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Protéagineux : des opportunités au regard de l’agriculture durable

Dans le cadre de la nouvelle Pac, les pois et féveroles ont un statut particulier, avec le paiement spécifique et la mesure dite “rotationnelle”.

ORGANISÉE PAR l’Unip avec le concours d’Arvalis et des partenaires de la filière, la 5e Rencontre annuelle protéagineux (Rap), qui s’est déroulée le 4 février dernier à Paris, a été l’occasion de faire le bilan européen de la campagne 2004 en terme de marché et de pointer du doigt les perspectives de développement des protéagineux dans le nouveau contexte réglementaire de la Pac.

Des filières protéagineuses difficiles à mettre en place

Les surfaces de protéagineux dans l’UE à 25 représentent environ 1,4 Mha, une sole relativement stable sur la période 1992/2004. La politique volontariste des années 80 a en effet connu un frein budgétaire en 1992 avec la première réforme de la Pac. Les superficies en protéagineux ont connu un renouveau en fin des années 90 avec la réunification de l’Allemagne qui a mené de nouveaux Länder à s’orienter vers la production de légumineuses. Mais c’était sans compter l’Agenda 2000, et ces conséquences désastreuses. En 2004, la sole européenne a enregistré une reprise technique liée à l’arrivée des dix nouveaux États membres.

«La France a également subi de plein fouet les contrecoups des deux réformes de la Pac, avec une baisse conséquente des surfaces protéagineuses», explique Denis Delplancke (Unip). Au début des années 90, la sole française représente la moitié des superficies européennes, alors qu’aujourd’hui elle n’en comptabilise plus que le tiers. Sur les 450.000 hectares nationaux, près de 80% produisent du pois et 20% des féveroles et lupins, dont 90% en cultures d’été et 10% en culture d’hiver (pois principalement). Alors que la surface protéagineuse est relativement stable sur la période 1999/2004, celle du pois en 2004 perd 13% par rapport à la moyenne quinquennale. Le recul, significatif sur les grands bassins de production (Picardie, Centre, Champagne-Ardenne et Normandie), est partiellement compensé par l’évolution positive des régions minoritaires (Bourgogne et Lorraine). La recherche de nouvelles têtes d’assolement dans le cadre de l’application de la mesure dite rotationnelle a de fait eu un impact dans ce secteur. La France compte 40 à 45.000 producteurs de protéagineux, sur un total de 175.000 exploitations grandes cultures professionnelles. «Une situation qui n’a guère évolué en 2004, la filière protéagineuse étant difficile à se mettre en route dans les zones les plus excentrées par rapport au bassin de production principal», souligne Denis Delplancke.

Des opportunités en alimentation humaine… à confirmer

De fait, le bilan protéines français, voire européen, est toujours déficitaire dans un contexte d’offre mondiale en soja repartie à la hausse. Dans les années 70, la production de l’UE à 15 ne satisfaisait que 20% de ses besoins ; aujourd’hui, ce sont à peine 25% de la demande qui est couverte par les disponibilités de l’UE à 25. Sur la même période, la consommation protéinique communautaire a triplé, atteignant les 25 Mt, en grande majorité alimentée par le soja, transgénique ou non. Il faut dire qu’au cours des vingt-cinq dernières années, la production globale de soja a été multipliée par quatre, avec une prédominance du Mercosur, qui a détrôné les États-Unis depuis 2002/2003. Pour la campagne actuelle, les prévisions font état d’une production argentino-brésilienne de 106 à 111 Mt, contre 85,5 Mt aux États-Unis, sur un total mondial de 224 à 231 Mt.

La prépondérance du soja en terme de volume se conjugue sur le marché de la protéine avec un avantage prix certain cette campagne, dans un contexte de parité euro/dollar peu favorable aux producteurs de protéagineux français. Aujourd’hui, si l’on observe l’évolution des cours rendu Centre Bretagne, le niveau de prix du pois à destination de l’alimentation animale est d’autant moins rémunérateur qu’il est tiré vers le bas par celui du blé (du fait de sa composante énergétique) que part celui du tourteau de soja (du fait de sa composante protéique). Bien que le cours du pois standard ait toujours une évolution parallèle et intermédiaire entre les cours du tourteau de soja et du blé, «l’écart de prix entre pois et blé a diminué de moitié entre juillet 2002 et 2004, passant de 40 à 20 euros/t en rendu Centre Bretagne», fait remarquer Denis Delplancke.

