Le fret ferroviaire ne décolle pas malgré ses atouts “verts”
Économe en termes de consommation d'énergie et d'émission de CO2, le transport de marchandises par le rail pourrait être un des leviers pour atteindre l'objectif de la Cop21. Cependant, les freins à son développement demeurent nombreux.


« Nous ne réglerons pas la problématique de la Cop21 sans traiter le problème du ferroviaire dans le transport de marchandises », a alerté Pierre Laurent, sénateur et conseiller régional d'Île-de-France, à l'occasion du colloque “Quel avenir pour le fret ferroviaire ?” organisé le 2 octobre à Villeneuve-Saint-Georges par le Comité d'entreprise Fret SNCF. « Face aux difficultés rencontrées et à la restriction des financements publics, le risque existe d'un retour en arrière, vers l'acceptation d'une marginalité du mode ferroviaire, insiste le CE Fret SNCF, dans son dossier de presse.
En termes de part de marché, la route rafle la mise, ses tarifs n'incluant pas, contrairement au fer, le coût des infrastructures.
Pour être contenu, les opérateurs de fret ferroviaire, et donc le premier d'entre eux – Fret SNCF –, doivent jouer leur rôle de promoteur du rail pour faire reconnaître sa pertinence opérationnelle, commerciale, économique, stratégique et environnementale. » Car le transport de marchandises par voie ferrée est de loin le plus économe en énergie et émissions de CO2 (cf. graphique). Cependant, « les arbitrage des chargeurs se font au vu des coûts de transport », rappelle Caroline Grandjean, DG de la Sogaris. Et à ce titre, le transport routier rafle la mise (cf. camembert), ses tarifs ne comprenant pas – contrairement au mode ferré – le coût des infrastructures.
La dette de la SNCF en question
« Nous sommes à un moment où les questions de l'aménage-ment du territoire et du transport en Île-de-France nous donnent l'opportunité de remettre le fret ferroviaire dans le débat public, affirme Pierre Laurent. Il peut devenir une bataille extrêmement populaire, si l'on fait sauter les obstacles à son développement. » Selon le sénateur, il s'agit, en premier lieu, d'« alléger la dette de la SNCF pour libérer de la capacité d'investissement dans les infrastructures du fret ferroviaire ». Car la politique de renchérissement du sillon va, à terme, le « rendre anti-économique », la SNCF continuant de « rembourser sa dette en chargeant la barque de la rentabilité ».
Problématique du wagon isolé
Pour le président de l'association Convergence nationale Rail (CNR), Pierre Ménard, la relance du transport de marchandises par le fer nécessite d'entretenir et rénover le réseau, mais « sans gêner le fret, car cela décourage les chargeurs d'utiliser le rail ». Il préconise également que « les nouvelles voies destinées aux voyageurs soient adaptées au fret » et que « des installations terminales embranchées (ITE) soient réinitialisées pour refaire du wagon isolé ». Ce qui soulève « la problématique assez compliquée du train complet, réagit Krishnaraj Danaradjou, directeur adjoint à la direction de l'Aménagement du Port de Paris. La SNCF ne peut pas tout faire, il faut une interaction avec plusieurs opérateurs ferroviaires spécialisés. Une démarche qui fonctionne à l'étranger, comme en Allemagne et en Suisse, très fortes en la matière. »
Le concept du coût réel
Un autre obstacle au développement du fret ferroviaire réside dans « la sous-tarification du transport routier de marchandises, explique Dominique Launay, secrétaire général de l'Union interfédérale des transports de la CGT. Si l'on intègre tous les coûts (internes et externes), le rail n'est pas le mode de transport le plus cher. ». Et Pierre Laurent d'expliquer que « les coûts induits par le transport routier, tels que les coûts humains (caractère accidentogène de la route), en termes de santé publique (pollution) et d'infrastructures (maintenance et rénovation du réseau), sont externalisés sur le dos de la collectivité ».
Si « cette bataille des coûts réels est importante à mener, y compris par les élus », il serait également nécessaire de combattre « le dumping social », ajoute le député. Et ce, au niveau français – avec les « exonérations des cotisations sociales sur les bas salaires, sans parler du Cice » – comme à l'échelle de l'UE. « Près de 90 % du trafic routier en France est fait sous pavillon étranger », rappelle, pour sa part, Dominique Launay.

Depuis 2009, les trafics de Fret SNCF ont reculé de près de 30 % (cf. graphique), indique le CE Fret SNCF. En 2014, le résultat net du Groupe SNCF demeure lourdement déficitaire, atteignant 7.405 M€, contre 7.391 M€ en 2013. Fret SNCF a perdu en 2013 l'équivalent de près de 24 % de son chiffre d'affaires. Ceci pèse sur sa dette qui, à fin 2014, atteint 3.792 M€, contre 3.529 M€ à fin 2013. La dette de Fret SNCF représente désormais 51 % de la dette du Groupe SNCF et 69 % de la dette de la branche SNCF Logistics (ex-SNCF Geodis), qui regroupe les activités du transport de marchandises et de la logistique.