Un accord partiel sur l'agriculture à l'OMC mais des inconnues
En dépit de l'accord de la conférence ministérielle de Nairobi sur les soutiens à l'exportation pour les produits agricoles, les négociations de l'OMC sur la libéralisation des échanges restent dans un état végétatif.

« L'UE a conclu avec succès ce qu'elle cherchait à obtenir », a assuré le 19 décembre la commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, à l'issue des cinq jours de tractations, à Nairobi (Kenya), de la dixième Conférence ministérielle de l'OMC, qui ont abouti à un accord sur l'élimination des subventions à l'exportation et l'encadrement des mesures d'effet similaire pour les produits agricoles, mais aussi à un désaccord sur l'avenir du cycle de Doha. « L'incertitude qui règne sur les négociations (multilatérales) est préoccupante dans un monde où le commerce agricole mondial sera vraisemblablement en augmentation au cours des prochaines décennies, au fur et à mesure que les régimes de consommation et de production continueront d'évoluer », a estimé le directeur général de la FAO, José Graziano da Silva.
L'OMC compte maintenant 164 membres, avec l'adhésion du Libéria et de l'Afghanistan.
Désaccord sur le cycle de Doha
La déclaration ministérielle adoptée à Nairobi reconnaît que les membres de l'OMC restent en désaccord sur la poursuite du cycle de Doha. Elle souligne toutefois l'intention de faire progresser les travaux sur les trois questions centrales que constituent l'agriculture, l'accès aux marchés pour les produits non agricoles et les services, et les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce.
Concurrence à l'exportation, dérogations pour les pays en développement
Dans le domaine agricole, les ministres ont adopté quatre décisions sur la concurrence à l'exportation, le secteur du coton, le mécanisme de sauvegarde spéciale pour les pays en développement et la détention de stocks publics à des fins de sécurité alimentaire. Celles-ci constituent le « résultat le plus significatif sur l'agriculture » au cours des vingt ans d'existence de l'OMC, a estimé son directeur général, Roberto Azevêdo. La décision sur le mécanisme de sauvegarde spéciale souligne que les pays en développement, tels l'Inde, la Chine ” et l'Indonésie, peuvent recourir à ce dispositif qui leur permet d'augmenter temporairement leurs droits de douane en cas de hausse soudaine des importations agricoles. Toutefois, les négociations sur cette question se poursuivront à Genève au sein du comité de l'OMC sur l'agriculture. Ce comité discutera aussi, en marge du cycle de Doha, d'une « solution permanente » pour les programmes de stockage public à des fins de sécurité alimentaire, mécanisme souhaité par les pays en développement du G33, en particulier l'Inde.
Subventions et crédits à l'export
La décision sur la concurrence à l'exportation concerne les subventions à l'exportation proprement dites ainsi que d'autres types de soutien susceptibles de fausser les échanges, à savoir les crédits, les entreprises commerciales d'État et l'aide alimentaire. Les pays développés doivent éliminer immédiatement leurs subventions à l'exportation, instrument auquel l'UE a mis fin pour la plupart des produits, mais qu'utilisent des pays comme la Suisse, la Norvège et le Canada, ou encore l'Inde et la Turquie. Avec, toutefois, une dérogation jusqu'en 2020 pour les pays (la Suisse ou le Canada), qui octroient ces soutiens pour « les produits transformés, les produits laitiers et la viande de porc », sauf si ceux-ci sont destinés aux pays les moins avancés (PMA). Les pays en développement doivent éliminer leurs subventions à l'exportation d'ici fin 2018. Avec, là aussi, une dérogation jusqu'en 2022 pour certains pays ayant notifié un tel soutien à l'OMC, ainsi qu'un délai supplémentaire jusqu'en 2023 pour les subventions au transport et à la commercialisation. Enfin, des dispositions spéciales sont prévues pour les subventions à l'exportation dans le secteur du coton.
Les pays développés doivent éliminer immédiatement leurs subventions à l'export
Pour les crédits à l'exportation, instrument dont les États-Unis sont le principal utilisateur, la décision ministérielle de l'OMC précise que la durée maximale de remboursement devra être de 18 mois dans le cas des pays développés. L'UE et le Brésil, notamment, avaient proposé neuf mois sous certaines conditions. La législation américaine autorise actuellement une durée de remboursement pouvant atteindre 24 mois, mais celle-ci semble être en pratique de 18 mois. Enfin, les pays en développement sont autorisés à offrir des crédits sur des durées plus longues, pouvant atteindre 36 mois, mais ces délais devront être ramenés à 18 mois sur une période de mise en œuvre de 4 ans.
Selon la décision prise à Nairobi, les membres de l'OMC « feront en sorte que les entreprises commerciales d'État exportatrices de produits agricoles n'opèrent pas d'une manière qui contourne » les disciplines fixées au niveau multilatéral. Ils devront aussi s'assurer que, « dans l'exercice de leurs pouvoirs de monopole d'exportation, (ces entreprises) agissent d'une manière qui réduit au minimum les effets de distorsion des échanges ». Enfin, les membres de l'OMC devront s'abstenir de fournir de l'aide alimentaire internationale en nature lorsqu'elle pourrait avoir un effet négatif sur la production locale ou régionale, et s'assurer que celle-ci n'ait pas d'incidence indésirable sur les marchés commerciaux établis. L'aide alimentaire peut être monétisée dans les cas où elle « sert à remédier à des déficits alimentaires à court ou long terme ou à des situations d'insuffisance de la production agricole qui engendrent la faim et la malnutrition chroniques dans les PMA et dans les pays importateurs nets de produits alimentaires ».