OMC
Les “gros bras” décident d’intensifier leurs pourparlers pour boucler Doha
Les États-Unis, l’Union européenne, le Brésil et l’Inde tentent de relancer les négociations afin de dessiner les contours d’un accord avant l’été
COMMERCE. Les pays les plus influents de la négociation de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont donc décidé de reprendre le chemin des pourparlers. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que les débats risquent une nouvelle fois de tourner court, tous ayant décidé de camper sur leurs positions précédentes…
“En intensifiant notre travail, nous pouvons faire converger nos positions et contribuer ainsi à conclure le cycle de Doha d’ici la fin de 2007”, ont déclaré, à l’issue d’une réunion ministérielle le 12 avril dernier à New Delhi, les Etats-Unis, l’UE, le Brésil et l’Inde (le G-4), qui avaient été rejoints par l’Australie et le Japon (pour former le G-6). “Nous sommes disposés à intensifier notre engagement parallèlement au processus du groupe de négociation multilatéral à Genève”, ont-ils ajouté pour rassurer les autres pays membres de l’OMC.
Les Quatre se retrouveront d’ailleurs à Paris en marge de la session ministérielle annuelle de l’OCDE prévue les 14 et 15 mai, puis deux fois encore en juin, à des dates et dans des lieux non encore précisés. De leur côté, l’Australie et le Japon tentent d’organiser une nouvelle rencontre du G-6 aux alentours du 23 mai à Tokyo.
Un compromis avant la pause estivale ?
Pour respecter l’échéance de fin 2007, « nous devons avoir les fondations d’un accord en place d’ici au mois de juin », a précisé Peter Mandelson le 18 avril devant la presse à Bruxelles, affirmant que « nous n’aurons jamais de meilleure chance de succès que maintenant ». La fin juin est généralement considérée comme une date limite pour effectuer une percée dans le cycle de Doha en raison de l’expiration à cette date de la Trade Promotion Authority qui permet au président américain de négocier des accords commerciaux et de les présenter en bloc au Congrès.
Le commissaire européen au commerce a également expliqué qu’il s’était préparé à retourner devant les Etats membres de l’UE pour leur demander « de nouvelles directives » si la réunion du 12 avril n’avait pas été fructueuse. Mais l’adoption d’un calendrier serré de travail ministériel et de nouvelles instructions données aux négociateurs ont permis de relancer le processus, a-t-il estimé.
Le 13 avril, à New Delhi, le ministre brésilien des affaires étrangères, Celso Amorim, a lui aussi considéré que « nous devrons avoir une notion très claire de ce que sera l’accord final avant la pause de l’été ».
L’UE attend un geste des États-Unis
Avant de partir pour New Delhi, Peter Mandelson avait souligné devant ses collègues de la Commission qu’il jugeait primordial que, à New Delhi, les Etats-Unis fassent un geste visible permettant d’aborder favorablement les étapes finales des pourparlers dans tous les domaines, en particulier dans celui des subventions agricoles. Il avait également plaidé pour un plus grand engagement de l’Inde dans ces discussions, ainsi que pour un signal fort du Brésil en matière de droits de douane industriels. Dans ce cas seulement, il sera possible, selon lui, d’enclencher une véritable dynamique qui favoriserait un compromis politique avant la pause de l’été et permettrait ensuite de relancer les négociations à Genève. M. Mandelson avait enfin indiqué que les représentants de l’UE comptaient maintenir la pression sur les Etats-Unis pour qu’ils s’engagent sérieusement, tout mouvement unilatéral de l’Union étant exclu.
De son côté, Mariann Fischer Boel, la commissaire à l’agriculture, avait insisté sur la nécessité d’une offre crédible de Washington en matière d’accès au marché et de subventions internes.
Pas de réels avancées sur l’Agriculture
Mme Fischer Boel a reconnu le 16 avril devant les ministres de l’agriculture des Vingt-sept réunis à Luxembourg, que les rencontres de New Delhi n’avaient pas permis de réel mouvement sur le fond des dossiers, faisant valoir en revanche l’existence d’un calendrier serré de réunions pour tenter de boucler le cycle de Doha d’ici la fin de 2007.
La France a, comme d’habitude, été critique à l’égard de la tactique de M. Mandelson, tandis que l’Irlande a insisté pour que celui-ci ne fasse pas de concession supplémentaire au-delà de l’offre d’octobre 2005. Sur ce dernier point, la commissaire européenne a assuré que la Commission ne présenterait pas de nouvelle offre agricole, à moins qu’il y ait un mouvement significatif des autres parties tenant compte de la substance des propositions de l’Union. La Pologne a réclamé pour sa part une évaluation de l’impact des divers scénarios de négociation à l’OMC sur l’agriculture communautaire. Une telle analyse existe, a répondu Mme Fischer Boel, ajoutant toutefois que, pour des raisons tactiques, Bruxelles ne les rendrait pas disponibles.
Le groupe de Cairns mobilisé
Réunis du 16 au 18 avril à Lahore, au Pakistan, les pays exportateurs agricoles du groupe de Cairns, qui sont au nombre de 19 avec l’adhésion du Pérou, ont estimé que les Etats-Unis, l’UE et le Japon devaient maintenant, dans le cycle de Doha, “aller de l’avant avec des contributions concrètes sans retard”. Ces pays “doivent saisir les occasions de renforcer et d’approfondir la libéralisation au sein de l’OMC avec des réformes internes, y compris par le biais du prochain Farm Bill américain et les révisions programmées de la politique agricole commune”.
Les 19 pays se sont mis d’accord pour poursuivre leur travail “par le biais d’un nouvel Agenda de Lahore pour le groupe de Cairns”. Ce programme vise à “assurer que nous pouvons nous diriger rapidement vers une conclusion du cycle de Doha qui soit en ligne avec le mandat de forte réforme de ce cycle”.
Pascal Lamy évoque la possibilité d’un échec
« La décision des membres de l’OMC en février de reprendre les négociations commerciales de Doha dans leur intégralité n’a pas encore conduit à la percée incisive nécessaire pour permettre au cycle de se conclure sur un succès d’ici la fin de cette année », a regretté Pascal Lamy qui intervenait le 14 avril à Washington devant le comité monétaire et financier international du FMI et de la Banque mondiale. « Bien que cet objectif ait été réaffirmé il n’y a pas moins de deux jours par la réunion des ministres du G-4 à New Delhi, si la situation ne change pas bientôt, les gouvernements seront forcés de se confronter à la réalité déplaisante de l’échec », a prévenu le directeur général de l’OMC.