Nutrition animale - « L’UE doit recapitaliser ses élevages », déclare Pedro Cordero, président de la Fefac
De passage au Space de Rennes, le président de la Fédération européenne des fabricants d’aliments composés (Fefac), Pedro Cordero, insiste sur le besoin d’une production animale européenne pérenne que la nutrition animale peut accompagner sur la voie de la durabilité.
De passage au Space de Rennes, le président de la Fédération européenne des fabricants d’aliments composés (Fefac), Pedro Cordero, insiste sur le besoin d’une production animale européenne pérenne que la nutrition animale peut accompagner sur la voie de la durabilité.
La Dépêche Le petit meunier : Pourquoi avez-vous tenu à venir au Space ?
Pedro Cordero : Les productions animales en France mais aussi dans toute l’Europe, vivent des moments compliqués. Venir sur le terrain me permet de mieux comprendre les facteurs à l’œuvre avec des marchés tendus entre le prix des matières premières et de l’énergie d’un côté et les prix des produits animaux de l’autre. La France possède un réseau dense d’élevages et d’entreprises privées comme coopératives qui proposent des solutions et des innovations qu’il est intéressant pour moi de connaître. C’est une belle expérience de voir l’approche spécifique que vous avez ici, secteur par secteur.
LD-LDP : Est-ce que vous sentez une amélioration au niveau de l’UE ?
P. C. : Même si les tensions sont un peu moindres sur les matières premières, certains Etats membres sont tentés de se replier sur eux-mêmes et nous restons vigilants car la clé reste l’homogénéité au sein de l’UE. Il faut ajouter les pressions sociales sur les productions animales, qui ne sont pas nouvelles, le changement climatique, les émissions de méthane… mais aussi le prix des engrais, car moins d’engrais peut aussi vouloir dire moindre récolte. Bref nous sommes devant de nombreux dossiers sur lesquels la nutrition animale peut aussi apporter des solutions, ne serait-ce qu’en rappelant que l’efficacité et la circularité sont des éléments historiques de nos métiers.
LD-LDP : Comment la Fefac aborde-t-elle les aspects de la durabilité ?
P. C. : Nous nous appuyons beaucoup sur nos membres et notre groupe de travail « Sustainability » qui alimente nos réflexions. Nous venons d’éditer notre troisième rapport de progrès pour notre charte de durabilité qui permet de faciliter la mise en œuvre de notre charte lancée en 2020. Nous en profitons pour attirer aussi l’attention sur notre document consacré aux techniques durables en nutrition animale que nous avons édité à l’occasion de notre récent congrès de juin 2023. La Fefac crée aussi des groupes de travail pour répondre à des situations particulières comme les ruptures d’approvisionnements liées au conflit en Ukraine et nous mettons ses conclusions à la disposition de la Direction générale de l'agriculture et du développement rural de la Commission européenne (DG agri) qui a toujours besoin de retour du terrain. Il est essentiel qu’une organisation comme la nôtre soit capable de travailler à la fois sur des éléments conjoncturels et structurels. C’est le cas pour la décapitalisation des élevages comme pour la décarbonation.
LD-LDP : Comment voyez-vous l’année 2023 ?
P. C. : La situation est très variable d’un pays à l’autre. L'année 2022 a marqué un choc avec le premier recul de notre production d’aliments en Europe et nous restons dans une période d’incertitudes avec une inflation qui s’installe. Prenons deux exemples : l’Espagne a souffert durant deux ans mais semble se reprendre en production porcine avec une hausse de prix du porc ; la France a importé des volailles d’Ukraine quand elle était frappée par l’influenza aviaire, mais les flux se poursuivent alors que la production reprend. Dans les deux cas, difficile de savoir exactement l’impact sur la production d’aliments pour animaux. Nous ne pensons pas que la production européenne pourra revenir à son niveau d’avant la crise. Elle sera au mieux similaire au pire en légère baisse encore cette année.
LD-LDP : Comment le secteur va-t-il s’adapter ?
P. C. : Face à une surcapacité générale, il se peut que le nombre d’usines se réduise. Dans certains pays, la spécialisation des usines va probablement se mettre en place et la nutrition animale va développer plus de services en complément de son cœur de métier qui reste la fabrication d’aliments pour nourrir les animaux. La question de la main-d’œuvre est en tout cas largement partagée pour des métiers comme les chauffeurs de camion et la maintenance. Mais aussi dans les élevages. De façon générale, l’instabilité pose une question fondamentale : est ce que les marchés sont capables de l’absorber ? Rappelons par exemple que l’UE importe 20 % du maïs qu’elle consomme et la majorité de ses additifs…