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Soja non-OGM : une étude fait le point sur l’avenir de la filière

D’après les auteurs du rapport, le maintien des filières non-OGM dans l’UE passera par l’augmentation des prix des produits conventionnels. 

Les filières non-OGM sont-elles mena-cées ? La récente étude intitulée “Le marché mondial des OGM : implications pour les filières alimentaires européennes”, y répond en substance par l’affirmative. Réclamée par les principales entreprises de biotechnologie mondiales (BASF, Bayer CropScience, Dow AgroSciences, Dupont, Monsanto et Syngenta), le rapport a été rendu public par deux de ses auteurs à Paris, à l’initiative de l’association Deba, spécialisée dans la communication d’informations relatives aux biotechnologies et financée par les grands noms de ce secteur. Cette dernière a notamment insisté sur le caractère indépendant de l’étude réalisée par Graham Brookes, économiste spécialisé depuis vingt ans dans l’analyse des secteurs agricoles, Neville Craddock, consultant spécialisé depuis quarante ans dans l’industrie alimentaire, et Bärbel Kniel, chimiste en alimentation.

Le soja au cœur des préoccupations

Au niveau mondial, le marché du non-OGM concerne actuellement quatre grandes cultures : le coton, le maïs, le colza et le soja. Au niveau européen, en revanche, seule cette dernière fait l’objet d’une ségrégation des filières OGM/non-OGM. D’abord parce que l’UE produit, pour son propre marché, du colza et de maïs non modifié (bien que pour ce dernier les surfaces transgéniques aient conquis l’Espagne et commencent à se développer en France). Ensuite, en raison du recours massif à l’importation de tourteaux de soja en provenance du Brésil, qui reste à l’heure actuelle l’unique source de produits non transgéniques. D’après le rapport, cette ressource brésilienne «va vraissemblablement chuter de façon substantielle dans les trois années à venir», compte tenu de la récente législation nationale autorisant officiellement la culture de soja transgénique. Pour les auteurs de l’étude, cette nouvelle donne légale «facilitera la multiplication des semences OGM et permettra la mise sur le marché de semences tolérantes à des herbicides et adaptées aux conditions de culture nationale, plutôt que de voir les cultivateurs s’approvisionner illégalement en Argentine». Ils projettent une «extension des cultures du soja transgénique vers le nord du Brésil» et s’attendent donc à ce que «la production de soja non-OGM chute significativement dans les deux années à venir», du fait de «l’absence de différentiels de prix au niveau de l’exploitation agricole pour le soja conventionnel» et des gains de production «intéressants» permis par le soja tolérant au glyphosate, estimés entre 23 #/ha et 56 #/ha contre 10 à 24 #/ha pour le conventionnel. Selon Graham Brookes, pour que la filière soja non-OGM puisse perdurer, l’agriculteur brésilien devra être en mesure de «vendre sa récolte 4,2 à 10,5 % plus chère qu’une récolte transgénique». Et en intégrant les surcoûts induits par les contrôles liés à la traçabilité, il estime que la différence de prix au niveau de l’UE «devrait être multipliée par quatre et s’établir entre 8 et 20 % pour le soja “IP souple”1, et par deux pour s’établir entre 13 et 25 % pour le soja “IP rigide”2». Enfin, la potentielle augmentation des surfaces de cultures OGM au Brésil aurait pour conséquence de multiplier «les possibilités de mélanges entre production transgénique et non transgénique, en particulier lors du transport, du stockage et de la transformation». De facto, les acheteurs d’OGM seraient conduits à exiger davantage de contrôles pour amoindrir les risques de pollution, «d’où un recours accru à des systèmes “IP rigide”» qui conduirait à «une nouvelle hausse du coût d’approvisionnement en soja non transgénique et de ses dérivés».

Peu d’évolution à court terme en colza et en maïs

Concernant le colza, l’étude ne prévoit pas de «culture commerciale de colza génétiquement modifié dans l’UE dans les trois années à venir» et affirme que «les besoins de l’UE continueront de reposer sur une production intracommunautaire de colza non-OGM». La situation diffère en maïs. Selon le rapport, les surfaces de maïs modifiés «sont appelées à augmenter dans les trois années à venir mais continueront de ne représenter qu’une très faible part de la production totale de maïs de l’UE». Toutefois, les différences de prix entre maïs transgénique et conventionnel pourraient progresser de façon marginale, «mais elle ne devrait pas dépasser 3 à 4 %».

Différentes hypothèses

En conclusion, les auteurs de l’étude évoquent trois scenarii possibles. Dans le premier, «le surcoût serait répercuté sur le distributeur puis finalement sur le consommateur, sous la forme d’une hausse de prix des produits finis, le poulet par exemple». A ce jour, le droit européen ne permet pas aux citoyens de choisir un produit animal nourri aux OGM ou non. Quelle sera l’attitude du consommateur quand le choix sera possible ? «Jusqu’ici, l’étude des comportements généraux d’achat tend à montrer que le choix se porte généralement sur l’option la moins chère», affirme le rapport. La deuxième hypothèse consiste en une refonte des politiques non-OGM des distributeurs qui pourraient offrir des produits non transgéniques «uniquement haut de gamme», en adoucissant les autres cahiers des charges de production. Enfin, la dernière solution serait que la chaîne d’approvisionnement en amont du détaillant absorbe les surcoûts. Cette situation pourrait générer «une pénurie pour les détaillants de viande d’animaux nourris d’ingrédients non-OGM». L’alternative consisterait soit à accepter des prix plus élevés pour ces produits, soit à se tourner davantage vers les importations en provenance de pays hors UE, où la probabilité de présence OGM dans l’aliment du bétail est plus élevée.

(1) “IP souple” : identité préservée non OGM, contrôlée avec la méthode PCR, sans traçabilité. (2) “IP rigide” : identité préservée non-OGM tracée.

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