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« Les fonds d’investissement seraient les grands gagnants de la libéralisation »

La Dépêche-Le Petit Meunier : Vous venez d’organiser une conférence consacrée à la libéralisation des échanges agricoles. Selon vous, qui en seraient les grands gagnants ?

Jacques Carles  : Il n’y aurait pas de grands gagnants au niveau des Etats sauf en Amérique du Sud et notamment au Brésil. Partout ailleurs, en Afrique sub-saharienne, en Inde, en Chine ou en Europe, les chiffres d’affaires des exploitations seront en déclin, jusqu’à -30 % dans certains pays. Les véritables gagnants d’un accord pour le cycle de Doha seraient les fonds d’investissement. Si on libéralise trop rapidement, les fonds en profiteront, à l’image de la société Daewoo qui a acheté 1,3 million d’hec­tares, ou des fonds souverains de Chine, d’Arabie saoudite ou de Corée du Sud, qui auraient procédé à l’acquisition de plus de 10 millions d’hectares hors de leurs frontières afin de se créer une réserve alimentaire. Il reste une quantité de terres cultivables très importante. On estime que celles disponibles représentent deux fois les surfaces actuellement cultivées dans le monde. La réserve est donc importante. D’ici 2050, on pourra nourrir 12 milliards d’invidus selon nos estimations, or on sait que la population mondiale sera proche des 9 milliards. Mais même si on réduisait les droits de douanes et les subventions au niveau de l’Union européenne, les agricultures les plus pauvres n’en profiteraient pas. Ce sont ceux qui peuvent investir qui le feront, c’est-à-dire les fonds d’investissement.

LD-LPM : Ce n’est pourtant pas l’objectif affiché par l’OMC, qui estime que la libéralisation profitera aux pays pauvres ?

J.C.  : C’est un discours intéressant mais incohérent puisque le modèle utilisé par l’OMC ne fait pas de distinction entre riches et pauvres. De plus, l’organisation mondiale du commerce, comme d’autres instances type OCDE ou  Banque Mondiale, ne tiennent pas compte d’éléments comme la volatilité des prix qui s’ajoute à la spéculation. Sans intervention publique, les entreprises agricoles disparaîtront dans de nombreux pays. Tous ces aspects sont ignorés. Le problème des partisans d’une libéralisation accrue, c’est qu’ils ne disposent pas du bon tableau de bord. On ne peut plus continuer à considérer des modèles vieux de 30 ans basés sur une concurrence parfaite. D’autant que la majorité des modèles les plus fréquemment utilisés sont très opaques dans leur fonctionnement.

LD-LPM : Quelles sont les conclusions du modèle créé et défendu par le Momagri ?

J.C.  : Si un accord est trouvé sur les négociations du cycle de Doha, avec un retrait des subventions et des droits de douanes, nous rencontrerons sur les grands marchés agricoles les problèmes que l’on connaît actuellement avec la crise sur le prix du lait. Beaucoup d’économistes ont oublié la nécessité absolue d’une régulation des marchés agricoles. Et la libéralisation tant souhaitée se fera plus facilement si une régulation est prévue en cas de crise.

LD-LPM : Comment conjuguer libéralisation et régulation, deux termes opposés ?

J. C.  : Une libéralisation des marchés et des politiques agricoles est tout a fait réaliste mais à condition de prévoir des outils de gestion en cas de crise. Il n’y pas de besoin de subventions pour faire face aux risques ni de DPU. Il faut prévoir un dispositif pour les cas exceptionnels ; mais hormis ce cas précis, l’interventionnisme peut être abandonné.

LD-LPM : En quoi le modèle du Momagri est-il différent des autres ?L’exportez-vous et si oui, quel accueil lui est-il réservé ?

J.C.  : D’abord, notre modèle est transparent, les autres (utilisés par des instances comme l’OMC) étant de véritables boîtes noires. Il tient compte d’éléments que ces derniers ignorent et écartent certains postulats inexacts et orientés. Par exemple, la Banque Mondiale, l’OCDE ou le Fapri considèrent à tort que la demande est totalement élastique par rapport aux prix, ou que l’offre s’ajuste automatiquement à la demande. Actuellement, le Momagri est en train de bâtir des modèles de gouvernance. Nous renforçons notre relation avec la FAO et le FMI en signant des accords de collaboration et de partenariat. Nous pouvons ainsi dire que le Momagri est considéré comme crédible et sérieux.

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