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Présidentielle 2012 : les réponses des candidats
« Les agriculteurs veulent vivre de leur travail, pas de subventions »

En cinq ans de présidence, que pensez-vous n’avoir pas fait pour l’agriculture et quelles priorités vous fixez-vous si vous êtes réélu ?
Nicolas Sarkozy :
Si j’en juge par le résultat du commerce extérieur français, les exportations agricoles françaises sont de 12 milliards d’euros en 2011, c’est 23 % de plus qu’en 2010. Je m’en réjouis pour les agriculteurs, pour l’agriculture et pour la France. C’est un résultat exceptionnel. J’y vois la conséquence de deux choses : d’abord tous nos efforts pour améliorer la compétitivité de l’agriculture française. Les agriculteurs sont des entrepreneurs, ils veulent vivre de leur travail, pas de subventions. Il faut les aider à renforcer leur compétitivité. En second lieu, j’y vois le résultat de l’organisation de leurs filières de production. Cette organisation est la seule façon d’améliorer les relations avec la grande distribution et de renforcer la part de valeur ajoutée qui revient dans les mains des agriculteurs. Que reste-t-il à faire ? D’abord résoudre le problème extrêmement agaçant des  normes, des contrôles. Cela ne veut pas dire qu’il faut les supprimer. Mais la simplification des règles est un chantier en soi. Il y a trop de suspicions à l’endroit des agriculteurs. Ils ne sont pas les ennemis de l’environnement, de la nature. Bien au contraire ! Tout agriculteur tire ses ressources de cet environnement et de la nature. Son intérêt est de les préserver. Le deuxième chantier consiste à apprendre à mieux travailler ensemble, les agriculteurs avec les industriels, les industriels avec les distributeurs et les filières entre elles. Au fond, l’agriculture française souffre encore de ne pas s’être, dans les années soixante, préoccupée de ses réseaux de distribution. Il faut qu’on s’en occupe maintenant. Troisième gros chantier, celui de la réforme de la Politique agricole commune sur lequel je serai d’une grande fermeté.

Le cadre budgétaire de la prochaine Pac s’annonce moins facile que pour la Pac actuelle. Que pourriez-vous dire aux agriculteurs pour leur tenir le langage de vérité ?
N.S. :
D’abord, on a bien avancé dans la négociation. Grâce à notre insistance, la Commission a proposé de maintenir le budget de la Pac en euros courants. C’était en juin 2011. Ce n’était pas une petite victoire. Certains pays voulaient que la Commission propose une diminution du budget de la Pac de 30 %.

Certains pays veulent rouvrir le dossier…
N.S. :
La base de départ, c’est le maintien du budget en euros courants. C’est une avancée énorme ! Que certains pays veuillent rouvrir le dossier, c’est possible. Mais la proposition de la Commission européenne conforte notre position. Et la France se battra, croyez-moi, contre toute tentative de baisser le budget de la Pac. Deuxième élément, en ce qui concerne  les aides elles-mêmes, la France doit se montrer attentive à préserver la légitimité de la Pac. Je le répète : si la Pac n’est pas juste, l’opinion la contestera. J’ai été le premier à proposer un débat sur la redistribution des aides entre les différents Etats. Cette proposition nous a permis d’obtenir que la Commission écarte l’aide unique à l’hectare au niveau européen. Cette réforme aurait ruiné les agriculteurs français. Sur ce point, en 2008, dans le cadre du bilan de santé de la Pac, on a été bien inspirés de rééquilibrer la Pac entre les éleveurs et les céréaliers. Il y a un milliard d’euros qui est passé d’un côté à l’autre. Il nous faut poursuivre ce processus. La Commission propose de le faire en cinq ans. C’est beaucoup trop court. Mon prochain objectif est d’obtenir un allongement de cette période de transition. Mais globalement, le combat est bien engagé.

Êtes-vous allé au bout de ce que vous pouviez faire en termes de compétitivité ?
N.S. :
Je veux vous rappeler que depuis 2010, nous consacrons un demi-milliard d’euros par an à la réduction des charges patronales sur les travailleurs occasionnels des exploitations agricoles. Depuis que je fais de la politique, j’entends cette revendication. C’est fait. Deuxième étape, en loi de finances pour 2012 nous avons fait voter une mesure réduisant les charges pour les salariés permanents au niveau du Smic et qui allègera le coût du travail de un euro par heure. Cela représente 210 millions d’euros pris sur le budget de l’Etat. Rien que pour l’agriculture, cela représente donc 710 millions d’euros d’allègement de charges sur les travailleurs occasionnels et permanents. Enfin, en février, nous avons décidé la suppression des cotisations patronales familiales pour les salariés situés entre un Smic et 2,4 Smic. Dans le seul secteur de la production agricole, 98 % des contrats à durée indéterminée bénéficieront donc désormais d’allègements de charges. 94 % des exploitations agricoles en profiteront. Il restera un chantier important qui est celui de l’harmonisation des règles fiscales et sociales en Europe.

