Les coopératives céréalières pointent les lenteurs administratives
Législation – Durabilité des biocarburants, autorisation du 44 t, nouvelles capacités de stockage,... l’inertie de l’Etat pénalise la compétivité française
La non-transposition en droit français du volet durabilité de la directive européenne sur les énergies renouvelables maintient les Français dans une « situation proprement inadmissible », comme la qualifie Hubert Grallet, président de Coop de France Métiers du grain. Le marché est en effet toujours dans « une situation de blocage qui perturbe sérieusement les échanges avec l’Allemagne », a-t-il déploré le 15 novembre à Paris à l’occasion de l’assemblée annuelle de son organisation. En l’absence de définition claire des critères à respecter pour qualifier un carburant de durable, les coopératives ne peuvent toujours pas vendre du blé, du maïs ou du colza sous cette appellation. Comme les autres Etats membres, la France a jusqu’au 5 décembre pour boucler cette question, le texte devant, rappelons-le, s’appliquer dès le 1er janvier. La profession s’est unie pour rédiger un schéma volontaire, ainsi que le demande la directive (cf. n°3867). Mais « les décrets et arrêtés, toujours en cours de rédaction, font la navette entre les ministères », a signalé le responsable de Coop de France Métiers du grain. La filière a alerté, il y a un mois, le ministère de l’Ecologie de la « gravité de la situation » et avancé des solutions pour y remédier.
L’Etat attendu sur le dossier du 44 t et les dysfonctionnements du fret ferroviaire
Les professionnels du grain regrettent aussi la lenteur de l’administration concernant la publication du décret autorisant le transport avec des véhicules de 44 tonnes. Le président de la République avait promis ce texte, très attendu, dès le printemps dernier. « Nous avons, je le pense, obtenu un arbitrage interministériel constructif, mais nous sommes toujours dans l’attente de la publication du décret », a souligné Hubert Grallet, qui s’est tout de même dit « confiant » sur ce dossier. S’il y aurait effectivement des signaux positifs, comme l’a indiqué Jean-Luc Cade, président de Coop de France Nutrition animale le 10 novembre lors d’un point presse, cette attente et ces incertitudes « ne donnent pas confiance aux opérateurs », a-t-il déploré. Il faut des menaces immédiates pour que les attentes des professionnels soient entendues, a-t-il regretté en référence aux dérogations préfectorales provisoires accordées à la moisson et lors de la récente pénurie de carburants. Hubert Grallet a par ailleurs de nouveau pointé du doigt l’absence de « fiabilité chronique du fret ferroviaire ». « Manque de motrices, non entretien des infrastructures, grèves à répétitions… », l’organisation demande à l’Etat, qui clame son souci du développement durable, de se pencher sur ces dysfonctionnements qui conduisent à un report de volumes sur la route.
Stocker pour réguler. Oui, mais…
L’organisation a par ailleurs réitéré ses attentes en matière d’aide à la reconstitution des capacités de stockage des grains. Rappelons qu’elles ont baissé de 5 % depuis le début des années 2000 tandis que la collecte a progressé de plus de 10 %. Urbanisation et durcissement continu de la réglementation en matière de sécurité des installations classées « ont conduit à détruire des capacités et à retarder, sinon empêcher, leur remplacement par de nouvelles », a rappelé Hubert Grallet (cf. notre supplément Magazine du 07/10/2010). Coop de France Métiers du grain aspire à une aide de l’Etat, notamment sur le plan réglementaire, afin que les entreprises puissent reconstituer ces capacités. Il faudrait 8 à 10 Mt de stockage en plus pour revenir à une situation semblable à celle d’il y a dix ans.
La régulation physique des marchés reste par ailleurs «indispensable » selon l’organisation. « Hier c’était l’intervention. D’autres modalités peuvent être envisagées : prix de déclenchement indexé, gestion privée,… pourvu que le mécanisme permette la constitution de stocks quand les prix sont bas, et leur remise en marché quand ils flambent », résume Hubert Grallet qui plaide aussi pour la régulation des marchés financiers. « Mais il ne faut pas se tromper : ce n’est pas en modifiant les règles qu’on réduira l’amplitude des variations de prix. » Face à la volatilité, « ils sont devenus indispensables. Les supprimer, ou les affaiblir, ne réduirait pas la spéculation, elle priverait simplement les opérateurs physiques de moyens de s’en prémunir. Il y a en revanche beaucoup à gagner à mieux les encadrer », par l’identification des types d’opérateurs et l’instauration de limites d’emprise. « La réforme des marchés financiers ne limitera pas la hauteur des vagues, mais elle pourra éviter les naufrages en supprimant les déferlantes et en dissipant les brouillards. »