Brexit
Quid des céréales britanniques ?
S'il est encore tôt pour connaître les conséquences du Brexit sur le marché des grains, cet événement pourrait transfigurer la politique agricole du Royaume-Uni sur le long terme et par ricochet sa production céréalière.
Le vote des Britanniques, qui ont exprimé le souhait de ne plus faire partie des 28 États membres de l'UE le 23 juin dernier, a déjà eu quelques répercussions sur les matières premières agricoles, avec une volatilité accrue (yoyo du pétrole impactant le colza, par exemple). Si les professionnels des filières agricole et agroalimentaire hexagonales sont encore en train de digérer la nouvelle, quelques scénarios quant aux conséquences du Brexit sur le commerce des produits agricoles entre le Royaume-Uni (RU), la France et l'UE sont envisagés. « Les Britanniques sont actuellement bénéficiaires de la Pac. Ainsi, sur le long terme, il pourrait y avoir un bouleversement de la production agricole de l'État, qui ne serait pas forcément au bénéfice de ses agriculteurs », témoigne Jean-François Lepy, directeur général de Soufflet Négoce. Le président de la National Farmers Union a indiqué que les agriculteurs britanniques pourraient s'asseoir sur 3,6 Md€ d'aides, quand le Brexit sera effectif. Une partie de ces soutiens ont permis aux céréaliers britanniques de faire sortir de terre 15,2 Mt de blé tendre, 11,3 Mt d'orge et 2,15 Mt de colza pour la campagne 2016/2017, selon une note du Coceral du 29 juin. Jean-François Lepy craint, lorsque le Brexit sera acté, que le gouvernement britannique se montre moins généreux que l'UE à l'avenir. « Il n'est pas du tout dit que les autorités décident de subventionner les productions céréalières au même niveau que le fait l'UE. Ceci pourrait en-gendrer une restructuration de l'agriculture britannique, avec peut-être un repli de la production de grains. » Et donc une hausse des besoins du RU en ces marchandises ?
Peu d'inquiétudes sur les exportations françaises de céréales, selon l'AGPB
Si Brexit il y a (des fonctionnaires de la Commission européenne ont indiqué aux Échos que la situation peut encore s'inverser), des taxes sur les importations britanniques seront-elles mises en place ? Les opérateurs s'interrogent. Si tel était le cas, ce ne serait pas a priori une bonne nouvelle pour le commerce de grains et autres produits français. Toutefois, Nicolas Ferenczi, responsable Économie et affaires internationales au sein de l'AGPB, indique qu'il est « plausible qu'un accord de libre-échange UE-RU se mette en place. Et, dans le cas où il n'y en aurait pas, cela ne changerait pas fondamentalement le bilan céréalier français », vu que les Britanniques auront toujours des besoins à couvrir et que les volumes expédiés ne sont pas démentiels. Selon l'AGPB, les exportations françaises de maïs à destination du RU se sont élevées à 650.000 t en 2014/2015 (800.000 t sur 2013/2014), sur 7,5 Mt vendues sur l'UE à 28. En blé, les achats britanniques représentent 3 % des exportations hexagonales vers l'Union européenne (234.000 t en 2015, sur un total de 8 Mt).
Nicolas Ferenzci s'inquiète en revanche des problèmes de gouvernance de l'UE à l'avenir. « La profession agricole britannique nous soutient dans les dossiers réglementaires, notamment sur les pesticides. Ce qui ne sera plus le cas quand le Brexit sera effectif. »
Sur le très court terme, « la livre sterling a perdu 10 % de sa valeur, rendant les achats britanniques 10 % plus cher », souligne Jean-François Lepy, ce qui pénalise les ventes hexagonales. Selon un courtier, « le Royaume-Uni est toujours dans l'UE actuellement. Avec la baisse de la livre sterling, ils dis-posent de blés fourragers très compétitifs, susceptibles de donner des idées aux Fab français. » Ce constat s'applique également aux orges brassicoles britanniques, potentielle source de concurrence pour le made in France. Toutefois, « la commercialisation des orges de brasserie se fait très tôt. Fin juin, la campagne commerciale est déjà bien engagée », rappelle le DG de Soufflet Négoce. Bon nombre de volumes étant déjà vendus, la baisse de la monnaie anglaise ne devrait donc pas trop porter préjudice aux exportations d'orges françaises à brève échéance.