Grandes cultures
Orama demande une révision d'Écophyto 2
De vifs échanges avec Stéphane Le Foll ont émaillé le congrès d'Orama le 28 janvier. Face à des producteurs remontés contre Écophyto 2, le ministre a défendu son plan.
« Il faut remettre l'ouvrage sur le métier », a déclaré le président d'Orama Philippe Pinta : « Cet objectif de - 50 % (de phytos d'ici 2025) est intenable et il ne sera pas tenu. » Orama a émis, devant le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, des propositions en vue de réviser Écophyto 2. Sur le plan de la méthode, le syndicat veut que les discussions soient menées au sein de FranceAgriMer. L'idée est de « mettre en œuvre l'engagement du Premier ministre d'une véritable concertation » avec les professionnels concernés. Sur le fond, tout repose sur les indicateurs de suivi du plan. « Il nous faut des instruments de mesure qui soient porteurs d'une pédagogie de progrès, de l'innovation, du résultat », au lieu de ceux mis sur la table qui sont le fruit « d'une idéologie, de la répression aveugle, de la baisse de production programmée et, dans le même temps, de celle des revenus », a énuméré Philippe Pinta.
Indicateurs « composites »
Stéphane Le Foll a qualifié d'« intéressantes » les propositions faites en matière d'indicateurs. « On va tenir compte des propositions », a-t-il promis, en évoquant des « indicateurs composites ».
Autre cheval de bataille, les Certificats d'économie de produits phytosanitaires (CEPP). Ce dispositif fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État, mené par Coop de France et la FNA (négoce) avec la FNSEA, l'AGPB (producteurs de blé), l'AGPM (maïs), la Fop (oléoprotéagineux). « Il n'est pas question de lâcher sur les CEPP », a confié aux journalistes le président de la Fop Gérard Tubéry, en marge du congrès.
C'est alors qu'une polémique est née entre Stéphane Le Foll et les coopératives (cf. encadré p. 4). Le ministre a rejeté l'idée de CEPP équivalent à une taxe : les distributeurs ont cinq ans pour réduire de 20 % leurs ventes de produits phytosanitaires. Il les a incités à utiliser des produits alternatifs. « On a ouvert toute une liste de produits de biocontrôle, qui vont être à disposition », a insisté Stépahne Le Foll.
Vivement chahuté, le ministre n'a pas convaincu lorsqu'il a soutenu l'intérêt économique de réduire l'usage des produits phytosanitaires. Stéphane Le Foll a sorti des chiffres d'Arvalis Centre/Ile-de-France, montrant qu'au sein des charges opérationnelles de 450 €/ha, les phytos pèsent 164 €/ha. Philippe Pinta lui a répondu que les agriculteurs raisonnent plutôt en marge brute.
Avance de trésorerie sur la MAE
La mise en place de MAE (mesures agroenvironnementales) en zones intermédiaires a aussi provoqué des échanges houleux. « Comment faire comprendre que la contrainte qui porte sur l'utilisation des herbicides rend potentiellement cette mesure inopérante, inapplicable ? », a soulevé Philippe Pinta. Selon lui, « il convient maintenant de décider, de publier le cahier des charges définitif, de mobiliser les enveloppes régionales, de désigner les maîtres d'ouvrage 2016, pour que cette mesure attendue ait une application sur le terrain ». L'idée émise par le ministre de proposer, en discussion avec les régions, une avance de trésorerie dans le cadre du Feader n'a guère suscité l'enthousiasme. « La vraie question est de rendre la MAE utilisable », a réagi Gérard Tubéry. Quant à la demande formulée par Orama d'une limitation du paiement redistributif, sur les 52 premiers hectares, à 5 % de l'enveloppe des paiements directs de la Pac, Stéphane Le Foll a opposé une fin de non-recevoir. L'accord notifié à Bruxelles prévoit 10 % en 2016, avec un point d'étape en 2017 : « C'est ce qui sera appliqué », a déclaré le ministre.
Stéphane Le Foll a déclenché, le 28 janvier au congrès d'Orama, une polémique avec les coopératives sur le plan de réduction des produits phytosanitaires. « Si vous êtes du côté des coopératives, c'est vrai que vous avez plutôt intérêt à vendre des produits », a-t-il répondu à de nombreuses interpellations dans la salle. « Si on est du côté des agriculteurs, il faut savoir si on n'a pas intérêt à limiter les charges opérationnelles… Donc, c'est cet équilibre-là qui est posé », explique le ministre. Des propos « inacceptables », lui a lancé le président de Coop de France Michel Prugue, en demandant au ministre un rendez-vous. Xavier Beulin a salué la réaction : « Il n'est pas normal qu'un ministre nous ait traités comme il nous a traités. » Une heure plus tard, Coop de France publiait un communiqué reprochant au ministre « d'insulter les coopératives ». Lors d'une conférence de presse improvisée en fin de congrès, le président de la Fop Gérard Tubéry est à son tour monté au créneau. « C'est le concept de filière qui est remis en cause », a-t-il jugé.