Biotechnologies végétales
La réglementation des plantes transgéniques en question
Loin de rejeter tout contôle en la matière, les professionnels mettent en avant ses contraintes qui pénalisent les semenciers et les agriculteurs.
« LA PLUPART des experts sont d’accord pour dire que seuls les progrès de la génétique accompagnés de meilleures méthodes culturales permettront aux agriculteurs de produire plus et mieux avec moins de facteurs de production. (...) Les semenciers peuvent compter sur les biotechnologies végétales, tout au moins dans les pays qui n’en interdiront pas le développement ou les applications, pour relever ce défi stratégique pour l’avenir de l’humanité. » C’est en ces termes que Gil Kressmann, administrateur de la Saf, a présenté le colloque international “Biotechnologies végétales, environnement, alimentation et santé ; quel futur ?”, organisé le 20 septembre à Paris par l’Association française des biotechnologies végétales (AFBV) avec leur collaboration.
Des contraintes économiques
« L’UE se targue d’avoir l’un des cadres réglementaires les plus stricts pour les activités des organismes génétiquement modifiés », souligne non sans ironie Patrick Rüdelsheim, associé général de Persée, une société de service belge axée sur la biosécurité. Il a estimé à 7-10 M€ le coût des « efforts réglementaires en préparation de la commercialisation » d’un OGM. Sachant qu’une autorisation est à renouveler tous les dix ans, « plutôt qu’un investissement ce sont des coûts récurrents d’année en année », considère-t-il. Et c’est sans compter la durée du traitement du dossier qui dépasse la décennie. Ainsi, concernant la pomme de terre transgénique Amflora, il s’est passé « douze ans entre le dépôt original du dossier et l’autorisation de production à l’échelle européenne », note Patrick Rüdelsheim.
Une délocalisation de la recherche
« La France et l’Europe, à la pointe du progrès dans les biotechnologies végétales lors de ses premiers développements dans les années 1970, se trouvent aujourd’hui en situation totale de retrait, voire d’opposition de fait, avec les plus récents progrès de cette technologie », regrette Marc Fellous, président de l’AFBV. Ainsi observe-t-on « une redistribution des capacités de recherche et développement à des sites et des sujets non-européens » et « un ciblage des projets sur les cultures et les marchés qui détiennent une garantie suffisante pour des revenus qui peuvent justifier les coûts élevés », renchérit Patrick Rüdelsheim. Heureusement, les établissements semenciers français continuent à investir dans le domaine des biotechnologies et en particulier de la génomique, comme le révèle une récente enquête du Gnis. « De plus, dans le cadre du programme “Investissement d’avenir”, l’Etat français a consacré une enveloppe financière importante aux biotechnologies. Et la création récente du groupement d’intérêt scientifique “Biotechnolo-gie verte” va permettre d’entreprendre des programmes d’envergure dans le cadre d’un partenariat public-privé autour de thèmes tels que l’amélioration de l’efficacité azotée des plantes ou encore la tolérance à la sécheresse », s’enthousiame Daniel Segonds, président du Gnis.
Une perte de productivité des agriculteurs
Aux Etats-Unis où le maïs Bt est cultivé depuis quinze ans, « les bénéfices économiques cumulés sont de l’ordre de 6,8 Md$, avec une majorité profitant aux cultivateurs de maïs non-Bt (qui bénéficie de la baisse du taux de croissance des populations de pyrale du maïs, NDLR) », affirme Shelby J. Fleischer, professeur d’entomologie à Pennsylvania State University. Même constat pour Claude Ménara, agriculteur dans le Lot-et-Garonne : « Pour moi, qui est une expérience de cinq ans dans la production de maïs Bt, ce sont des quintaux en plus – 11 q/ha en moyenne – et des mycotoxines en moins ». Et, comme il utilise moins d’insecticides, il considère que « le maïs Bt est un maïs écologique ». Malheureusement pour les semenciers, la majorité des Français et Européens sont loin de partager son avis.