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Gaz de schiste, la fracturation hydraulique est-elle inévitable?
Concernant l’exploration comme l’exploitation du gaz de schiste, d’autres technologies que la fracturation hydraulique, interdite en France, peuvent être développées. Dans l’immédiat, l’extraction du gaz de houille peut être une alternative.

« L’exploitation des gaz de schiste aux États-Unis induit, actuellement, un important différentiel de prix du gaz naturel sur les marchés américain et européen, avec respectivement 4 et 12 $/MBtu (cf. n°3955), rappelle Thierry Loyer, DG Industries et directeur des relations extérieures de Yara France (cf.encadré). Pour notre industrie de production d’engrais azotés, dont la matière première, l’ammoniac, est directement issue du gaz naturel (cf. schéma), cette situation a un impact considérable, en terme de compétitivité économique. » Aussi est-il en accord avec l’Académie des sciences, qui considère que « la question d’une exploration, puis d’une éventuelle exploitation des gaz de schiste mérite d’être examinée ». Dans son avis, relatif aux “Éléments pour éclairer le débat sur les gaz de schiste”, publié le 15 novembre, elle propose notamment de développer des méthodes alternatives à la fracturation hydraulique, qui fait l’objet en France d’un moratoire (loi du 13 juillet 2011), validé par le Conseil constitutionnel le 11 octobre. En attendant de pouvoir exploiter le gaz de schiste en France grâce à ces technologies à caractère plus durable, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) propose, dans son “Rapport sur la transition énergétique” enregistré le 11 septembre, de s’intéresser au « gaz de houille, exploitable en France sans fracturation hydraulique ». Son exploration et son extraction « pourraient être envisagées à un horizon assez proche, d’environ cinq ans ».
La recherche est possible, sans déroger au moratoire
« D’après les données de l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA), récemment réactualisé, la France serait au second rang en Europe pour ses ressources techniquement récupérables en gaz de roche-mère, derrière la Pologne, avec 3.870 Md m3 de gaz », contre 5.100 Md m3 lors de sa précédente estimation, indique l’Office parlementaire. « Afin de parvenir à des estimations plus précises, il est nécessaire de commencer par rassembler les données collectées par le passé et les analyser au regard des connaissances nouvelles, notamment dans le domaine de la modélisation, détaille-t-il. Il sera ensuite indispensable de procéder à des expérimentations, comme le prévoyait d’ailleurs la loi du 13 juillet 2011. »
Si la fracturation hydraulique y est prohibée, le texte législatif « n’interdit ni les forages verticaux, ni les forages horizontaux à partir de ces derniers », souligne l’Académie des sciences. Aussi propose-t-elle, « comme première voie d’action vers l’exploitation éventuelle des gaz de roches-mères, de procéder à des tests en vraie grandeur dans des conditions respectant la réglementation en vigueur : tests par puits verticaux sans fracturation hydraulique dans des zones déjà fracturées dans de vieux bassins charbonniers, où la matière organique est abondante et propre à générer d’importantes quantités de gaz. » L’idée est de maximiser le débit de méthane, mesurer son évolution au fil du temps et étudier la densité de forages nécessaire pour en récupérer des quantités significatives à l’échelle industrielle.
Utiliser le propane, à la place de l’eau, limiterait les risques
Dans son rapport sur “Les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels”, rendu public le 27 novembre, l’Opecst porte une attention particulière à la stimulation au propane, déjà utilisée à l’échelle industrielle au Canada, et expérimentée au Texas par la société gazière eCorp. Cette méthode, qui « n’exige ni eau ni produits chimiques », respecte « les normes de sécurité les plus strictes », indique un communiqué de l’entreprise. Cependant, « cette solution est plus adaptée dans des environnements à faible densité de population », en raison du caractère inflammable du propane, indique le rapport.
« D’autres technologies alternatives (comme l’utilisation des arcs électriques, la fracturation thermique ou pneumatique, NDLR) en sont encore au stade des laboratoires », selon Jean-Claude Renoir, coauteur du rapport (Les Échos). Ce qui fait dire à l’Académie des sciences que, sans négliger la recherche sur ces méthodes, « il faudrait aussi travailler sur l’amélioration des procédés de fracturation hydraulique ».