Marché du sucre
Le sucre crève le plafond de l’OMC
Le marché du sucre devrait rester tendu jusque mi-2010. Les producteurs européens ont eu gain de cause et peuvent désormais exporter plus
SI LA CRISE a orienté à la baisse l’ensemble des marchés des matières premières agricoles, le sucre a su tirer son épingle du jeu. Climat, crédit Crunch et spéculation financière ont été les principales raisons de la montée des prix tout au long de 2009. L’année 2010 devrait encore connaître des tensions avec un retour des fondamentaux sur le devant de la scène. En effet, le rapport offre/demande devrait rester largement déficitaire jusque mi-2010 et l’arrivée des récoltes de cannes à sucre sud-américaines sur le marché mondial. Dans ce contexte de prix hauts, sur fond de rachats et concentrations des acteurs industriels, les betteraviers européens souhaitaient exporter au-delà des quotas imposés par l’OMC. Bruxelles les a enfin entendu en les autorisant, le 27 janvier, à exporter 500.000 t de plus d’ici juillet.
Un retour aux fondamentaux du marché
Avec une offre 2009 ayant souffert du manque d’investissement et de trésorerie, ainsi que d’un climat défavorable sur les principales zones de cultures, les cours du sucre ont progressé de 90 % sur un an. En 2010, la demande mondiale devrait progresser de 2,3%, portée par l’Asie, la Russie et les États- Unis, alors que l’offre serait en baisse de 7%, à 155Mt. L’Inde est parmi les pays les plus concernés par ce déficit d’offre au niveau mondial. En effet, suite à une des pires sécheresses qu’ait connu le pays depuis 1972, sa production de sucre a baissé de 40% en 2009. La péninsule indienne aurait, selon l’agence Press Trust of India (PTI), déjà importé 3,65 Mt de sucre depuis octobre 2009, et devrait encore recevoir 2,3 Mt. Les estimations actuelles laissent penser que l’Inde devra encore acheter 1 Mt sur le marché mondial d’ici au 30 septembre 2010 afin de faire face à sa demande intérieure.
Au Brésil, des problèmes climatiques liés à l’excès d’eau, et des besoins en trésorerie, ont incité les producteurs à récolter précocement la canne, réduisant de fait les rendements à l’hectare et la production nationale. Les grands industriels commencent à se tourner vers de nouveaux bassins de production, afin d’assurer une offre répondant à une demande en hausse. Pour cela, ils procèdent à des rachats d’outils industriels, notamment en Afrique.
Concentrations et restructurations
La prise de contrôle à 65 % du groupe Quartier Français, leader du sucre réunionnais, par Tereos est la dernière concentration en date du secteur. Après toute une série de prises de capitaux, notamment au Brésil, par de grands groupes tels que Louis Dreyfus Commodités ou Tereos, le secteur sucrier continue à se renforcer avec des entités de plus en plus massives sur les marchés. Au niveau mondial, le groupe Tereos représentera, avec Quartier Français, 210.000 t de sucre. Il va aussi pourvoir accroître son influence en Afrique, Mozambique et Tanzanie, et permettre un meilleur développement de la filière canne et de ses débouchés. Tereos acquiert du même coup les deux autres pôles du groupe réunionnais, qui outre l’extraction de sucre, produit et distribue une large gamme de spiritueux, et comprend un pôle développement durable (énergie, aménagement du territoire, immobilier) à La Réunion. Les cours records de l’or blanc permettent, pour le moment, aux grandes entreprises du secteur de continuer leur politique de concentration et d’expansion sur le marché mondial. Dans ce contexte de prix porteurs pour les exportations, les betteraviers français entendent exporter plus.
Bruxelles donne son feu vert aux exportateurs européens
Fin 2009, le déficit mondial de sucre a atteint les 7Mt. Après une année de production record, avec 4,7 Mt de sucre produites en France, dont au moins 700.000t pourraient être exportées en sucre hors quotas, les betteraviers français et européens ont demandé à pouvoir dépasser les contingentements d’exportation de sucre imposés à l’Europe par l’Organisation Mondiale du Commerce. Le 26 janvier 2010, le sucre blanc a encore marqué un cours très haut à Londres à 753,4$/t, soit 534,74€/t, constituant un niveau de prix bien supérieur à celui garanti pour le sucre au sein de l’Union européenne à 404,4€/t. Après avoir plusieurs fois réitéré, auprès de la Commission européenne, sa demande de certificats supplémentaires à l’export, la confédération internationale des betteraviers européens (Cibe) a obtenu gain de cause. Selon eux, à ces niveaux de prix, les exportations de sucre européen ne peuvent, en aucun cas, être considérées comme subventionnées. Les betteraviers européens ont finalement la permission “temporaire” de vendre à l’international 500.000 t de sucre hors quotas, s’ajoutant aux 1,3 Mt déjà autorisées. Un geste salué par la Confédération générale des betteraviers (CGB).
Une détente en avril 2010 ?
Les marchés du sucre sont et devraient rester tendus. Après une saison 2008/2009 ayant connu un déficit de plus de 10 Mt, et un déséquilibre attendu entre 5 et 10 Mt sur 2009/2010, les fondamentaux restent les moteurs de la hausse des prix. Pour le moment, la production mondiale de sucre pour 2009/2010 devrait être inférieure à 160 Mt, en légère progression par rapport à 2008/2009, mais toujours en net recul par rapport à 2007/2008 où elle avait atteint les 167 Mt. Cependant des incertitudes persistent quant à l’offre brésilienne en avril 2010, qui est, pour le moment, estimée à 38 Mt.