POLITIQUE
Produire du blé pour réduire les GES et assurer plus de stabilité mondiale
Si l'agriculture est source de gaz à effet de serre, les grandes cultures apparaissent comme de vraies pompes à carbone, sous certaines conditions.

A quelques jours de l'ouverture de la Cop22 à Marrakech, Sébastien Abis, secrétaire général du Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes (Ciheam) a présenté son nouveau livre intitulé “Agriculture et climat-Du blé par tous les temps”, coécrit avec Mohammed Sadiki, secrétaire général du ministère de l'Agriculture du Maroc, dans les locaux de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) à Paris le 3 novembre. Un ouvrage qui s'inscrit dans le contexte du changement climatique actuellement en marche et de la hausse de production agricole attendue pour répondre aux besoins alimentaires à venir.
Les cultures de céréales « pompes à CO2 »
2 L'activité agricole génère des gaz à effet de serre (GES). Mais elle peut aussi s'avérer béné-fique dans la lutte contre les GES, les cultures de céréales s'avérant être de véritables pompes à carbone selon une étude (CGAAER Orama) parue l'an dernier lors de la Cop21. D'après cette dernière, « en France grâce à la photosynthèse, les 14 Mha de grandes cultures (dont 11 Mha de céréales), captent 293 Mt eqCO2 /an sous forme de biomasse végétale, alors que les émissions agricoles (directes et indirectes) sont de 43 Mt, soit une pompe nette de 250 Mt eqCO2 /ha/an », a rappelé Jacques Mathieu, directeur d'Arvalis. Une aubaine pour les producteurs de céréales à condition de pouvoir le valoriser. « Quelle équation pour produire du blé entre les prix [pas toujours rémunérateurs, NDLR] et les attentes environnementales ? » a interrogé Xavier Beulin, président de la FNSEA, lors de la présentation.
« Le stockage du CO2 dans le sol est très long et difficilement mesurable. Il est donc stupide de prétendre le payer », a répondu Jacques Mathieu. De son côté, Pierre-Marie Aubert, chercheur à l'Institut de développement durable et des relations internationales (Iddri), a précisé qu'il fallait « être prudent sur la capacité des sols à fixer le carbone, cette faculté n'étant pas toujours vraie. Une modification de la conduite de culture peut la remettre en question et il existe des seuils de saturation des sols. »
Des céréales pour contribuer à la stabilité géopolitique mondiale
Cheval de bataille de Sébastien Abis, la production de blé mondiale participe à la réduction de la faim dans le monde, notamment en Afrique, et ainsi à une certaine stabilité politique mondiale. « À l'échelle mondiale, l'équation à ré-soudre pour produire plus et mieux, et avec stabilité, s'annonce difficile. L'année 2016 enseigne qu'aucun pays n'est à l'abri avec des épisodes climatiques imprévus de plus en plus fréquents. Il faut des politiques fortes et savoir quelle relation privilégier entre l'UE et l'Afrique. Ne pas traiter cette question alimentaire, c'est s'exposer à de nombreux problèmes à venir. Le commerce doit s'accompagner de coopération et de partenariat, notamment. Si la France propose demain la même chose que les États-Unis, nous serons dans la banalisation. Il faut autre chose», a-t-il assuré. Mohammed Sadiki estime que « la contractualisation fait partie de la souveraineté alimentaire (qui ne se limite pas à l'objectif d'autosuffisance), et pourquoi pas pluriannuelle ». Reste à convaincre les politiques et les opérateurs du marché.