Forum Ceraaf : le pain, vecteur de plaisir, de santé et de bien-être
Organisé dans les locaux du Crédit agricole de Blois, le forum “Quoi de neuf ? Le pain” a réuni de nombreux intervenants de la filière blé-farine-pain.
LE CENTRE DE recherche et d’analyses agroalimentaires (Ceraaf), dont le siège est à Blois, avait convié des pointures pour son Forum sur le thème “Quoi de neuf ? Le pain”.
En effet, Steven Kaplan, spécialiste américain du pain français et auteur du livre “Le retour du bon pain”, Jean-Michel Lecerf, nutritionniste à l’Institut Pasteur de Lille, Paul Colonna, chef de département à l’Inra, ou encore Nelly Petit, responsable marketing chez Limagrain Céréales Ingrédients et Isabelle Laveille, directrice du marketing de la Minoterie Forest, avaient été conviés pour cette matinée d’information sur la filière et, notamment, les nouveaux aspects nutritionnels du pain.
«La meunerie française a sauvé la boulangerie artisanale»
Steven Kaplan est célèbre pour son franc-parler et il fut fidèle à sa réputation. Il s’en est déjà pris au boulanger local chez qui il avait acheté deux baguettes “tradition”. Erreur de casting, car les fameux pains n’avaient de tradition que le nom… «Je l’affirme, le retour du bon pain est réel… sauf à Blois !» a donc lancé l’universitaire américain.
Ce forum fut également pour lui, l’occasion de tourner quelques pages du passé glorieux du pain français et de rappeler que la meunerie eut plusieurs fois un rôle prépondérant voire crucial pour la boulangerie artisanale, déclarant même que «la meunerie française a sauvé la boulangerie artisanale», taxée par Steven Kaplan d’immobilisme à des périodes charnières de l’histoire boulangère.
Il a ainsi souligné que si le boulanger imposait sa loi avant le 19e siècle, la meunerie allait prendre l’ascendant jusqu’au début du 20e siècle où l’artisan allait reprendre son indépendance.
Puis vinrent les années 80, avec une chute brutale de la consommation de pain en France. De la fin du 19e ou le pain représentait la base de l’alimentation des Français puisqu’ils en consommaient 880 g/jour, il était tombé à un maigre 150 g/jour, voire moins selon certains rapports.
Devant cette débâcle, pour sauver leurs entreprises et voyant la plupart des boulangers sans réaction, certains meuniers décidèrent de prendre l’initiative : Banette était née. Une marque, un concept qui allait être «méprisé» à son arrivée, mais pour Steven Kaplan, «cette baguette a révolutionné la filière blé-farine-pain». Une création qui allait avoir le mérite de faire bouger la boulangerie artisanale, qui a pris conscience qu’il fallait nettement améliorer la qualité du pain français.
Pour l’universitaire américain, le décret de septembre 1993 sur le “pain de tradition française”, fut aussi un tournant important pour la filière. Contrairement au décret instauré par Jean-Pierre Raffarin en 1995 sur l’appellation de “Boulanger” qui, pour Steven Kaplan fut «de la frime, puisque ça a fait plus de mal à la boulangerie artisanale qu’à l’industrie !»
Pour conclure, qu’un bon pain dépend «à 15% du blé, à 5-10% du meunier et le reste du boulanger».
Pain et diététique aujourd’hui
La partie plus technique de ce forum a réuni des spécialistes en nutrition comme jean-Michel Lecerf de l’Institut Pasteur de Lille ou encore Paul Colonna de l’Inra, qui ont démontré —s’il en était besoin— la complexité nutritionnelle du pain, entre index glycémique, acides gras essentiels ou encore acide phytique.
Les démonstrations des deux spécialistes ont abouti de toute façon à la même conclusion. Il existe trois raisons majeures de consommer du pain : pour l’énergie, les fibres alimentaires et les micronutriments.
Mais d’une dimension d’aliment nutritionnel essentiel, le pain est en train de passer à un statut “d’aliment santé”, voire “thérapeutique”. C’est le cas par exemple pour le pain “Optimatin” lancé en début d’année par la Minoterie Forest.
La lutte contre l’obésité, nouvel axe de développement pour le pain?
La directrice marketing du meunier bourguignon (le siège est à Cluny en Saône-et-Loire), Isabelle Laveille, a décrypté le processus d’élaboration de ce premier «pain qui répond aux problèmes de surpoids et d’obésité». Le premier pain minceur a été initié par un nutritionniste de Chalon-sur-Saône, Claude Godard qui avait constaté que neuf personnes obèses sur dix ne prenaient pas de petit-déjeuner. Les conséquences étaient la surconsommation sur les deux autres repas de la journée et, surtout, le grignotage.
La solution ? Un petit déjeuner exagéré avec beaucoup de pain pour que l’effet satiété joue son rôle. Le pari est osé. Un pain optimisé par repas, il fallait y penser ! Les conséquences psychologiques et physiopositives avec la perte de poids et le plaisir gustatif sont considérables.
Le plus fort peut-être, fut de réunir autour du projet et du concept une douzaine de meuniers indépendants. Sa composition améliore l’apport nutritionnel en sucres lents (graines, semoule et flocons de céréales), en fibres (supplémentation en fibres dont une part importante est soluble), en germe de blé et en richesse protéique et lipidique.
Alors, le pain un outil nutritionnel contre le surpoids ? «Optimatin, ce n’est tout de même pas la “baguette magique”», avoue Isabelle Laveille, mais il allie plaisir, santé et bien-être. Un cocktail explosif. Equilibre et plaisir, c’est également la formule choisie par Limagrain Céréales Ingrédients (LCI) avec “Just’ess”. Pour Nelly Petit, responsable marketing de LCI pour les produits de panification, l’intérêt nutritionnel de tels pains doit être supérieur au pain blanc, c’est-à-dire la baguette. Outre la farine de blé tendre, LCI y a ajouté des germes de céréales, de la farine de légumineuse, des graines de soja, sésame et lins. Mais, la problématique “sel” n’est bien évidemment pas oubliée.
Comme on peut le voir, colloques après colloques, forums après forums, la problématique reste la même. Les consommateurs ont retrouvé la confiance, mais attendent de leur boulanger qu’il leur fournisse un pain plaisir, bon pour leur équilibre et leur bien-être. Tout cela bien sûr, au meilleur prix…