Comment voyez-vous appliquée la préférence communautaire à l’avenir, vu les distorsions sociales et environnementales entre l’UE et nombre de pays tiers ?
N.S. :
Je vous rappelle qu’au total les agriculteurs français bénéficient de 10 milliards d’euros d’aides européennes chaque année. Ceux qui proposent de sortir de l’Europe sont irresponsables. Je souhaite que soient revues de fond en comble les règles commerciales en Europe avec un mot clé qui est le mot réciprocité. C’est-à-dire qu’on ne devrait faire entrer en Europe que les produits qui répondent aux exigences qu’on impose à nos propres éleveurs et agriculteurs.

Êtes-vous toujours sur la ligne de « l’environnement ça suffit » en agriculture, comme vous l’aviez dit ? Les objectifs fixés par le Grenelle pour le bio et la réduction des phytos sont-ils encore d’actualité ?
N.S. :
Ce n’est pas exactement ce que j’ai dit. C’est une erreur d’opposer agriculteurs et environnement. Les premiers intéressés au respect de l’environnement sont les agriculteurs eux-mêmes, ne serait ce que pour leur santé. Par ailleurs, le développement de l’agriculture bio reste une priorité. La meilleure preuve, c’est que nous avons maintenu le crédit d’impôt pour le bio en 2012, malgré les réductions de niches fiscales. En 2011, nous avons consacré 100 millions d’euros au développement du bio. Depuis 2007, les surfaces en agriculture biologique ont tout de même augmenté de 50 % et représentent aujourd’hui 857.000 ha. La tendance se poursuit au rythme de 15 conversions par jour. On ne peut pas dire que le bio ne se développe pas.

Que comptez-vous faire pour rendre les règles environnementales plus lisibles ?
N.S. :
Ce qui pose problème, ce sont les contrôles tatillons sur des textes parfois difficiles – voire impossibles – à appliquer, et pouvant donner lieu à interprétation. Il faut absolument que les administrations de l’Agriculture et de l’Environnement dialoguent pour appliquer les normes. La politique de l’eau, par exemple, est l’incarnation de la complexité et de l’allègement nécessaire. Je continue à penser qu’il faut des règles environnementales, c’est l’intérêt des agriculteurs mais en même temps il faut comprendre que les agriculteurs doivent pouvoir se battre sur les marchés mondiaux et ne pas leur imposer des contrôles qui prennent la forme de tracasseries administratives auxquelles personne ne comprend rien.

Faut-il accepter ou non les OGM ? L’état donne des signaux contradictoires.
N.S. :
Là où vous voyez des signaux contradictoires je vois au contraire de la cohérence et de la mesure. Nous n’avons pas accepté la culture du maïs Mon 810 et nous avons décidé de prendre une nouvelle clause de sauvegarde le concernant, à la suite de l’annulation de la précédente clause par le Conseil d’état. Cela ne signifie pas que nous sommes totalement opposés aux OGM. Nous avons fait voter une loi en 2008 qui n’interdit pas leur culture mais la soumet à des conditions particulières, il est vrai, rigoureuses, pour lesquelles les textes d’application sont en train d’être publiés. Ainsi le seuil d’étiquetage des OGM a été fixé à 0,1 %, ce qui est cohérent puisque c’est le seuil de détectabilité. Et nous avons notifié à la Commission européenne les distances que doivent respecter les agriculteurs entre les OGM et les cultures conventionnelles voisines. Je reste attentif à ce que dira la Commission concernant des OGM ayant subi des conditions d’évaluation renforcées et nous appliquerons alors la loi sur les OGM de 2008. Il est normal que nous appliquions le principe de précaution vu les problèmes de dissémination.

Donc certains OGM pourraient être acceptés par la France ?
N.S. :
Si les conditions scientifiques sont garanties, bien sûr. Ce n’est pas une opposition de principe.

Suite aux critiques émises par la Cour des comptes sur la politique de soutien aux biocarburants, allez-vous continuer dans cette voie ?
N.S. :
Oui, pour deux raisons. La première, c’est que cela crée un revenu complémentaire aux agriculteurs. La seconde c’est que cela nous permet de remplir les objectifs européens en matière d’émission de CO2. Nous sommes aujourd’hui le leader européen sur le marché du biodiesel et nous avons trouvé notre place sur le marché mondial de l’éthanol. Ces productions ne menacent en rien notre sécurité alimentaire car 10 % de biocarburants dans les transports représentent moins de 3 % de la production de blé. Je me suis engagé à développer cette voie car elle ouvre celle des biocarburants de seconde génération. J’attends bien mieux de la seconde génération qui n’existerait pas si nous n’avions pas lancé la première.

Lorsque le prix des matières premières est assez élevé, la viabilité économique de telles filières n’est-elle pas difficile à maintenir à flot ?
Je ne connais pas une seule filière d’énergie renouvelable qui soit viable sans aide. L’énergie renouvelable, par définition, est aidée, sous une forme ou une autre.

Donc il ne faut pas réduire la défiscalisation sur les biocarburants ?
Non, je ne pense pas.

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