La consommation de pain en France ne connaît pas la crise
Malgré une image prix négative, la majorité des Français maintient sa consommation de pain, qui n’aurait diminué que de 0,3 % en 2008
BONNE NOUVELLE pour la filière de la boulangerie : les Français continuent à acheter du pain. La consommation serait peu affectée par la crise, selon une enquête ANMF/Crédoc présentée lors de la conférence « Crise économique, crise de consommation : l’exception du pain » le 10 septembre à Paris. Pourtant, une part importante des Français considère que son prix a augmenté. Ce sont les artisans boulangers qui s’en sortent le mieux, leur pain résistant davantage à la crise, notamment le pain de tradition.
Une perception faussée du prix du pain
79 % des Français estiment que le prix du pain a augmenté depuis un an, 41 % depuis six mois. En réalité, sur un an, le prix du pain a seulement augmenté de 0,8 %. Un décalage dû à la médiatisation très importante des augmentations, notamment la hausse de 4 % enregistrée entre juillet 2007 et janvier 2008, toujours présente à l’esprit des consommateurs. « Toutes les hausses sont vues », précise Pascale Hebel, directrice du département consommation du Crédoc. « C’est un achat quotidien et l’un des produits que l’on regarde le plus. » 64 % des sondés estiment tout de même que le prix du pain a augmenté autant que le reste de l’alimentation. Une impression confirmée puisque sur l’intervalle 2000-2008, le prix du pain a affiché une augmentation de 26 % contre 24% pour l’ensemble des produits de l’industrie agroalimentaire. Ce qui est inférieur à l’évolution des fruits et légumes (+31 %) mais aussi à l’indice du SMIC horaire.
Malgré cette image prix négative, la consommation reste stable. Elle n’aurait diminué que de 0,3 % en 2008 à euro constant, malgré le contexte de crise économique. Un bon résultat confirmé par la stabilité des livraisons de farines en boulangerie artisanale. Selon l’enquête ANMF/Credoc réalisée en juillet 2009, 7 consommateurs de pain sur 10 estiment ne pas avoir modifié leurs comportements de consommation de pain depuis juin 2008. 14 % estiment même avoir augmenté leur consommation. Et les 16 % estimant l’avoir réduit sont dans l’ensemble des consommateurs occasionnels. Le prix n’est pas la principale raison de baisse de la consommation de pain, mais plutôt le fait de faire attention à sa ligne ! « Une mauvais nouvelle, après toute la communication réalisée sur ce sujet », se désole Steven Kaplan, professeur d’histoire à l’université de Cornell et spécialiste de l’histoire du pain. Pourtant le rapport intérêt nutritionnel/prix est favorable aux pains et biscottes !
Le pain de l’artisan résiste le mieux
Autre bonne nouvelle pour la filière : le retour des Français vers le petit commerce, l’artisanat de proximité « pour limiter les déplacements, notamment en voiture, et pour créer un lien social », indique Pascale Hébel. Pour Steven Kaplan, « on assiste à un rejet du mode de consommation à l’américaine, avec un retour au temps et au terroir.» Selon l’étude du Credoc, les acheteurs de pain en boulangeries artisanales sont plus nombreux à ne pas avoir modifié leurs achats de pain. Mieux, les chiffres des livraisons de farines panifiables fournis par les entreprises de meunerie laissent apparaître une croissance en volume des pains en boulangerie artisanale de 0,5 %. Concernant le pain de tradition, la croissance est de l’ordre des 7,9 % en 2008 par rapport à 2007 et la tendance serait analogue en 2009. Pour Steven Kaplan, « il s’agit d’un produit phare qui va sauver l’artisanat.» Il appelle les boulangers à « faire le meilleur pain possible, à garder le pain-symbole, le meilleur fonds de commerce pour les meuniers et les boulangers. » Il souhaite que la pain de tradition remplace la baguette de consommation courante.
La filière boulangère parvient donc à resister. La diversification de l’offre et des pains à valeur ajoutée les y aident. Le prochain challenge sera de séduire les jeunes générations. Selon Steven Kaplan : « Parmi les consommateurs qui mangent le moins, il y a les jeunes ! 30 % des ados et 40 % des enfants mangent du pain moins d’une fois par jour ! On risque de se retrouver face à un problème de transmission. La filière sera en difficulté si l’on n’agit pas là dessus. »