Salon de l'agriculture : visite houleuse pour François Hollande
Les visites, porte de Versailles, du président de la République et du Premier ministre se sont déroulées dans une ambiance tendue, surtout pour François Hollande : sifflets et insultes des éleveurs, échauffourées entre la FRSEA Ile-de-France et les forces de l'ordre.

Après avoir été accueilli dans le calme par le président de la FNSEA Xavier Beulin, ainsi que par les représentants des autres syndicats agricoles, le pré-si-dent de la République a été sifflé et hué par les éleveurs laitiers exposants lors de sa déambulation dans les allées du Salon de l'agriculture, le 27 février. Une vingtaine d'éleveurs, vêtus de t-shirts noirs, fournis par l'organisme de sélection Holstein France, sur lesquels était écrit “Les éleveurs sont en détresse” se sont vertement adressés au président. Quand certains éleveurs criaient « Hollande démission », d'autres se frottaient au service d'ordre présidentiel, particulièrement fourni cette année. La visite présidentielle n'a toutefois pas été écourtée. Sur le stand de l'Odyssée du végétal, le président de la République a expliqué à la presse qu'il était venu sur le Salon de l'agriculture, d'une part pour mettre en avant les performances de l'agriculture française, « la plus belle d'Europe », mais aussi pour « écouter ces cris », ceux des éleveurs laitiers qui l'avaient sifflé quelques minutes plus tôt. François Hollande a rappelé son analyse de la crise, celle d'une surproduction, qu'il souhaite endiguer en intervenant au niveau européen. Il a aussi plaidé pour l'étiquetage de l'origine des viandes dans les produits transformés.
Accrochages entre les forces de l'ordre et la FRSEA Ile-de-France
En marge de la visite de François Hollande, une action de la FRSEA Ile-de-France, visant à démonter une partie du stand du ministère de l'Agriculture afin de manifester contre « les surtranspositions environnementales, sociales et fiscales » et l'action de gouverne-ment, s'est terminée en échauffourée avec les forces de l'ordre. Ces dernières auraient chargé les manifestants pendant le démontage, donnant lieu à un accrochage en dehors du hall, rapportent les agriculteurs. Une partie du stand a été détruite. Cinq agriculteurs ont été interpellés. Ils devaient être rapidement relâchés et aucune plainte ne sera déposée contre eux. « L'incident est clos », déclarait quelques minutes après l'incident Xavier Beulin devant les manifestants. Le lendemain, le président de la FNSEA a voulu « présenter ses excuses » au président de la République au nom des agriculteurs. C'est ce qu'il a affirmé au micro d'Europe 1 le dimanche 28 février au matin, jugeant les actions conduites « pas respectables pour la fonction ni pour la personne » mais attribuant ces mouvements à « l'expression d'une colère, d'un désespoir ». Dominique Barrau, secrétaire général de la FNSEA, jugeait pour sa part que « les gars, je ne les condamne pas. Ils ont fait exactement ce qu'aurait voulu faire tout agriculteur qui n'a pas pu se rendre au Salon ».
Une visite plus calme pour Manuel Valls
À la suite de ces événements, la visite du Premier ministre Manuel Valls, prévue le lendemain dès 7 heures, était attendue non sans interrogation de la part des professionnels. Selon certaines sources, des éleveurs normands auraient envisagé de manifester, invoquant l'engagement récent du Premier ministre sur les dossiers agricoles, jugé insuffisant. Dimanche dans l'après-midi, selon certaines informations, la question était posée : faut-il vraiment que le chef de gouvernement arpente le hall 1, alors que le matin même, le stand Charal, du groupe Bigard, y fit l'objet d'une manifestation musclée de la part d'éleveurs de la FNB (Fédération nationale bovine) ?
Finalement, la venue du Premier ministre au Salon de l'agriculture, le 29 février, s'est déroulée dans une atmosphère moins tendue que celle du président de la République. Son passage dans le hall 1, celui des productions animales actuellement touchées par de graves crises de marché, a été seulement émaillé de quelques sifflets, rapporte un éleveur exposant, que l'imposant service d'ordre du ministre a manifestement impressionné, comme celui la veille du président de la République. Le secrétaire général de la Fédération nationale bovine Pierre Vaugarny a présenté au ministre un billet factice de 100 euros, sur lequel était précisé que 8 euros seulement revenaient aux éleveurs. Le même qu'il présentera le lendemain à Nicolas Sarkozy.
Si François Hollande a été quelque peu chahuté sur le Salon de l'agriculture, « il ne faut pas grossir le trait », estime Guy Vasseur. « Ce n'est pas le premier, ce ne sera pas le dernier », prévoit le président de l'APCA (Assemblée permanente des chambres d'agriculture). « Que le pouvoir en place soit un peu bousculé, cela fait partie du jeu » dit-il, comprenant les mouvements à la hauteur de la crise vécue par les agriculteurs. Ceux-ci ont voulu interpeller les politiques pour qu'ils prennent conscience de la gravité de la crise agricole, qui, selon Guy Vasseur, ne touche d'ailleurs pas que les éleveurs. Quant au Salon lui-même et à ses enseignements, l'édition 2016 a montré un niveau de modernité inédit selon lui, « et qui peut surprendre les citoyens ». Un événement, en somme, qui laisse une impression mitigée : le monde agricole veut se projeter dans l'avenir, commente Guy Vasseur, mais il vit des difficultés qui s'amoncellent. D'où une demande urgente auprès de l'Europe : qu'elle assure une protection suffisante pour vivre cette modernité. « Je ne comprends pas bien le manque de réactivité de Bruxelles », affirme-t-il.