Organismes génétiquement modifiés
La bataille entre pro et anti-OGM franchit un cap dans la violence
La neutralisation d’un stock de maïs OGM, menée par les faucheurs en Gironde, s’est soldée par un coup de fusil et deux gardes à vue
LIMITE. Si les actions des faucheurs volontaires s’étaient pour l’instant cantonnées à détruire des pieds de maïs dans un climat parfois musclé, la neutralisation d’un lot de maïs transgénique stocké dans un silo, en Gironde, le 4 novembre, a dérapé et s’est terminée par une violente réaction du maïsiculteur victime des 150 militants anti-OGM présents sur son exploitation. Alors que ces derniers s’occupaient à rendre impropre à la consommation 2.000 t de maïs transgénique stocké dans un silo de la station de stockage et de séchage de la SNC d’Allonville, en y déversant eau et colorant naturel, le gérant, Marc Gibelet a tiré un coup de feu, « vers les faucheurs », selon ces derniers, « en l’air » selon les autorités. Les forces de gendarmerie sont ensuite intervenues en arrêtant le gérant et José Bové qui ont été relachés le lendemain matin pour le premier et dans la soirée pour l’ex-leader de la Confédération paysanne. Au final, deux plaintes ont été déposées. L’une pour « dégradations en bande organisée » et l’autre pour « violence avec arme ». Cette opération, qui a bien failli tourner au drame, a sucité des réactions de tout bord.
Faucheurs volontaires et syndicats majoritaires agricoles inconciliables
À sa sortie de garde à vue, qui a duré une trentaine d’heure s’achevant dimanche soir à la gendarmerie de Saint-Jean-d’Illac, le potentiel candidat de la gauche à la présidentielle se réjouissait de sa libération par le ministre de la Justice « sans aucune convocation de tribunal ou un juge d’instruction », compte tenu « de la mobilisation locale ou nationale ». « Cette garde à vue est une décision politique du ministre de la Justice par rapport à la dénonciation du fait que le gouvernement a laissé mettre en place les cultures OGM en dehors du cadre légal ». Depuis longtemps, les mouvements opposés aux OGM réclament la transposition de la directive 2001-18 relative à leur dissémination dans l’environnement, toujours absente de la législation française. La responsabilité de l’état français est pointée du doigt par José Bové. « Le fait qu’aujourd’hui des propriétaires de stocks de maïs OGM en viennent à tirer sur ceux qui essaient de bloquer les faucheurs montre que le gouvernement a joué un jeu très dangereux en laissant mettre en place les cultures illégales », a-t-il-lâché.
La Coordination rurale (CR) renvoie également le gouvernement à ses responsablités en demandant, dans un communiqué au ministre de l’Agriculture, de faire « acheter par précaution tous les stocks de maïs OGM présents sur le territoire et de les traiter pour la transformation en bioénergie dans des chaudières ou des fours ». « Renvoyant dos à dos semenciers et destructeurs d’OGM », la CR dénonce « l’irresponsabilité de l’État qui prétend organiser une impossible coexistence entre cultures authentiques et OGM ».
FNSEA/JA et Orama défendent la production d’OGM
Comme à leur habitude, les producteurs de maïs ont vivement condamné cette nouvelle manifestation hostile aux organismes génétiquement modifiés. Dans un communiqué du 5 novembre, intitulé “Qui sème le vent récolte la tempête”, l’Association générale des producteurs de maïs justifie l’acte violent de l’exploitant envers les faucheurs. L’AGPM explique que « ce sont les faucheurs extrémistes qui, en s’attaquant à la propriété privée, aux biens et auxpersonnes, créent des incidents tels que celui- là ». Les syndicats majoritaires FNSEA/Jeunes agriculteurs et Orama (producteurs des grandes cultures) ont de leur côté adressé une lettre au Premier ministre, Dominique de Villepin, dans laquelle ils lui rappellent que « l’état a pour mission d’empêcher ces dérives extrémistes qui se multiplient ». « La ruralité ne doit pas être la copie de l’embrasement des banlieux », lancent-t-ils, ajoutant que, « quand la violence remplace le dialogue, tout est possible ».
Segolène Royal dans la ligne de mire de Dominique Bussereau
Réagissant à l’issue de l’opération des faucheurs, Ségolène Royal a déclaré que la lutte de José Bové « était un bon combat », ajoutant, prudente, qu’elle n’était pas favorable « à l’atteinte au droit de propriété ». Il n’en fallait pas plus pour déclencher les foudres du gouvernement en particulier du ministre de l’Agriculture. Si Dominique Bussereau a condamné « l’acte de vandalisme prémédité » des faucheurs volontaires, il a surtout profité de l’occasion pour tirer à boulets rouges sur la candidate socialiste qui « a cru bon de cautionner la destruction du bien d’autrui ». « Le moins que l’on puisse attendre d’un candidat à la présidence de la République, c’est qu’il n’appelle pas au combat contre l’autorité de la loi et n’encourage pas le vandalisme », a-t-il déclaré.
De son côté, Nicolas Hulot, très sollicité sur les questions environnementales ces temps-ci, s’est prononcé pour un moratoire sur les OGM. « Quand on est dans un soupçon de risque grave et irréversible, on prend des mesures de suspension et on se donne le temps et les moyens de l’évaluer. C’est le cas des OGM ». Et d’ajouter, catégorique : « Y a-t-il une urgence alimentaire qui obligerait à brûler les étapes ? la réponse est non ».