Réforme de la Pac
Premiers résultats déclinés en sénarios
L’Inra vient de présenter ses premières conclusions concernant l’avenir de l’agriculture, mettant en avant les principaux défis pour la Pac de demain
« L’AGRICULTURE française et européenne de l’après 2013 dépendra de nombreux facteurs parfois contradictoires » , a évalué Marion Guillou, présidente de l’Inra, mardi 18 septembre. Développement des biocarburants, réglementation et objectifs environnementaux, croissance économique, évolution de la Politique agricole commune (Pac) et des négociations du cycle de Doha... autant de facteurs « déterminants » pour repenser la politique agricole commune à l’horizon 2013. « Plus que par le passé, il nous faut anticiper pour proposer aux décideurs des hypothèses de travail », a ajouté René Carron, président du Crédit Agricole et co-initiateur des travaux de recherches, comme Groupama. C’est pourquoi ces trois institutions ont présenté les premiers résultats de la prospective “Agriculture 2013”, dont l’objet est de dresser les conséquences de différents scénarios d’évolution de l’agriculture française et européenne après 2013.
Menaces sur l’élevage à l’herbe
Trois grands scénarios, « les plus plausibles », selon Marion Guillou, se dégagent. Malgré leurs divergences, des similarités entre à ces trois grandes orientations amènent à poser les bases des défis de la politique européenne : l’avenir de l’agriculture dépendra à la fois de la stabilisation des prix et des revenus (les prix ne pourront à eux seuls garantir un revenu suffisant aux agriculteurs) que de l’environnement et le maintien d’activités dans les zones défavorisées. L’élevage, en particulier, est très fragile. « Les viandes vont être extrêmement exposées. Si on veut garantir un aménagement du territoire, la politique agricole devra apporter un soutien spécifique à ce secteur, qui reste irremplaçable dans certaines zones », a insisté la présidente de l’Inra. Enfin, si le développement des biocarburants, avec les objectifs qui ont été fixés dans l’UE, favorise la production de céréales et d’oléagineux, il y a crainte de tensions en matière de préoccupations environnementales. Ainsi selon Marion Guillou, « des outils sont à trouver pour gérer au mieux ces contraintes » (par exemple, réglementation, fiscalité, incitations spécifiques…).
Des scénarios « au pas », « au trot », « au galop »
Dans l’hypothèse où la croissance économique mondiale ralentirait (« le pas »), à Pac inchangée, issue du cycle de Doha incertaine et réglementations environnementales n’évoluant pas, l’effet serait favorable sur les revenus des secteurs céréalier et oléagineux, stimulés par la perspective de développement des biocarburants de première génération. En revanche, l’avenir des productions animales serait très aggravé sous l’hypothèse d’accords à l’OMC (droits de douane à l’importation, subventions aux exportations dans le cadre des produits laitiers).
Dans le cas où la croissance économique se poursuit selon les tendances actuelles (« le trot »), la réforme de la Pac retenue « consiste à réduire de 35 % le budget des aides directes et à transférer une partie du solde vers les aides au développement rural ». L’effet serait favorable sur la production et les prix pour les grandes cultures sous l’essor des biocarburants, mais les revenus des agriculteurs seraient en baisse, compte tenu de la diminution des soutiens. L’effet sur les productions animales serait là encore défavorable (peu d’aides, facteur aggravant d’un accord à l’OMC).
Le troisième scénario, le plus optimiste, table sur une croissance économique en essor, y compris dans l’UE (« le galop »). Demande agricole soutenue (alimentaire et non alimentaire), réforme profonde de la Pac, prise en compte des aspects environnementaux, accord à l’OMC… ces éléments permettraient une hausse des marges hors aide pour les grandes cultures, ainsi qu’un effet positif sur le lait et la viande bovine. Les revenus seraient au mieux stables. L’impact resterait défavorable aux viandes blanches (porc et volaille), les rations alimentaires comportant une très grande part de céréales.
Souhaitant que la contribution de l’Inra sur la réflexion de la réforme de la Pac apporte des éléments d’aide à la décision, les choix qui seront pris conditionneront en tout cas « la nature des futurs équilibres et détermineront notre capacité collective à réguler un secteur stratégique(l’agriculture, ndlr) », confirme Jean-Luc Baucherel, président de Groupama.