“Le maïs et le soja peuvent très bien atteindre 10 et 20 $ le boisseau”
La Dépêche-Le Petit Meunier : Ce dernier mois, les cours mondiaux des matières premières agricoles ont été particulièrement volatils, à l’image du marché à terme de Chicago, où les prix du maïs, du blé et du soja sont respectivement montés jusqu’à plus de 8,2, 9,4 et 17,5 $/boisseau au cours de la séance du 20 juillet. Comment pensez-vous que les cours vont évoluer ?
Daniel Basse : Le marché de Chicago a du mal à savoir dans quelle direction aller, mais il est encore loin d’avoir enregistré tous les facteurs possibles. La marge de progression des prix est encore importante. Chez AgResource, nous pensons que le maïs et le soja peuvent très bien atteindre 10 et 20 $ le boisseau. Il faut attendre la récolte de maïs aux Etats-Unis, ou du moins le prochain rapport de l’USDA qui aura pris en compte les nouvelles dégradations des cultures. Alors que l’USDA table sur des rendements de 130-135 boisseaux/acre, nous misons plutôt sur 120 boisseaux/acre, et sur une production de 10 Mds de boisseaux (environ 254 Mt). Avec la sécheresse, les récoltes ont six semaines d’avance dans certains états comme dans le sud de l’Illinois et le Missouri. L’interrogation principale réside dans la production d’éthanol.
La Dépêche-Le Petit Meunier : Selon certains analystes, les Etats-Unis vont bientôt devoir limiter la consommation de maïs. Ils avancent que leurs deux seules solutions seraient de restreindre les exportations ou de baisser le taux d’éthanol d’incorporation obligatoire dans l’essence (aujourd’hui à 40 %). Pensez-vous que les prix élevés vont par eux-mêmes réguler la demande, avec comme on l’a vu, la récente baisse de production d’éthanol ou l’annulation d’exportations ?
D. B. : Restreindre les exportations de maïs serait très difficile. Il faudrait que le Président passe une loi qui soit ensuite ratifiée par le Congrès, ce qui est quasiment impossible.
Les Etats-Unis vont importer du maïs brésilien, argentin voire, en faible volume, européen, ce qui est très inhabituel. Ils ont déjà commencé à en faire venir du Brésil. Ils pourraient s’en procurer 2,5-3 Mt.
En ce qui concerne l’éthanol, je doute que la décision de baisser le taux obligatoire d’incorporation dans les carburants, qui est encadré par une forte régulation, soit prise. De toute façon, les Etats-Unis ne peuvent pas en produire plus, ils sont déjà à 92-93 % de leurs capacités. Les prix devraient, en effet, réguler d’eux même la demande.
La Dépêche-Le Petit Meunier : Est ce que les Etats-Unis sont également susceptibles d’importer du blé fourrager ?
D. B. : Globalement, les Etats-Unis ne sont ni de gros producteurs, ni de gros consommateurs de blé fourrager. Néanmoins, il y a aura sûrement quelques importations, en particulier à destination de la Virginie ou de la Caroline du Nord, deux régions d’élevage importantes.
La Dépêche-Le Petit Meunier : La flambée des prix aurait stimulé l’abattage précoce de bovins aux Etats-Unis, afin de limiter les besoins fourragers. Quel impact cela pourrait-il avoir sur les marchés des grains à court et moyen terme ?
D. B. : Cela ne devrait pas avoir d’impact sur les cours des céréales, ou alors modeste. À cette époque de l’année, le bétail est essentiellement nourri à base de foin.
La Dépêche-Le Petit Meunier : Comment la sécheresse actuelle et l’envolée des prix pourraient-ils influencer l’élection présidentielle des Etats-Unis qui aura lieu en novembre 2012 ?
D. B. : Mère nature tend à donner un petit avantage à Mitt Romney, candidat républicain à la présidence. La sécheresse plaide légèrement en sa faveur. Les consommateurs sont mécontents si les prix des denrées alimentaires augmentent, mais si Barack Obama décidait de baisser le taux d’incorporation d’éthanol, ce sont les prix de l’énergie qui risqueraient de croître. Et cela ne plairait pas non plus aux Américains.