Influenza aviaire : quel impact pour les Fab du Sud-Ouest ?
Pour les fabricants d'aliments pour animaux du Sud-Ouest, directement touchés par le vide sanitaire dans les élevages de palmipèdes gras induit par l'épidémie, l'impact sera significatif avec une perte d'au moins 250.000 t de production.
Les mesures exceptionnelles prises par le gouvernement français, face à l'épidémie d'Influenza aviaire dans le Sud-Ouest, vont se traduire concrètement pour tous les maillons de la filière. Selon Anne Richard, directrice de l'Itavi, « les pertes totales devraient s'élever à 350 M€, les accouveurs, les éleveurs et les abattoirs en payant le plus lourd tribut ».Quoiqu'ils ne soient pas en première ligne, les fabricants d'aliments pour animaux vont également être touchés par l'arrêt total de la production de palmipèdes gras durant deux mois, précédé d'un arrêt progressif. « Cela représente un volume d'environ 250.000 t », estiment Pascal Pringault (RAGT) et Jean-Louis Zwick (Maïsadour), président et vice-président de la So'Fab, l'association régionale des fabricants d'aliments de la zone Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Une bonne douzaine de ses adhérents sont impactés. Même s'il existe différentes organisations, en général, le caneton issu de la poussinière va passer trois mois en préparation au gavage, puis quinze jours en gavage. Au total, il consomme 25 kg d'aliments à plus de 80 % issus des usines d'aliments, dont une très forte proportion de maïs : quelque 9 kg pour le seul gavage et environ 50 % de la formule en préparation au gavage. C'est donc naturellement cette matière première qui va être la plus affectée, à hauteur de 150.000 t.
250.000 t d'aliments de moins, soit au moins 150.000 t de maïs
Ces tonnes non consommées vont peser sur un marché déjà lourd. Pour les autres céréales et même si les volumes concernés sont moindres, les pertes de tonnage plomberont également un marché déjà morose. Les opérateurs s'attendent évidemment à des reports d'exécution de contrats. Actuellement, les fabricants d'aliments français sont en effet couverts à 90 % sur la période janvier-mars et à 50 % sur la période avril-juin. Le taux de couverture risque donc de bondir dans la zone concernée de 50 à 80 %. « Pour le soja, l'impact sera moindre, d'une part, car il entre dans une moins grande proportion dans les formules, mais aussi car nos usines sont multi-espèces et l'utiliseront pour d'autres formulations », estime Jean-Louis Zwick.
Outre l'impact sur les prix et l'alourdissement des stocks, la filière risque de perdre des parts de marché à l'export.
Pour les usines d'aliments, les 250.000 t non produites durant les huit semaines de vide sanitaire total vont évidemment avoir un impact économique. « L'incidence financière se trouve à deux niveaux, la production, et le transport », détaille Pascal Pringault. « Nos sites étant généralement multi-espèces, nous ne pouvons avoir recours aux mesures de chômage partiel », alertent également les responsables. Pour les sites de production, les moindres volumes se traduisent par une perte sèche d'environ 20 €/t non produite, soit au bas mot 5 M€. Auxquels il faut donc ajouter 3,75 M€ pour le transport, à la charge du fabricant quand il possède sa flotte interne et des transporteurs. Avec un coût moyen de livraison de 20 €/t dans la zone sous surveillance, le maillon Nutrition animale devra en effet supporter la part fixe (15 €/t), la part variable étant principalement composée de l'énergie (5 €/t).
Des conséquences à plus long terme
D'autres mesures comme le passage à une bande unique, qui n'existe pas pour l'instant dans le Sud Ouest, impacteront la production. Elle réduira mécaniquement la capacité de production des élevages existant et imposera le recrutement de nouveaux éleveurs, si la filière veut maintenir son niveau de production. De nouvelles mesures doivent aussi être publiées fin janvier. Même si les détails ne sont pas encore connus, la biosécurité sera renforcée. Au total, la production de foie gras devrait connaître une baisse de 35 à 50 % sur l'année 2016, selon le Cifog (Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras).
Enfin, les filières volailles sont impactées à l'exportation, ce qui jouera forcément à plus ou moins long terme sur l'amont car 22 pays ont déjà annoncé la fermeture de leurs frontières aux produits avicoles français. La filière principale en volume, le poulet export, est pour l'instant rassurée car son principal débouché, l'Arabie saoudite, a annoncé appliquer la régionalisation. Elle n'interdit donc que les produits en provenance des 17 départements sous surveillance. Or, l'essentiel des poulets qu'elle importe viennent de Bretagne. D'autres filières sont toutefois déjà touchées, comme la vente de génétique. C'est aussi le cas des poules pondeuses de réforme ou des coproduits des poulets de chair (type croupions) qui n'ont plus de débouchés en Afrique où ils étaient jusqu'à présent valorisés. Outre l'impact immédiat sur les prix et l'alourdissement des stocks, le risque est ensuite d'avoir des difficultés pour reconquérir les marchés perdus.
L'Influenza aviaire est une maladie animale à déclaration obligatoire. Quelque 69 foyers, principalement de palmipèdes, ont été répertoriés depuis novembre 2015 dans le Sud-Ouest. L'UE a défini les mesures de lutte : abattage de toutes les volailles et vide sanitaire de vingt-et-un jours pour l'exploitation contaminée, zone de protection (3 km de rayon) et zone de surveillance (10 km au delà). Pour que l'Hexagone retrouve au plus vite son statut « indemne » pour l'ensemble de ses espèces avicoles, le ministère de l'Agriculture a pris, le 14 janvier, des mesures complémentaires. Un vide sanitaire de deux mois est imposé sur 18 départements du Sud-Ouest, à tous les élevages de palmipèdes gras. D'autres mesures de biosécurité sont attendues le 29 janvier.