Logistique
Mise à grand gabarit de la Seine jusqu’à Nogent, de gros enjeux pour l’agriculture

Le Projet de mise à grand gabarit entre Bray-sur-Seine et Nogent-sur-Seine « permettrait de répondre à la hausse de la demande de fret fluvial, en apportant des conditions de navigation modernes et compétitives », assure le dossier réalisé par VNF, le maître d’ouvrage, dans le cadre du débat public en cours. Entre massification des flux, régularité et ponctualité des convois... la mise à grand gabarit génèrerait un gain de plus de 25 % sur le coût de transport fluvial selon FranceAgriMer (FAM) qui assure « adhérer pleinement à ce projet ». Les expéditions par voie d’eau réalisées par Saipol et Soufflet, à 500.000 t/an environ à court terme, « seraient plus que doublées, avec 550.000 t /an supplémentaires », selon le document de VNF.
Un trafic en plein essor
Basés sur des études écologiques, hydrauliques et économiques, cinq scénarios –aux charges de transport et montants d’investissements croissants– sont envisagés, explique Benjamin Ayraud, chef du projet chez VNF. Le « plus équilibré », et donc vraisemblable, prévoit la circulation entre Braye et Nogent/Seine de péniches de 2.500 t, contre 700 t au mieux actuellement, via un nouveau canal. Le coût ? 214 M€.
L’aménagement porte sur un tronçon de tout juste 27 km. Une courte distance qui revêt un poids économique majeur. Avec 350 Mt-km, le trafic fluvial entre Nogent et Braye, qui représente déjà 8 % des marchandises manutentionnées sur le bassin de la Seine, a triplé entre 2001 et 2010. Sur la même période, il n’a progressé que de 26 % sur l’ensemble du bassin. Un bond lié au transport de produits de la filière agricole qui a représenté 81 % des flux de cette zone en 2010, avec 283 Mt-km manutentionnées. Plus de 75 % des flux sortant sont voués à voguer bien plus loin, via Rouen notamment, puisqu’ils sont destinés à l’exportation. Cette partie du fleuve permet également l’acheminement de granulats, au trafic en expansion du fait de l’épuisement des carrières proches de Paris (31,6 Mt-km en 2010, contre 12,6 Mt-km en 2001) et de conteneurs (4 % du trafic avec 15,4 Mt-km en 2010, contre 0,3 Mt-km en 2001). Mais, là encore, l’agriculture joue un rôle moteur puisqu’elle représente près de 50 % des produits mis en boîte. La mise à grand gabarit est très attendue par les acteurs économiques locaux. Soufflet, Nouricia, Cohésis, Saipol, ValFrance, qui comptent parmi les importants chargeurs concernés par ce projet, se sont notamment réunis au sein d’une association pour mieux le défendre. En 2020, le trafic vrac global atteindrait 955 Mt-km !
Une optimisation logistique souhaitable
La perspective du grand gabarit a été intégrée dans les projets agro-industriels. C’est en particulier le cas de l’usine de biodiesel de Saipol, lancée en 2008 au Mériot, et de la malterie Soufflet, en activité depuis 2010, comme le souligne le dossier de VNF. Les orges transformées sur ce dernier site sont chargées à Nogent/Seine et les cargaisons complètées à 1.400 t en aval. L’huile produite par Saipol, et non transformée sur place, est pour sa part embarquée sur des bateaux de 500 t pour alimenter d’autres usines du groupe, à Rouen et Compiègne (200.000 t en 2010). Les cargaisons doivent, en chemin, être transbordées sur des unités de 1.500 t. Les tourteaux (80.000 t en 2010, 100.000 t en 2011) rejoignent Braye en camions pour y être embarqués. Le Diester (160.000 t en 2010) roule quant à lui en train jusqu’aux raffineries proches de la capitale. Les marges de rationalisation logistique sont donc larges. Au total, la mise à grand gabarit permettrait à Saipol de porter de 250.000 t à 500.000 t/an son trafic par voie d’eau et à Soufflet de le développer de 300.000 à 450.000 t/an. Ce dernier a par ailleurs aussi appuyé son projet sur la possibilité de dynamiser les expéditions de malt par conteneurs. Un débouché en plein essor, notamment à destination des marchés asiatiques. Pour 2011, le groupe tablait sur une progression de plus de 60 % de ce trafic, à 10.000 unités. Ce mode de transport minimiserait les coûts logistiques, en facilitant le passage en douane. Les conteneurs seraient aussi recherchés pour leur effet stabilisant dans les câles des navires.
A grand gabarit, le coût logistique serait réduit de 25 % par rapport au petit et de 50 % par rapport au routier, estime le Conseil Céréales de FAM, qui soutient le projet. C’« est un facteur de compétitivité essentiel pour les filières agroalimentaires », et cela, « aussi bien sur le plan national que pour l’exportation ». A la clef également : des gains d’émissions de GES. Ainsi 4.700 t/an de CO2 pourraient être évitées.
Le débat public s’achèvera à la mi-février. Si le projet était validé, les travaux débuteraient en 2015 pour une mise en service en 2019.