Agriculture biologique
Panorama de la filière blé-farine-pain
Des farines plus raffinées, une offre de produits de panification diversfiée, la physionomie du secteur reflète la démocratisation du bio
Le Forum pain bio, dont l’ambition est de soutenir le développement de la consommation de produits céréaliers issus de l’agriculture biologique, a lancé en 2005 un programme de recherche pluridisciplinaire pour établir une radiographie de la filière. Des matières premières à la qualité des produits, l’Inra, l’Acta et l’Actia –associations de coordination technique agricole et agroalimentaire–, ont observé le secteur à la loupe. Morceaux choisis.
La qualité sanitaire des blés est critiquée
En amont de la filière, les 79 organismes français (à 42 % coopératifs) collectant des blés panifiables biologiques sont plutôt bien répartis sur le territoire, comme le rapporte Christophe David, de l’école d’ingénieurs Isara de Lyon, qui a réalisé l’étude de ce premier maillon. Il souligne tout de même « une quasi-absence de collecteur dans le grand quart Nord-Est ». Les tonnages traités par unité sont très variables : de 4 à 5.000 t. Certaines structures s’y dédient. Elles sont le plus souvent privées. On note d’ailleurs, dans ces moulins ou négoces, un accroissement des volumes travaillés.
L’enquête s’est penchée sur la perception de la qualité des blés bio par les OS. Si peu ont évoqué la faiblesse de la teneur en protéines, 60 % des sondés pointent du doigt la qualité sanitaire. Ils dénoncent la présence de charançons et d’adventices. Ce qui n’empêche pas que « moins de 10 % » d’entre eux aient « investi dans du matériel de nettoyage adapté à la bio », relève Christophe David.
Les farines biologiques tendent à s’éclaircir
L’Inra et Arvalis-Institut du végétal ont cherché à établir un portrait-robot de la meunerie bio. Comme le précise Hubert Chiron, chercheur à l’Inra de Nantes, l’étude présentée, menée de mars 2005 au printemps 2007 « n’intègre pas l’envolée des cours du blé »qui a déstabilisé la filière.
En 2005, seuls 67 moulins écrasaient du blé bio, selon les chiffres de l’ANMF. Les 32 interrogés représentent, avec 35.000 t écrasées, les 3/4 des blés bios transformés en France. Hubert Chiron souligne « une spécialisation des moulins ». En effet, la farine bio représente plus de 80 % de la production de plus d’un tiers des moulins enquêtés. Dans 47 % des cas néanmoins, elle ne représente que 20 % de leurs débouchés.
Côté matières premières, si les trois variétés les plus courues sont Renan, Soissons et Camp Rémy, tous les meuniers travaillent des mélanges pour se garantir d’une qualité régulière sur l’année. Au niveau du process, si la meule sur pierre reste la référence, la mouture sur cylindres est majoritaire.
« On note une tendance à l’éclaircissement des farines. Les pains bio consommés ont une mie plus blanche que par le passé », rapporte le chercheur breton. « Certains souhaitent des pains bio pas si différents de ce dont ils ont l’habitude » de consommer, assure-t-il. Aussi, 56 % des moulins produisent majoritairement des farines de type 65 et moins. 41 % assurent plus de la moitié de leurs tonnages en T80.
Les débouchés industriels se diversifient
La destinée des farines biologiques évolue. Industriels (dont biscuiteries et biscotteries) et GMS sont de plus en plus demandeurs. Les premiers absorbent plus de 6.000 t et les seconds 3.500 t. Les ventes en sachets gagnent également du terrain. Une tendance reflétant la montée en puissance de la panification domestique en bio. Autre point marquant : l’essor de l’activité de revente de farine bio, passée d’environ 6.500 t en 2004/2005 à plus de 8.000 t en 2006/2007. Un constat confirmé par les chiffres de l’ANMF : en 2005, 161 moulins commercialisaient de la farine pouvant se prévaloir du label AB. Le secteur artisanal reste le premier débouché de ces farines, avec près de 7.000 t consommées.
De moins en moins de boulangers en fabrication mixte
Le profil des boulangers proposant des pains bio a lui aussi changé. Le nombre d’artisans certifiés a reculé. En cause ? « Des contraintes de production et de traçabilité trop excessives par rapport aux volumes commercialisés ». De plus, le pain bio se retrouve « marginalisé » dans une offre de plus en plus diversifiée. « Dans les années 1970, les gammes étaient plus étroites », ce qui permettait à ces produits de « se distinguer », développe Hubert Chiron. à l’inverse, certains, « convaincus »par cette démarche, vont jusqu’à offrir « une gamme complète » en bio. Ainsi, de grandes boulangeries spécialisées proposent « des gammes de pains presque aussi larges que celles du conventionnel, hors baguette », témoigne le chercheur de l’Inra. Et de souligner le développement du marché des viennoiseries bio. Concernant le process, l’étude note « une percée des cuissons différées et sur sole réfractaire ».
Le paysage de la panification bio est très disparate : à l’opposé de ces entreprises utilisant des procédés semi-mécanisés et recourant à diverses technologies de fabrication (précuit frais, surgelé…) on trouve des « micro boulangeries des champs » proposant des gammes réduites, et pratiquant « une boulangerie instinctive, non mécanisée ni formalisée ». Si les premiers imposent des cahiers des charges farines exigeants, les seconds, qui souvent pratiquent la vente en directe, « s’adaptent », y compris à de faibles teneurs en gluten. Quel que soit le type de boulangerie, la panification bio, encore empreinte de valeurs éthiques, semble revêtir un caractère communautaire. Le savoir-faire ne s’y transmet que par le bouche à oreille par le circuit associatif.