La chronique d'Hervé Pillaud
Pourquoi une Charte d’utilisation des données agricoles est-elle nécessaire ?
L’agriculture est un énorme puzzle de micro-entreprises générant des données extrêmement diffuses. Organiser le flux des données tout en protégeant les intérêts des agriculteurs est un nouveau défi. C’est celui que veulent relever la FNSEA et les Jeunes agriculteurs en proposant une charte d’utilisation des données agricoles.
L’agriculture est un énorme puzzle de micro-entreprises générant des données extrêmement diffuses. Organiser le flux des données tout en protégeant les intérêts des agriculteurs est un nouveau défi. C’est celui que veulent relever la FNSEA et les Jeunes agriculteurs en proposant une charte d’utilisation des données agricoles.

Le numérique est une rupture comme l’humanité en a peu connu. Le numérique génère une grande quantité d’innovations, repense la communication et revoit la façon d’émettre, de recevoir, de stocker et de travailler l’information (la donnée). Les effets du numérique sur l’agriculture sont nombreux : gestion des risques, financement, recherche et développement, agriculture de précision (smart agri), conseil, formation et gestion des marchés sont autant de domaines où le numérique aura des impacts. Elles ont souvent un intérêt pour d’autres usages. Les acteurs du monde agricole ont pour leur part encore peu conscience du potentiel des données qu’ils possèdent. D’autres ont compris l’intérêt des données collectées dans le secteur agricole, tous les acteurs du numérique s’intéressent à l’agriculture, des géants de la Silicon Valley à l’étudiant avide de créativité. Organiser le flux des données tout en protégeant les intérêts des agriculteurs est un nouveau défi. Les exploitations agricoles sont des TPE. Il est difficile pour une très petite entreprise d’y parvenir seule. La protection des données est un enjeu collectif. La donnée est un bien particulier et il s’agit moins de protéger un « stock » de données, ce qui serait anti-économique, que de réguler un flux incessant de transactions. L’arsenal juridique traditionnel n’y suffit plus. La civilisation numérique nous fait passer d’une ère « transactionnelle » à une ère « relationnelle ». Nous passons d’une approche « statique » du monde à une approche « systémique » d’un monde en mouvement. De nouvelles règles sont à inventer. Ce sont des conditions générales d’utilisation (CGU) adaptées à des TPE diffuses sur le territoire qu’il convient de définir. La charte sur l’utilisation des données agricoles proposée par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs vient à point nommé, vous pouvez la consulter ICI
Une charte pour booster nos valeurs
Un agriculteur est un chef d’entreprise responsable de ses décisions. Il doit garder la responsabilité des données collectées sur son entreprise. Il doit donc maîtriser l’utilisation qui en est faite sans pour autant en entraver le flux.
Les grands groupes financiers et industriels, les leaders mondiaux du secteur agricole que ce soit dans le machinisme ou d’autres secteurs, ont compris l’intérêt du numérique en agriculture. Nous devons veiller à nous protéger de l’usage qu’ils pourraient en faire mais cela ne suffit pas. Ce ne doit en aucun cas être l’objectif unique de la charte même si c’est celui qui vient en premier à l’esprit.
L’agriculture à une habitude de travail en commun et c’est dans ce sens que nous devons appréhender l’usage des données de nos entreprises. La société numérique vient retourner la terre de ses certitudes, toute la chaîne de valeur de la production à la consommation est bouleversée. Nous passons d’une économie de marché à une économie de réseaux plus durable où l’agriculture jouera un rôle majeur.
À n’en pas douter, l’agriculture sera durable avec l’utilisation du numérique mais aussi et surtout en entrant dans l’ère du numérique, en intégrant des évolutions fondamentales en matière de management, de communication, de création de valeur bien plus que par l’apport de telle ou telle technologie.
C’est une renaissance post-moderne qui se dessine, elle va repenser la médiation, les échanges et la création de valeurs. Nos aînés dans les années 60 ont construit le développement de l’agriculture en réseau avec les moyens qui étaient les leurs. La charte d’utilisation des dnnées doit nous permettre avant tout de donner un second souffle à ce développement en réseau. Elle doit nous permettre d’entrer dans l’ère du numérique avec l’ensemble de la société. La charte sera d’abord utile dans la construction d’une agriculture nouvelle et sera jugée sur ce qu’elle aura permis bien plus que sur ce qu’elle aura protégé.
Hervé Pillaud est un agriculteur vendéen. Conférencier et auteur, il préside le salon Tech Elevage et l'Agri Startup Summit, mais aussi le groupe de formation ``Les Etablières`` et le pôle recherche et développement de la Chambre d'Agriculture des Pays de la Loire.