OGM, transparence condamnée
Malgré la sanction de Greenpeace, les anti-OGM ne baissent pas les armes et poursuivent leur campagne contre les plantes transgéniques
RIPOSTE. Des épis couchés dessinant un cercle d’une trentaine de mètres de diamètre, avec en son centre une croix, au beau milieu d’un champ de maïs du sud-ouest français, des fauchages de parcelles d’essai OGM ou commerciales… Ces opérations, imaginées par Greenpeace pour “le land art” (forme d’art éphémère caractérisé par un travail sur la nature même), et orchestrées par les faucheurs volontaires pour les arrachages, font suite à la condamnation de l’association écologiste par l’ordonnance de référé du Tribunal de grande instance (TGI) de Paris rendue le 26 juillet, l’obligeant à « retirer de leur site internet ou de tout autre site édité par l’association, les données concernant les biens et les personnes » de deux producteurs de maïs transgénique du Sud-Ouest. Courant juillet l’association de protection de l’environnement diffusait une carte de France destinée à répertorier les parcelles d’OGM afin de « pallier la carence de l’État » qui n’a toujours pas retranscrit la directive 2001-18 relative à la dissémination volontaire des OGM dans l’environnement, prévoyant « de rendre public diverses informations concernant les cultures commerciales transgéniques ».
Le TGI de Paris condamne la transparence
C’est après avoir constaté la présence de diverses informations les concernant sur le site internet de Greenpeace (noms des producteurs, localisation spatiale des parcelles transgéniques avec coordonnées GPS correspondantes, photo satellite du champ, type d’OGM cultivé), que les deux plaignants, producteurs de maïs transgéniques destinés à la mise sur le marché, ont décidé d’attaquer en justice l’association pour l’obliger à cesser de divulguer cette carte géographique des cultures OGM, considérant qu’elle constituait une incitation au fauchage de leur champ. Pour les deux agriculteurs du Sud-Ouest, la diffusion de ces informations relevait aussi de l’atteinte à la vie privée. Après avoir entendu les parties, le TGI de Paris a condamné l’association écologiste à retirer les données les concernant. Cette décision a été prise au motif que la publication sur la carte des OGM, présente sur le site de Greenpeace, de toutes ces informations représente une atteinte à la vie privée des demandeurs. De plus, même si le tribunal a retenu que Greenpeace n’appellait « pas expressément » au fauchage, celle-ci exposait les producteurs d’OGM « à tous les agissements possibles des justiciers se sentant investis d’une mission de salubrité publique ». Par conséquent, le TGI a estimé que ces faits constituaient un danger imminent pour les agriculteurs.
Greenpeace est « victime du contexte de fauchage d’OGM », selon son avocat
Pour Arnaud Apoteker, responsable de la campagne OGM à Greenpeace, cette décision est « une parodie de justice ». L’association « a été condamnée pour avoir fait ce que le gouvernement doit faire ». De son côté, l’avocat de Greenpeace, Me Harada, se dit « déçu de l’appréciation du TGI qui a analysé l’affaire à l’aune du contexte OGM et des fauchages », ajoutant que les éléments de la carte des OGM diffusée « doivent être rendus public » au regard de l’article 31 de la directive européenne 2001-18.
Fidèle à leurs promesses faites lors de leur récente AG, les faucheurs volontaires ont détruit, le 30 juillet, une parcelle de maïs transgénique cultivée à des fins commerciales. C’est un champ de Saint-Hilaire qui a été choisi, l’un des deux présents sur la carte des OGM diffusée quelques jours avant par Greenpeace. La Confédération paysanne a, quant à elle, décidé d’afficher sur son site internet cette même carte malgré l’interdiction infligée à Greenpeace.
De son côté, l’AGPM, qui prône une transparence en demie-teinte puisqu’opposée à l’information du public concernant la localisation des parcelles, s’est réjoui de la condamnation de Greenpeace. Pour elle, la réaction de l’association de protection de l’environnement (croix géante dans le champ d’OGM commerciaux) est « puérile » et ces méthodes « sournoises et illégales ». Elle a aussi rappelé le caractère « entièrement légal » des cultures de maïs OGM sur le territoire hexagonal.
La loi sur les OGM, en particulier les volets “cœxistence des cultures’’ et “information du public’’, devient urgente car, loin de se calmer, la “guéguerre’’ des pro et anti OGM se radicalise. Cette année encore, alors que les surfaces transgéniques commerciales ont été multipliées par dix, passant d’environ 500 ha officiellement déclarés l’an dernier à 5.000 ha en 2006 selon l’AGPM, aucune règle de coexistence des cultures n’a été mise en place, pas plus qu’un système de transparence.