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Meunerie : bilan et perspectives d’un secteur industriel en difficulté

Les débouchés sont stables, après la forte baisse des exportations, mais le secteur, malgré le plan de restructuration de 2000, reste surcapacitaire.

La meunerie française est en pleine mutation, indique l’Office national interprofessionnel des céréales. Les boulangeries artisanales restent les clients historiques et privilégiés des moulins avec 43% du marché intérieur de la farine. Néanmoins, le secteur est de plus en plus concurrentiel, suite au développement des surcapacités et au poids commercial grandissant de la clientèle industrielle. L’érosion des prix de la farine, conjuguée à l’augmentation des charges des moulins, entraîne une perte de richesse pour les entreprises. Il est nécessaire que le secteur parvienne à se restructurer dans les prochaines années afin de conserver sa compétitivité et retrouver des perspectives de développement, tant sur le plan individuel pour les entreprises que sur le plan collectif pour l’ensemble de la profession.

Des débouchés à l’exportation qui se rétrécissent

En 2003, les moulins français ont écrasé 5,63 Mt de blé soit environ 15,5% du blé commercialisé au cours de la campagne 2002/2003. La production de farine issue de ces écrasements s’est élevée à 4,38 Mt.

La consommation de farine sur le marché intérieur est stable autour de 3,8 Mt par an. Les principaux débouchés sont la panification (63% du marché intérieur) et les industries utilisatrices alimentaires (biscuiterie, biscotterie) à hauteur de 18%.

Depuis dix ans, les exportations françaises ont fortement chuté. Entre 1996 et 2003, les volumes exportés ont été réduits de 54%. L’équipement en moulins de pays traditionnellement importateurs de farine, comme la Turquie, l’Egypte et le Maroc, en est la principale explication. Un développement favorisé par la libéralisation des échanges de produits agricoles et la privatisation de l’industrie dans ces pays. De nouvelles technologies ont par ailleurs baissé le coût du transport du blé par rapport au coût du transport de la farine. Certains de ces pays sont devenus autosuffisants, voire exportateurs en farine. Ainsi la Turquie et les Emirats arabes concurrencent-ils la France sur ses marchés de la farine.

Pour faire face à ces réductions de marchés, un plan de restructuration financé par l’Onic et la profession meunière a été mis en place en 2000. Il avait pour objectif la réduction des capacités de production de farine, principalement à l’exportation.

Un contexte économique difficile pour les meuniers

Les moulins français sont confrontés depuis quelques années à une situation difficile résultant de la conjonction de plusieurs facteurs.

Les débouchés sont stables après la forte baisse des exportations et le secteur, malgré le plan de restructuration de 2000, reste surcapacitaire. Même si le taux d’occupation de l’outil de production n’a pas été évalué précisément, plusieurs sources concordantes l’estiment autour de 75%.

Parallèlement, les moulins ont vu augmenter leurs charges, en raison des investissements de mises aux normes imposés par la loi (réglementation des silos, traçabilité…).

Les meuniers sont, par ailleurs, soumis aux prix mondiaux du marché du blé. Or, ces prix sont susceptibles d’évoluer rapidement et les meuniers ne peuvent pas toujours les anticiper ni les répercuter dans leurs tarifs. Ce fut notamment le cas, durant la campagne commerciale 2003/2004 au cours de laquelle les cours du blé ont fortement augmenté alors qu’un grand nombre de contrats avaient déjà été signés. Les meuniers ont dû se contenter des prix de vente fixés en début de campagne, malgré l’explosion des prix de la matière première. Cette volatilité, qui semble de plus en plus importante, nécessite l’utilisation d’outils d’arbitrage par les opérateurs s’ils ne veulent pas subir ces fluctuations. Un second problème —moins identifiable mais influant fortement sur la rentabilité du secteur— réside dans la très parfaite corrélation entre le prix de marché et les qualités physico-chimiques et technologiques des blés qui ont un impact sur le rendement industriel.

Enfin, les industries consommatrices de farine (boulangeries industrielles, boulangeries de grandes et moyennes surfaces, industries utilisatrices comme les biscuiteries et biscotteries) représentent aujourd’hui plus de 40% du marché de la farine en France. Ce sont des clients dont les exigences entraînent des charges supplémentaires (traçabilité, certifications,…). Cependant, les marchés deviennent stratégiques pour les meuniers qui cherchent à augmenter leur taux d’utilisation de leurs outils de production dans un contexte de surcapacité. Les clients industriels ont donc un fort pouvoir de négociation, ce qui conduit à la chute des prix de la farine sur ces marchés.

