Gestion de l’exploitation agricole: “informatiser pour simplifier”
Objectif de l’étude: faire face à l’inflation des tâches administratives afin que les agriculteurs demeurent des hommes de terrain.
COMPTABILITE, fiscalité, gestion technique et commerciale, traçabilité, déclarations Pac, déclarations sociales, mesures agro-environnementales… Les Jeunes agriculteurs, préoccupés par la charge croissante que représente la gestion des entreprises agricoles, ont réuni avec le soutien du ministère chargé de l’Industrie, des groupes de producteurs pour réfléchir à la façon dont la gestion de leurs exploitations pourrait être simplifiée notamment grâce à l’informatique. Ces groupes de travail se sont réunis régulièrement pendant presque deux ans en région Rhône-Alpes, dans les départements de l’Oise, de la Manche, du Vaucluse, du Cantal, et de la Marne sur le thème “Gestion des exploitations agricoles : informatiser pour simplifier”. Ils ont tiré le bilan de leurs réflexions lors du 38e colloque AgriMMédia, qui s’est déroulé le 6 octobre dernier à Paris.
Créer de l’information pour exister
Les travaux présentés mentionnent souvent l’idée que la gestion de l’exploitation représente une «charge croissante» (sous entendu en travail, mais aussi en dépenses) dont la «complexité» vient de l’extérieur. Tout évoque ici l’idée de résistance. Cependant, Philippe Boullet du Conseil national des centres d’économie rurale (CNCER) a voulu inscrire le sujet dans une vision plus positive : «La “gestion” est une fonction dans l’entreprise, “simplifier” est une modalité d’optimisation de la fonction et “informatiser” un moyen.» Aussi, avant de vouloir optimiser l’exercice d’une fonction, encore faut-il l’accepter. Cela commence par l’identifier comme une des composantes de son métier, au même titre que la fonction de production ou que celle de commercialisation. L’étape d’acceptation est primordiale. L’indicateur de cette acceptation est la reconnaissance du fait qu’une entreprise doit créer de l’information sur elle-même pour exister.
Déléguer, piloter ou dépasser?
Ceci étant posé, l’exploitant a classiquement trois attitudes possibles pour exercer les différentes fonctions composant son métier : déléguer, piloter ou dépasser. «Il n’adopte d’ailleurs pas forcément la même attitude pour toutes les fonctions», explique Philippe Boullet.
L’exploitant, qui choisit de déléguer au maximum la fonction à des prestataires, vise la sécurité de son entreprise par le respect de tous les engagements de fourniture d’information aux tiers. Il convient que les services soient fiables et d’un coût le plus faible possible. On constate que l’exploitant souhaite pouvoir toujours reprendre son autonomie par rapport aux prestataires, et pour cette raison en choisit rarement un unique. Pour les informations qui nécessitent une première saisie sur l’exploitation, le processus doit être ramené à la notion de bordereau de saisie (papier ou informatique). L’enjeu de simplification réside dans la saisie. Pour que celle-ci soit réellement unique, il convient que les tiers et les prestataires soient coopérants entre eux.
L’exploitant, qui choisit de piloter au maximum la fonction, entend s’approprier sa réalisation avec le maximum d’autonomie. Il recherche des gains de temps et d’automatisation pour des fonctions qu’il assume avec assiduité et en temps réel. Il fait appel à des prestataires en qualité de support technique. L’informatisation est facteur de simplification par l’ergonomie qu’elle procure et par la fluidité des transactions avec les tiers.
L’exploitant, qui choisit de dépasser la fonction, arbitrera selon les informations entre ergonomie-automatisation et délégation. Il cherchera surtout à construire avec des prestataires ou en groupe, la sélection d’indicateurs internes et externes utiles au suivi de son exploitation agricole. L’informatisation joue alors un rôle de simplification en ce qu’elle permet de focaliser sur la prise de décision le temps consacré à la gestion : paramétrage personnalisé des outils, puissance de calcul et fonctions de filtre de l’information entrante sont ici en jeu.
Tout n’est qu’une simple histoire d’équilibre permanent…
Pour que l’informatisation réponde en terme de simplification aux situations décrites ci-dessus, les travaux ont mis en évidence des enjeux relatifs à la saisie sur l’exploitation (il s’agit d’un enjeu d’ergonomie tant des outils que des interfaces utilisateurs), aux transferts entrants et sortants (ils relèvent des fonctionnalités de mises à jour automatiques et des processus de normalisation) et aux moyens de valorisation de l’information (sous l’angle de la sélection de l’information comme sous celui de la puissance de calcul et de modélisation). Dans ces domaines, des équilibres sont à trouver en permanence. Equilibre entre standardisation de l’information et coopération entre les acteurs, notamment au niveau local. Equilibre, encore, entre complexité des outils et fréquence d’utilisation. Equilibre, enfin, entre le choix de l’autonomie, celui du partage et de l’échange, et celui du recours au service.