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Le 44 t : la filière satisfaite, en partie

Compétitivité – Le gouvernement va élargir les dérogations permettant le transport avec des camions de 44 t mais impose l’ajout d’un sixième essieu

PROMISE PAR Nicolas Sarkozy dès le printemps, l'autorisation du transport avec des camions de 44 t des matières premières agricoles et agroalimentaires sans restriction* est en passe de se concrétiser. Une mesure défendue de longue date par les professionnels de la filière. L’Etat impose néanmoins l'ajout d'un sixième essieu. Il a en revanche concédé, à la demande des opérateurs, une adaptation progressive de la flotte, et même rehaussé la charge totale autorisée pour tenir compte du poids de cet essieu. Si l'ensemble des professionnels se félicite de cette avancée, des incertitudes subsistent.

Le 44 t, une nécessité économique
    La mesure et ses modalités d'application ont été présentées le 1er juillet aux différentes familles professionnelles. Le texte, fruit d'un arbitrage interministériel, prévoit le passage au 44 t avec 6 essieux en 2019 pour tous les véhicules, avec une étape en 2014 au-delà de laquelle les camions neufs devront être équipés. Les tracteurs auront alors 3 essieux. Cela permettrait, selon le gouvernement, de mieux répartir la charge pesant sur la chaussée. Un moyen de satisfaire les collectivités qui craignent pour les infrastructures routières.
    Les professionnels des filières des grandes cultures réclament depuis 2006 un rehaussement de 4 t de la charge utile des camions à 5 essieux, utilisés aujourd’hui à 40 t. Cette évolution réserve un gain de compétitivité de 11 %. Le nombre de kilomètres parcourus par tonne transportée se retrouve en effet modéré, d'où une baisse des char­ges, de carburant notamment. Les émissions de CO2  sont amoindries, avec 15 % de camions en moins sur les routes. Un chiffre significatif également en matière de sécurité routière. Problème, l'ajout d'un essieu, de 1,1 et 1,3 t, ampute d'autant le gain de charge utile. Il suppose de plus un investissement important. L'entretien, notamment des pneumatiques, mais aussi la consommation, sont également plus lourds, sachant que le pneumatique intervient à hauteur de 30 % dans la consommation d’un poids lourd. « Avec 6 essieux, l'intérêt économique du passage au 44 t aurait été divisé par deux », rapporte Vincent Magdelaine, directeur de Coop de France métiers du grain. Autre point négatif : ces véhicules ne sont pas conformes aux standards européens, ni harmonisés à l'échelle française, ce qui est problématique, notamment pour les transporteurs (cf. Des transporteurs très mécontents). Sans parler de la maniabilité, compromettant l’accès à certains sites.
    Les professionnels ont dénoncé le fait que cette solution mettait à mal l'effectivité des gains escomptés. Aux côtés des représentants du transport routier, ils ont obtenu l'assou­plissement du calendrier et même la réintégration du poids de l'essieu, de manière à avoir vraiment un gain de 4 t de marchandises.

La mise en place espérée pour la moisson
    « Au moment où les entreprises françaises et particulièrement agricoles et agroalimentaires ont besoin de compétitivité, l'abou­tissement du dossier 44 t peut apporter une partie de réponse, notamment pour la meunerie », estime Joseph Nicot, président de l’ANMF. Ce dernier souligne l’inves­tis­sement collectif qu’a suscité cette question. Une cohésion renforcée ces dernières semaines autour des positions exprimées par l'AUTF (Association des utilisateurs de transport de fret) et l'Ania, porte-parole de l’ANMF, du Snia et de Coop de France.
    « Nous sommes satisfaits que ce dossier qui patine depuis longtemps avance enfin », commente Vincent Magdelaine. « Maintenant, il faut que cela aille vite, lance-t-il, soulignant que, l'intérêt majeur pour les producteurs réside dans le transport des produits bruts. Si la mesure n'est pas en place pour la récolte, elle ne leur sera profitable que dans un an. Il faut que l'autorisation soit donnée avant que la moisson batte son plein ! » Mais la parution du décret suppose des délais incompressibles. « Pour que l'annonce de Nicolas Sarkozy soit honorée, il faut que l'usage du 44 t fasse l'objet d'une circulaire pour une application dès cet été. Ce que nous avons demandé au ministre », confie Vincent Magdelaine, qui espère le feu vert pour le 15 juillet.
    Le Snia, qui se félicite lui aussi que le dossier se concrétise enfin, souligne les nombreux points techniques à résoudre, alors que ces véhicules sont peu connus en France. Le seul constructeur tricolore de poids lourds ne s’est d’ailleurs pas positionné sur ce marché. « De nombreuses questions se posent. Quel sera le montant de l'investis­sement ? Les coûts d'utilisation et de gestion ? », illustre Stéphane Radet, directeur du Snia. « Il nous faut par ailleurs prendre garde à ce que le 44 t ne soit pas source de restrictions de circulation sur le terrain. Cela affecterait, voire annulerait, son intérêt. Nous serons vigilants pour s'assurer que la mesure soit effective. » Désormais, « nous avons quatre ans pour évaluer la pertinence de cette décision », mais aussi pour observer l’impact réel de l'utilisation d'un 44 t à 5 essieux, commente Stéphane Radet.

(*) : Le transport à 44 t fait déjà l’objet de dérogations, notamment pour les pré- et post acheminements portuaires de produits agricoles, dans un rayon de 150 km, et la récolte de la betterave.

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