Grandes cultures
Orama veut se battre à armes égales
Le syndicat dénonce la marche forcée de la Commission européenne vers le libéralisme et souhaite donc le maintien des outils de régulation des marchés

DEBOIRES financiers et volatilités observées sur les marchés des matières premières agricoles remettent en cause les prévisions économiques. C’est l’un des constats qui s’est dégagé lors du sommet du végétal, qui avait lieu les 21 et 22 janvier à Strasbourg. Selon Jean-Christophe Debar, directeur d’Agri US Analyse, plusieurs scénarii seraient envisageables. Quelle que soit l’option, un consensus est généralement admis sur une volatilité s’intensifiant durablement. Cette instabilité serait liée aux changements climatiques et entraînée d’une part par l’indexation des prix agricoles sur ceux de l’énergie, et amplifiée d’autre part par une diminution des régulations publiques des marchés agricoles.
Une évolution nécessaire de la Pac
Pour Orama, de nouveaux outils de soutien devront être mis en place pour sécuriser les activités des professionnels de l’agriculture, à l’image des aides américaines variables en fonction des marchés et des assurances sur le revenu des exploitants. Selon Lars Hoelgaard, directeur adjoint de l’agriculture à la Commission européenne, la Pac, en passant d’une situation de pénurie à une situation excédentaire, a été en ajustement perpétuel. Après 1992, la fin du filet de sécurité sur les prix et l’arrêt des taxes sur les exportations auraient accentué la volatilité des prix en Europe.
Alors que l’Union européenne avance vers le libéralisme, Orama souligne qu’à contrario les USA maintiennent les filets de sécurité sur les prix et les revenus grâce à des aides publiques. De surcroît, l’un des nouveaux instruments de la politique agricole américaine permet de garantir le chiffre d’affaires des agriculteurs en échange de l’abandon de 20% de leur dotation à paiement unique. Ce dispositif devrait être maintenu jusqu’en 2012, mais ces soutiens à des niveaux de prix de 2007 pèsent lourd sur le budget américain. Par ailleurs, les retraits de marché permis par les politiques de tickets alimentaires, dont la demande est en forte hausse aux USA en ces temps de crises, permettent aussi de soutenir les prix. Et Lars Hoelgaard enfonce le clou : « Obama devrait muscler la politique agricole des USA avec des politiques protectionnistes et des exportations agressives.»
Orama refuse toute concession sur le transfert des aides
Philippe Pinta, président d’Orama, ne souhaite pas voir les aides dédiées aux grandes cultures se contracter au bénéfice d’autres filières en difficulté, comme le permet l’article 68. Il demande au gouvernement de mettre « l’argent sur la table », soit 300 millions d’euros transférables des grandes cultures vers les autres filières. Le président d’Orama souhaite également le renforcement des soutiens publiques pour préparer l’après 2013, afin de faire face à la concurence russe dont les productions sont subventionnées à l’export.
De son côté, Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA, qui a refusé de se présenter aux élections européennes, s’occupera du bilan de santé de la Pac. Selon lui, l’ouverture croissante des économies est responsable de la volatilité des prix. Les chutes de revenus agricoles en 2008 seraient dues à la hausse des coûts des intrants et à la contraction des aides publiques.
Profitant de la venue de Michel Barnier, ministre de l’Agriculture, Jean-Michel Lemétayer a réclamé « une formule pour la fiscalité des biocarburants permettant de tenir compte des évolutions du prix du baril mais aussi de celui des produits agricoles. » Concernant les OGM, la limitation du recours aux biotechnologies est aussi perçue comme un frein à la compétitivité de l’agriculture hexagonale.
Le ministre de l’Agriculture a conclu le sommet en soulignant l’importance d’une concertation entre les professionnels et les décideurs, pour déterminer les grandes lignes des évolutions de la Pac, qui ne doit pas devenir une politique de développement rural. Cependant, il n’a pas encore défini les grandes orientations des modulations nationales de la Pac.