Proposer des mesures pour l’après-2013
La Saf-agriculteurs de France suggère que l’environnement soit une des priorités du projet agricole de la prochaine politique européenne
« L’APRÈS-2013, c’est demain » . Tel fut le message véhiculé par la Société des agriculteurs de France (Saf), le 14 juin, à l’occasion de sa 140 e convention annuelle, appelant à la réflexion sur le sujet de la Politique agricole commune d’après-2013. Et en matière de propositions, la Saf peut se féliciter d’être parmi les premières organisations à envisager une orientation claire sur ce thème. « On ne veut pas revivre 1992 et 2003. Il est donc nécessaire qu’on se pose les questions maintenant, même si, jusqu’en 2013, nous resterons dans le strict cadre réglementaire actuel », a insisté Hervé Morize, président de la Saf dans l’hémicycle du Parlement européen à Strasbourg.
Depuis le début d’année, des séminaires de réflexion ont été menés avec près de 70 intervenants. Ils ont permis de mettre sur table un rapport d’une vingtaine de pages. Les propositions qu’il contient —et qui seront approfondies, au travers de “focus” dans les mois suivants— doivent contribuer à une réflexion en amont de l’échéance de 2013 « pour permettre aux entreprises agricoles de nourrir leur analyse et prendre les meilleurs options stratégiques ».
Un aménagement du premier pilier de la Pac doit être effectué
La Saf propose que l’environnement soit l’une des priorités du projet agricole de la prochaine politique européenne au même titre que la production de biens alimentaires. Pourquoi ? Parce que « la société, soucieuse de la bonne utilisation du budget européen, souscrit amplement à cette proposition », avance Hervé Morize. Et il insiste bien sur le fait que « l’environnement peut devenir un atout », alors qu’il est souvent considéré comme une contrainte dans la gestion des entreprises agricoles. En effet, comme il l’est mentionné dans le rapport, « l’agriculture participe à la fourniture de biens et services environnementaux pour lesquels elle doit être rétribuée : offrir des paysages ouverts et riches en biodiversité, fournir de la biomasse pour l’énergie et la chimie verte, participer à la lutte contre le réchauffement climatique, participer au recyclage des déchets urbains ».
L’accompagnement des objectifs de la politique agricole de 2013 exigera une adaptation concertée entre les 27 membres de l’Union européenne. La Saf propose d’ores et déjà que les mécanismes du soutien des premier et deuxième piliers de la Pac soient conservés. Sachant que les soutiens agricoles doivent être légitimés auprès de la société, la Saf avance que « le principe de la conditionnalité est fondamental ». Il doit être consolidé pour tendre vers la notion de “droit à paiement unique (DPU) environnemental”, qui ne serait plus calculé sur une base historique des exploitations, mais octroyé comme source potentielle d’aide au revenu (à préciser et à harmoniser aux 27 membres de l’UE), et surtout, fondé sur l’éligibilité des hectares. La Saf souhaite à ce titre que « l’incitation soit préférée à la sanction ».
Outre la sauvegarde « légitime » du premier pilier de la Pac, dégager des moyens supplémentaires pour les mesures agri-environnementales et les aides “vertes” est une autre fin, pour « répondre aux enjeux environnementaux et offrir à la société un service environnemental supplémentaire ». Pour ce faire, le système « doit être suffisamment efficace et incitatif pour guider les agriculteurs vers des pratiques résolument tournées vers l’environnement. » Et c’est là tout l’enjeu de l’orientation future de la Pac. Pour la Saf, parallèlement aux DPU, “le modèle pyramidal britannique” dans lequel les aides environnementales se superposent aux exigences croissantes « est une piste à explorer ». Cette logique de positionnement politique met ainsi en avant la notion de “viabilité” de l’agriculture pris au sens anglo-saxon du terme (sustainable).
D’autres pistes de réflexion, qui feront l’objet de concertations plus approfondies, sont également mises en avant.
Vers une simplification administrative
Plus largement, la Saf souhaite que les DPU soient conservés au-delà de 2013. Mais, dans un souci de simplification et de convergence dans la gestion des entreprises agricoles, « le découplage total doit être atteint » (à moduler cependant, par exemple pour l’élevage allaitant, faute de quoi une régression fatale serait à prévoir). Pour les grandes cultures, la poursuite du couplage à hauteur de 25 % des droits n’est pas envisageable après 2013.
Toujours dans un but de simplification, « l’idée d’une Organisation commune de marché (OCM) unique est bonne », indique encore la Saf, sachant qu’en cas de crise, des comités sectoriels doivent être conservés. Mais simplification ne signifie pas déstructuration, car, comme insiste Hervé Morize, « l’agriculture a besoin de régulation. Elle ne s’appréhende pas comme l’économie industrielle ». C’est pourquoi la stabilisation des marchés, par le biais de l’intervention, doit être conservée au-delà de 2013. Il appelle toutefois à ce que les règles de fonctionnement de l’intervention soient « adaptées » et « précisées », dans un contexte d’intégration de l’Europe dans une économie globalisée.
Enfin, la Saf réaffirme que l’alimentation doit être considérée comme stratégique. Cela implique la nécessité de développer des filières non alimentaires qui ne concurrencent pas les productions alimentaires. Car, « à quoi servirait-il d’avoir une indépendance énergétique si en parallèle l’UE n’est plus capable d’assurer son auto-suffisance alimentaire ? ».
Les propositions de ce rapport vont, en tout cas, dans le sens de la commissaire européenne à l’Agriculture, Mariann Fischer Boel. C’est ce qu’a fait savoir Daniele Bianchi, membre de son cabinet, à quelques jours de la convention de la Saf. Il appelle la France, grand pays fondateur de l’UE, à se positionner pour faire émerger des propositions. « Il est nécessaire de débattre et de réfléchir sur la Pac que nous souhaitons » argumente-t-il, à l’instar de la Saf. Reste à savoir si d’autres instances agricoles représentatives en France accepteront de sortir un peu des sentiers battus...