Évènement
Ecotaxe poids lourds, suite... Et fin ?
Le ton est monté du côté des filières agroalimentaires, exprimant leur grogne contre l’écotaxe. Mais l’état ne semble pas
décidé à faire machine arrière, même s’il convient de la nécessité d’améliorer certains points.

Producteurs, OS, Fab, transporteurs, industriels de l’agroalimentaire. Tous ont, à nouveau, fait entendre leur voix pour réaffirmer leur opposition à l’application de l’écotaxe poids lourds au 1er janvier. Blocage de routes, opérations escargot, bâchage de portiques,… Les manifestations d’hostilité se sont multipliées en France le 22 octobre. Une démarche qui a conduit les médias nationaux à relayer plus massivement le sujet… Et au gouvernement d’assouplir son discours.
Made in France plombé
Ania, Coop de France, Fnsea, JA demandaient, dans un communiqué du 17 octobre, « au gouvernement d’ajourner la mise en application de l’écotaxe tant que les conditions économiques ne sont pas réunies et que la croissance n’est pas au rendez-vous. Nos secteurs d’activité n’ont plus la capacité d’encaisser une nouvelle charge qui, une fois de plus, se traduira par des pertes d’emplois et de richesses pour les territoires », résument les fédérations. Et de rappeler qu’« une concurrence accrue de nos voisins européens et une perte de compétitivité récurrente menacent bon nombre de nos filières agricoles et agroalimentaires.» Si les produits étrangers transitant en France seront aussi soumis à l’écotaxe, les transporteurs internationaux, alimentant souvent des pôles centraux, utiliseraient surtout les autoroutes, non concernées par le nouvel impôt. Et l’Ania d’insister : l’écotaxe va « pénaliser le Made in France, tant défendu par le gouvernement ».
La FC2A (Fédération du commerce agricole et agroalimentaire), qui regroupe la FNA et la FFCB (Fédération française des commerçants en bestiaux), souligne quant à elle, qu’« aucune étude d’impact sur les filières agricoles et agroalimentaires n’a été effectuée » par les autorités. Elle appelle donc à un report pour une évaluation, tenant compte des « impacts macroéconomiques et sociaux » à terme, « comme l’inflation du prix des intrants » et des produits pour le consommateur. Et « aucune garantie n’a été apportée quant à la fiabilité du système informatique mis en œuvre », note-t-elle encore.
L’état en phase de réflexion
« Pour éviter incompréhension et difficulté demain, il faut qu’on puisse réfléchir à la manière dont on corrige certains effets qui peuvent être négatifs », a concédé le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, le 23 octobre sur BFM TV, refusant d’évoquer un nouveau report de l’écotaxe. Le préfet de Bretagne devait recevoir les professionnels, le 25 octobre faisait-il valoir. Un rendez-vous destiné à « faire un point sur les aspects techniques et financiers » ainsi que « sur l'avancement des travaux de l'observatoire régional des transports », nous précise la préfecture. Cet observatoire « n’est pas une réponse quand certaines de nos filières vont être taxées (…) 5 à 6 fois », rétorque la FNSEA dans un courrier aux députés du 23 octobre.
La Bretagne en première ligne
Symbole de la perte de compétitivité de l’agroalimentaire français, d’autres éléments justifient que la Bretagne se rebiffe. Première région agroalimentaire française (20 Md€), elle assure 56 % de la production nationale de porcs charcutiers, un tiers des poulets, 23 % des veaux de boucherie et 41 % des aliments du bétail (8,5 Mt). Et le secteur de la boulangerie-pâtisserie y représente près de 12 % du CA hexagonal. Ces données montrent que « les produits partant sur toute la France, l’activité agroalimentaire bretonne induit un important trafic vers l’extérieur de la région », souligne Hubert de Balliencourt, associé gérant d’ACL consultant, expert logistique. « Si le gouvernement a accordé un taux d’écotaxe réduit pour le trafic intra-Bretagne, les professionnels seront assujettis aux taux normaux pour les trajets hors de la région, souligne-t-il. L’impact sur l’économie des entreprises n’est pas du tout marginal, les Bretons seront fortement pénalisés. D’autant que, si une taxe est difficile à implanter, il est, ensuite, facile de l’augmenter ! » Ce qui est d’ailleurs déjà prévu pour l’écotaxe. Et, « si le rapport de force chargeur/transporteur routier pourrait permettre aux industriels de modérer le coût final, ils ne pourront pas récupérer la totalité des 5-6 points imposés. » Par ailleurs, alors que l’ambition première de l’écotaxe est d’inciter au report modal, le recours au fluvial n’est pas possible pour les Bretons. Reste le ferroviaire. « Un Rennes-Paris demeure envisageable en termes de rentabilité, mais lorsqu’il faut aller sur Lyon ou Toulouse » la note grimpe. « L’offre de transport ferroviaire est, de fait, pauvre. » Et les courtes distances ne peuvent être parcourues qu’en camion. Soulignons que 750 M€ de recettes d’écotaxe prélevées sur l’usage des nationales devraient financer des infrastructures, fluviales et ferroviaires notamment. Environ 150 M€, liés à la circulation sur les départementales et les communales, bénéficieront aux collectivités, chargées de les entretenir, et 250 M€ serviront à la gestion de l’écotaxe.