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Agriculture méditerranéenne
Les céréales, un enjeu stratégique

La Méditerranée est face au défi de nourrir sa population croissante. Au-delà de l’alimentation, la question du développement est posée.

LE CIHEAM (Centre international des hautes études agronomiques méditerranéennes) sonne le tocsin. Dans son rapport annuel, le Centre prévoit qu’en 2015 les pays méditerranéens accuseront un déficit en céréales de 20 Mt. Ce manque se fera surtout sentir dans les pays du Sud qui ont les plus gros besoins et une production très insuffisante. En 2004, les pays les plus déficitaires étaient l’Égypte (-8,6 Mt), l’Espagne (-7,9 Mt), l’Italie (-7,8 Mt), l’Algérie (-6,9 Mt) et le Maroc (-4,3 Mt). Les causes sont multiples et les réponses à apporter demandent des efforts non négligeables. Explosion démographique, modèle d’agriculture inadapté, absence de politique volontariste. les conséquences s’annoncent désastreuses pour les populations rurales concernées.

L’explosion des besoins céréaliers

Les céréales constituent la base de l’alimentation dans la majorité des pays du pourtour méditerranéen. Leur part dans les rations alimentaires oscille entre 35 et 50 % en moyenne des apports caloriques. Bien qu’elles représentent de loin les principales productions agricoles de la région avec la moitié des surfaces cultivées totales, le déficit ne cesse de se creuser. Actuellement, 175 Mt sont produites, soit à peu près 8 % de la production mondiale. En 1963, la demande totale en céréales des pays méditerranéens était de 75 Mt pour une production de 80 Mt. En 2015, selon le Ciheam, la production sera de 210 Mt pour une demande qui atteindra 230 Mt.

La principale cause de l’augmentation des besoins est l’explosion démographique que connaît la région, principalement dans les pays du Sud. Elle a vu sa population tripler en moins d’un siècle et elle devrait passer de 400 millions d’habitants aujourd’hui à 600 en 2040. Une population qui se fixe principalement sur le littoral dans les zones urbaines. Pour subvenir à la demande croissante, les importations nettes ont quadruplé depuis 1960 atteignant 22 % des importations mondiales de céréales alors que la Méditerranée ne regroupe que 7 % de la population de la planète.

Dans ce contexte, cinq pays jouent un rôle de premier plan. Tout d’abord la France qui est le seul pays excédentaire en céréales de la région, mais aussi l’Espagne, l’Italie, l’Égypte et la Turquie. Étant les pays les plus peuplés de la Méditerranée, ils cumulent 80 % de la demande et 90 % de la production céréalière. À l’horizon 2015, l’Italie et l’Égypte seraient les seuls à réduire leur déficit sans que cela n’inverse la tendance globale. Si on excepte la contribution de la France, le déficit sera alors d’environ 55 Mt.

L’UE est le principal fournisseur de ces pays mais la situation change progressivement. Les autres grands producteurs céréaliers ne sont pas en reste. Les États-Unis, le Canada et l’Australie assurent déjà près de 50 % des importations des pays de la zone. Cette dépendance aux marchés mondiaux permet de comprendre la position des pays du sud de la Méditerranée dans les négociations commerciales. La baisse du prix des céréales devient un enjeu capital pour eux.

Une bombe à retardement

Pour les pays du Sud, la situation est critique. « Les populations rurales, très agricoles, ne bénéficient pas de ce marché potentiel. L’urbanisation littorale conduit à une mondialisation des marchés et une demande alimentaire basée sur des produits standardisés, à laquelle l’agriculture vivrière locale ne peut subvenir », explique Bertrand Hervieu, secrétaire général du Ciheam. Pour ne rien arranger, les gouvernements concernés et l’Union européenne n’en font pas une préoccupation politique majeure alors que le problème concerne 30 % de la population. Face à l’UE, les pays du Sud avancent en ordre dispersé, sans politique agricole volontariste et sans concertation, faisant jouer la concurrence entre eux et entre leurs fournisseurs. Selon Bertrand Hervieu, « la pauvreté est en augmentation continue. Elle s’accompagne d’une croissance de l’analphabétisme, de difficultés d’accès à l’eau potable et d’une baisse du suivi sanitaire. » Il ajoute que « les échanges peuvent nourrir les populations mais pas réduire la pauvreté, ils l’accentuent même dans certaines situations ». Il y a donc urgence à mettre l’agriculture au cœur du dialogue euro-méditerranéen pour désamorcer cette « bombe à retardement ».

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