Dans ce contexte de charges qui progressent, d’investissements à amortir et d’outils surcapacitaires, les opérateurs cherchent des volumes à produire, quitte parfois à sacrifier les prix. Les marges diminuent donc, laissant entrevoir un certain nombre de conséquences comme la perte de richesses pour les entreprises, la dégradation des fonds propres et l’incapacité à investir pour maintenir les outils à niveau. A terme, cela peut conduire la meunerie française à perdre en compétitivité.

Une nouvelle restructuration incontournable

Afin d’enrayer le processus de baisse des prix de la farine, la profession doit trouver des solutions pour rapprocher les capacités de production des volumes demandés par les marchés. Il s’agit de mettre en place des actions pour maintenir les marchés intérieurs et extérieurs au moins à leurs niveaux actuels.

Il semble tout d’abord possible d’améliorer encore la fluidité des transactions sur les contingents et droits de mouture Le contingent d’un moulin peut être transformé en “droits de mouture”, détachés du moulin et transférables à d’autres moulins par cession (dans ce cas, cette opération est irréversible) ou par location. Les droits de mouture acquis ou loués s’ajoutent au contingent de l’acquéreur pour déterminer son plafond d’écrasement., par exemple par l’identification des détenteurs de moulins n’ayant plus d’activité mais possédant toujours un contingent. Le renouvellement de la possibilité de location de droits de mouture est une autre possibilité. En effet, la mesure rétablissant ce droit en 2002 arrive à échéance en 2005 et on a pu constater que la location de droits de mouture a été largement utilisée puisqu’environ 20% des volumes faisant précédemment l’objet de cessions de droits de mouture sont désormais loués.

Ensuite, il semble important d’assurer la diversité des débouchés des meuniers et de veiller à la conservation des outils techniques professionnels existants. En matière d’exportation, l’objectif est de maintenir les volumes exportés au niveau actuel. Pour cela, il est impératif de conserver une chaîne logistique performante et multimodale. Par ailleurs, les professionnels exerçant cette activité souhaiteraient une simplification des procédures administratives pour l’exportation.

La conjugaison des surcapacités, des volumes stables, de l’atomicité du secteur et des marchés qui reculent, réduit aujourd’hui les perspectives de développement des moulins, sauf cas particuliers. La profession doit donc retrouver une visibilité stratégique. La restructuration du secteur conduisant à la réduction des capacités d’écrasement apparaît comme une évolution incontournable. Le processus de réorganisation a déjà commencé : en 2003, les trente premiers moulins en termes d’écrasements réalisent plus de 50% des écrasements totaux. Néanmoins, la restructuration suscite un certain nombre de craintes et de réticences au sein de la profession. En effet, si la meunerie française est surcapacitaire, celle des autres pays européens l’est tout autant sinon plus, la France ayant déjà bénéficié récemment d’un plan de restructuration. Le risque est donc de créer des opportunités pour les moulins concurrents européens aussi bien sur le marché intérieur que sur les marchés à l’exportation. Une restructuration européenne serait préférable. Toutefois, les gains de compétitivité obtenus par une restructuration purement nationale devraient permettre de conserver nos marchés actuels, les coûts de transport réduisant les risques de développement des flux frontaliers. Une des pistes évoquées est de s’appuyer sur l’expérience d’autres secteurs de première transformation de produits agricoles confrontés à la même problématique (surcapacités, absence de visibilité stratégique) comme certaines filières de production animale. Ceci dit, si la restructuration de la meunerie française peut se faire selon les seules lois du marché, elle peut également être organisée dans le cadre d’un nouveau plan, de préférence européen. L’intérêt d’un nouveau plan serait de permettre aux opérateurs les plus fragiles de sortir du marché dans de bonnes conditions, avant que la dégradation de leur situation économique ne devienne irréversible.

«Mais la volonté des professionnels du secteur d’organiser les évolutions est un préalable nécessaire à la mise en place d’une nouvelle démarche collective», précise l’Onic. 

 

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