Si le marché de base et de proximité des protéagineux français reste l’alimentation animale (notamment dans le secteur porcin), on est loin de saturer les capacités d’intégration dans les formulations. Deux raisons à cet état de fait : d’une part, la concurrence de l’assemblage blé/tourteau de soja, qui se substitue au maïs/pois au gré de l’évolution relative de leurs cours respectifs et, d’autre part, la meilleure valorisation des pois jaunes et féveroles de qualité en alimentation humaine.

Ainsi a-t-on expédié vers l’Inde, avec des primes intéressantes (pour autant que la qualité soit assurée), près de 550.000 t de pois jaune durant la campagne 2002/2003, contre 100.000 t en 2003/2004, volume que l’on aura du mal à atteindre en 2004/2005 (avec seulement 70.000 t exportées au 1er février). Cette campagne, le Canada, principal concurrent sur le marché indien, a en effet engrangé une importante récolte ; de plus, la parité euro/dollar pénalise nos exportations.

En féverole à destination de l’alimentation humaine, le marché égyptien est tout aussi conjoncturel. Certes des efforts en terme de qualité de graines sont à faire, mais il nous faut également jouer avec la production australienne, qui vient concurrencer les marchandises européennes sur la fin de campagne. Notre origine a cependant l’avantage d’être plus précoce que celle du Royaume-Uni, ce qui lui confère un atout concurrentiel indéniable. La régularité de la demande égyptienne sur 2004, mais également sur 2005, et qui plus est à des prix attractifs pour les producteurs français, pourrait favoriser, pour la prochaine campagne commerciale, le développement des superficies en féveroles, notamment dans l’hinterland de Rouen, principal port d’exportation de ce protéagineux. «Il ne tient qu’à nous, lance Olivier de Gasquet (Fop), de pérenniser ces marchés à l’exportation, en anticipant leur demande», quantitativement mais également qualitativement.

Une réforme favorable aux protéagineux

«La nouvelle Pac est caractérisée par le découplage et la conditionnalité des aides, dans un contexte de subsidiarité entre États membres», résume Olivier de Gasquet. Dans le cadre de la réforme, les protéagineux ont un statut particulier.

D’une part, ils sont une des trois productions (avec le blé dur et les biocarburants) qui gardent un paiement spécifique de 55,57 euros/ha. D’autre part, si la mesure (obligatoire) de diversification des assolements (liée aux Bonnes conditions agricoles et environnementales ou BCAE) n’aura pas d’impact mesurable sur les surfaces en protéagineux —«Ne nous leurrons pas !», lance le représentant de la Fop—, la mesure dite “rotationnelle” (aides comprises entre 17,5 et 62,5 euros/ha) est un atout certain en faveur de leur développement. Ainsi 740.000 ha étaient-ils engagés en 2004 dans cette mesure expérimentale, testée sur neuf régions depuis trois ans et cofinancées par l’UE et la France. Ce revenu, non négligeable, pour les producteurs a malheureusement représenté un coût budgétaire important pour les pouvoirs publics. De fait l’avenir de cette mesure, qui fait partie intégrante de la réflexion sur l’agriculture durable, est en cours de négociation. Même si, pour l’heure, on ait aucune garantie quant à sa reconduction pour 2005 pour les neuf régions expérimentales, et encore moins à l’accessibilité d’autres régions, cette mesure s’intègre parfaitement dans le cadre du second pilier de la Pac, à savoir l’agriculture durable.

Et Olivier de Gasquet de conclure : «Avec le paiement spécifique et la mesure “rotationnelle”, on a tous les atouts pour tirer l’épingle du jeu des protéagineux face aux cultures arables.»

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