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OCDE Suivi et évaluation des politiques agricoles

Le secteur agricole de nombreux pays émergents a connu des évolutions importantes, grâce à des réformes. Mais le soutien à l’agriculture reste peu élevé et les pressions protectionnistes s’amplifient

DANS SON DERNIER rapport de suivi et d’évaluation des politiques agricoles de huit États non membres de l’OCDE (Afrique du Sud, Brésil, Bulgarie, Chine, Inde, Roumanie, Russie, Ukraine), l’Organisation de coopération et de développement économiques établit des bilans convergents sur leurs politiques agricoles et leurs évolutions récentes. Il apparaît que « l’avenir de la plupart des ménages pratiquant des activités agricoles de semi-subsistance se situe hors de l’agriculture » a insisté Morvarid Bagherzadeh le 15 mars à Paris, chargée du dossier de l’Inde. Pour ce faire, il est « indispensable » que ces pays ciblent leurs politiques agricoles, afin de « faciliter la diversification des sources de revenus et le développement d’activités non agricoles ». Les huit pays concernés représentent 44 % de la population mondiale et 30 % de la population agricole. Ils produisent plus de 40 % du total mondial des céréales et de la viande. Cependant, l’essentiel de la production est encore auto-consommé. Ces huit pays ne représentent donc que 10 % du commerce agroalimentaire mondial.

Concernant la balance commerciale, la Roumanie, la Russie et récemment la Chine sont devenus des importateurs net de matières agricoles et agroalimentaires. Les experts de l’OCDE sont formels : “le déficit de leurs échanges alimentaires se creuse à mesure que l’augmentation des revenus et l’appréciation de leur monnaie diminuent le coût des importations et que la demande des consommateurs dépasse la croissance de la production alimentaire intérieure.”

Les mesures de soutien des prix sont inefficaces

Pour l’OCDE, il est “déconcertant de constater que le soutien à l’agriculture accordé dans les pays examinés continue d’être dominé par le soutien des prix du marché et les subventions aux intrants, qui sont les instruments d’aide à l’agriculture les moins efficients”. En effet, comme le précise Andrzej Kwiecinski, chargé des dossiers de l’Ukraine et de la Chine, « on observe une différence énorme de prix pour certaines productions agricoles sur le marché intérieur ukrainien par rapport aux prix mondiaux ». La protection aux frontières est donc élevée, avec des productions qui sont davantage aidées que d’autres, ce qui crée des distorsions de concurrence. En Inde, la situation est similaire. Comme l’ajoute Morvarid Bagherzadeh, « la politique de soutien des prix se concentre essentiellement sur le riz, le blé et le sucre. Le soutien des prix du marché est pervers, car il entraîne non seulement des distorsions mais surtout, il induit des charges supportées par les contribuables et les consommateurs ».

L’accès à l’eau et aux engrais pose problème

En ce qui concerne les intrants, le problème est double, entre l’accès à l’eau et l’utilisation des engrais. En Inde par exemple, l’irrigation bénéficie d’une subvention indirecte, à l’électricité, « sur la puissance déclarée de la pompe de l’agriculteur et non pas en fonction de la quantité consommée. Cette lacune du système pousse bien évidemment à la surconsommation », déplore Morvarid Bagherzadeh. Elle entraîne là aussi des distorsions, dans la mesure où, parmi les 40 % des cultures qui sont irriguées, 88 % des surfaces concernent le blé, contre 52 % pour le riz et 33 % pour le coton.

Plus largement, les politiques agricoles sont souvent défaillantes en matière d’objectifs, de moyens et de vision à long terme. L’exemple de l’Ukraine est parlant. Les mesures adoptées par le gouvernement ont, itérativement, un caractère non durable. Comme l’illustre M. Kwiecinski, « les mesures concernant l’organisation des marchés sont très souvent incohérentes d’une année sur l’autre. On l’a vu en 2006 au niveau des céréales, pour lesquelles le gouvernement a décidé d’imposer des quotas restrictifs à l’exportation, dans la mesure où la récolte était en deçà des prévisions ». C’est ce changement brusque de politique qui crée un caractère instable pour les producteurs qui s’engagent sur des échanges commerciaux.

Par ailleurs, avec une absence d’investissements à long terme pour améliorer les services et les infrastructures agricoles, c’est la compétitivité de l’agriculture qui en pâtit dans ces huit pays en règle générale. En Inde, « la taille des structures, les infrastructures ne permettent pas une survie dans le secteur agricole », regrette encore Morvarid Bagherzadeh.

Toutefois, l’analyse de l’OCDE montre que les pays considérés “cherchent de plus en plus à recourir à des formes plus ciblées de soutien, non liées à la production, pour poursuivre des objectifs spécifiques, comme l’accroissement des revenus des ménages agricoles pauvres, la promotion du développement rural et la protection de l’environnement”. Des progrès ont été réalisés pour l’accession à la propriété, comme en Ukraine, Roumanie et Bulgarie, même si la transition entre coopératives d’état et restitution des terres aux anciens propriétaires s’est avérée houleuse, avec une diminution importante de la production agricole dans les années 90.

Du changement pour la Bulgarie et la Roumanie

Les évolutions majeures des politiques agricoles bulgare et roumaine ont concerné leur adhésion à l’UE, effective au 1 er janvier 2007. L’année 2006 a donc été marquée par les préparatifs d’adoption des dispositions législatives instaurant des mesures relevant de l’organisation commune des marchés de l’UE, comme le système d’intervention sur le marché intérieur et les subventions à l’exportation. Ont été également mises en place des mesures budgétaires similaires à celles appliquées au sein de l’Union. L’OCDE constate que le niveau de soutien à l’agriculture a progressé, mais il reste en deçà de la moyenne des pays de l’OCDE. Pour la Roumanie, la progression est forte. Elle est liée au renforcement des mesures de protection vis-à-vis des marchés mondiaux, qui a considérablement réduit l’orientation de l’agriculture par le marché. En parallèle, les mesures de protection à la frontière et les paiements au titre de la production ont “engendré des distorsions de la production et des échanges”.

En outre, les mesures instaurées dans le cadre du programme Sapard (programme de pré-adhésion pour l’agriculture et le développement durable) “pourraient contribuer à accroître la compétitivité du secteur agroalimentaire grâce à la restructuration des exploitations agricoles et des entreprises agroalimentaires, au renforcement des infrastructures et à la diversification des sources de revenus dans les zones rurales”.

Les principales préconisations de l’OCDE

Au regard des diagnostics, l’OCDE exhorte ces huit pays à privilégier les mesures économiques globales telles que “l’amélioration de l’accès à l’éducation dans les zones rurales, des services de soins de santé, de pension et autres services de sécurité sociale”, ainsi que “le renforcement des droits de propriété foncière et la réforme de la fiscalité rurale”.

Pour Morvarid Bagherzadeh, « améliorer les infrastructures comprend le droit à la terre et aux réseaux de commercialisation, qui devraient permettre de développer de l’emploi en dehors de l’agriculture ». L’idée, en Inde, de créer un emploi par famille d’au moins 180 jours par an « ne peut être que bénéfique » si cette mesure est véritablement mise en place. Les agriculteurs attendent que les promesses soient tenues.

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