionnels conseillés), ces besoins nutritionnels ne sont couverts qu’à hauteur de 8 % pour les adultes et 9 % pour les enfants. En revanche la part des glucides simples progresse.
Or par sa consommation en quantité, le groupe pain-biscottes est le premier contributeur en énergie (17,4 %), en glucides complexes (48,2 %) et en fibres (29,1 %). Plus étonnant, il est le second vecteur de protéines (15,1 %) ! Les produits panifiés ont donc leur rôle à jouer dans l’équilibre alimentaire des Français.
Le pain a sa place sur les plateaux-repas
Si la consommation de pain a chuté, elle reste ancrée dans les habitudes des Français. Ce produit trouve sa place à tous les repas, et ce quelle que soit la population étudiée. 13 % en mangent cependant moins d’une fois par jour.
Et la consommation varie selon les tranches d’âge. Si les adultes en avalent 136 g/jour (143,3 en 2003) à parts semblables dans les 3 repas, les ados n’en grignottent plus que 96,3 g/j (110,6g en 2003), dont 11 % au goûter. Les enfants en avalent 50 g/j, mais en une seule prise dans 42 % de cas. Le problème est que les habitudes prises se perpétuent à l’âge adulte. Soulignons enfin que les foyers à revenus moyens sont les plus gros consommateurs, devant les plus pauvres et les riches…