Agriculture biologique/Meunerie
Déficit de produits biologiques
Les matières premières bio doivent se développer pour détendre le marché
UNE DEMANDE toujours en hausse pour les produits biologiques, malgré la crise, permet à la meunerie française de développer de nouvelles gammes afin de toujours mieux valoriser les productions céréalières agricoles. Selon l’Agence Bio, parmi les produits ayant attiré le plus de nouveaux consommateurs sur ce marché, le pain bio aurait une bonne place, avec 13 % des acheteurs déclarant en consommer depuis moins d’un an et 42 % déclarant en acheter régulièrement. Avec une consommation toujours soutenue, la question de l’autosuffisance en céréales biologiques se pose. Les meuniers souhaitant s’approvisionner de façon régulière, tout en stabilisant la qualité, s’organisent afin de mieux répondre à la demande.
Une démarche locale porte ses fruits
Parmi les précurseurs sur le marché de la farine biologique, on trouve le moulin Marion. Selon Maria Pelletier, la directrice, « la hausse de la demande en produits bio nécessite l'augmentation du nombre d'exploitants à proximité des lieux de transformation. » Depuis ses débuts en 1985, le moulin Marion a cherché à développer l'agriculture biologique, localement, au niveau de son bassin d'approvisionnement. Ainsi, des partenariats ont été engagés par la meunerie avec des agriculteurs et des coopératives biologiques, contractualisant des qualités de productions chez plus d'un millier de cultivateurs et d'éleveurs.
A l'origine du projet, Maria Pelletier remarque que le marché du bio est tendu en raison d'une demande toujours croissante et d'une offre relativement limitée. Pour pallier cela, le moulin a mis en place un réseau de conseillés techniques en agrobiologie afin d'accélérer les processus de conversions, de faciliter le suivi des cultures et de réaliser des expérimentations. Ainsi, il a réussi à s'approvisionner localement et à développer son marché en France, après avoir trouvé ses premiers débouchés sur un marché allemand, plus mature. Mais certains bassins de productions, toujours déficitaires, obligent les transformateurs à importer. La plupart reste sur le marché européen. Ceux qui s’aventurent plus loin prennent des risques en termes de qualité.
Des conversions en hausse
Selon les chiffres publiés par la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab), le nombre d'exploitations certifiées bio a triplé entre 1995 (40.000) et 2007 (120.000). Parallèlement, la part des céréales est en constante évolution avec plus de 5.000 exploitations biologiques et une augmentation de 2,1 % de surfaces cultivées entre 2006 et 2007, atteignant les 76.765 ha. Les surfaces céréalières en conversions représentent 8.828 ha en 2007 et cette progression devrait s'accentuer avec les nouvelles mesures gouvernementales soutenant la bio. Maria Pelletier, qui dénonce le retard pris par la France durant des années, tient à saluer l'action de l'actuel ministre de l'Agriculture, qui, « au travers du Grenelle de l'environnement, a su mettre en place les leviers nécessaires au développement de l'agriculture biologique. » En effet, la place de la bio, « en tant que technique à part entière » dans l'enseignement agricole serait revalorisée, les aides aux productions et conversions renforcées et les transformateurs soutenus au niveau de leurs investissements. Ces mesures confirment les volontés de développer les modes de production durable, selon Maria Pelletier.
Un marché français en devenir
Si les meuniers spécialisés dans les produits bio arrivent généralement à se fournir localement, certaines qualités de céréales restent difficiles à trouver sur le marché français. Par exemple, le moulin Marion importe 2 % de ses céréales en provenance d'Autriche, d'Alle-magne et d'Italie, principalement pour la biscuiterie. Pour Maria Pelletier, les prix et les qualités sont standards en Europe. D’autres moulins bio, rencontrés lors du salon de la boulangerie, déclarent avoir des problèmes d'approvisionnement et importer jusqu'à 10 % de leur matière première, notamment en provenance d'Ukraine, où le marché et la qualité sont plus aléatoires.
Maria Pelletier souligne la nécessité d'augmenter les surfaces agricoles biologiques en France et de soutenir les transformateurs afin de résister à la concurrence des produits finis étrangers (lait et céréales importés). Jean-Louis Dupuy, P-dg de la minoterie Dupuy-Couturier, explique pour sa part que le recours aux importations est encore nécessaire pour détendre le marché en raison de stocks céréaliers bio insuffisants en cas de mauvaises récoltes. Cela a notamment été le cas en 2007 et 2008, où le rapport de prix entre céréales conventionnelles et bio est passé de 1 pour 2, à 1 pour 3 en se stabilisant à ce niveau. La minoterie a ainsi eu recours aux importations intracommunautaires à hauteur de 15 % sur des qualités difficiles à trouver dans l’Hexagone. Jean-Louis Dupuy a confiance dans les mesures prises par le gouvernement pour le soutien des productions bio de façon durable avec désormais de grandes exploitations céréalières de 800 ha intéressées par des conversions.
Une nécessité de penser filière
Si Michel Barnier a su être à l'écoute de la société civile, le marché français reste déficitaire et il serait nécessaire d'appuyer l'accélération des conversions pour répondre à la demande. Le temps d'entrée des producteurs sur le marché du bio est de trois ans et c'est le minimum pour combler le déficit hexagonal.
Maria Pelletier insiste pour que l'on considère l'agriculture biologique comme un système productif complet avec ses rotations culturales, ses transferts de fertilité entre productions animales et végétales et la valorisation de ses sous-produits. C'est pourquoi son entreprise a diversifié ses activités en valorisant notamment les sous-produits de meunerie en aliments du bétail bio.
Finalement, la notion de niche de l'agriculture biologique pourrait s'avérer étroite face à l'engouement des consommateurs et au regard de l'engagement de certains transformateurs en faveur du développement de ce marché.