CLIMAT La hausse des températures profiterait au blé
L’Inra s’est penché, à la demande des autorités publiques, sur les conséquences du réchauffement de la planète. Une progression de 2 °C en France suffirait à bouleverser notre paysage agricole
JUSTE UNE FICTION ? Si le changement climatique arrivait demain, que se passerait-il ? à cette question, l’UMR économie publique de l’Inra apporte un premier élément de réponse dans une étude prospective consacrée à trois cultures : le blé tendre, le maïs et les prairies. Seul le blé s’en sortirait bien.
L’étude, consacrée à l’adaptation des systèmes de production agricole au changement climatique, avait été commandée en 2003 par le ministère de l’écologie. Elle lui a été remise à la fin de l’année 2006. Le document de l’Inra retient comme hypothèse de travail un scénario climatique situé dans la classe basse des scénarii du Giec : une augmentation de 2,6 °C de la température globale moyenne annuelle à la surface de la planète à échéance 2100. à l’échelle de la France, cette variation climatique se traduirait par une hausse des températures entre 2 et 2,5 °C et par une recul des précipitations annuelles pouvant aller jusqu’à -5 % (entre -25 % et -5 % l’été). L’étude évalue l’impact de ce changement climatique sur quelques cultures, abstraction faite de toute évolution technique ou socio-économique. En clair, en gardant les itinéraires techniques et les conditions d’irrigation actuels.
Une progression de 2 à 2,5 °C de la température en France d’ici 2100
Après avoir fait travailler ses modèles économiques et biophysiques, l’UMR économie publique de l’Inra en arrive aux résultats suivants : une progression des températures de 2 à 2,5 °C dans l’Hexagone se traduirait par une augmentation des surfaces et du rendement en blé tendre, sous l’effet d’un rôle fertilisant du CO 2 (dont la concentration dans l’atmosphère augmenterait avec le réchauffement climatique) et d’une température plus élevée. à l’inverse, les rendements obtenus pour le maïs diminueraient du fait d’une moindre pluviométrie. Les hectares de prairies suivraient la même pente. La géographie agricole s’en trouverait naturellement changée. Car si les producteurs peuvent s’adapter à de nouvelles conditions, en avançant la date des semis par exemple, comme l’explique Jean-François Soussana, directeur de recherche à l’Inra de Clermont Ferrand, ces ajustements ont des limites et ne suffiront pas dans ces conditions. « Au niveau des cultures, il faudra envisager des changements d’espèces et de variétés, et revoir les assolements. L’agriculture française est marquée par une multitude de systèmes régionaux qui seront contraints d’évoluer. »
Des disparités apparaîtraient entre le nord et le sud de la France. « Tout le gain, en termes de rendement et de surface, serait capté par la moitié nord de la France » explique Élodie Debove, responsable de l’étude menée par l’Inra. Une progression essentiellement liée au développement du blé tendre. Les surfaces de maïs, elles, reculeraient.
La culture de maïs deviendrait plus difficile
Faisant travailler leurs modèles sur la Picardie, les scientifiques calculent que la culture de maïs y deviendrait “très risquée” en raison de plus fortes températures (+2,2 °C des minimales et +0,8 °C des maximales) et d’une plus faible pluviométrie principalement pour les mois de mai à août (diminution mensuelle moyenne de 21 mm). “Pour les cultures d’été comme le maïs, l’irrigation devient alors indispensable en Picardie”, indique l’étude. L’augmentation des températures va de toute manière exacerber les tensions sur l’irrigation et la répartition de la ressource en eau, comme le souligne Jean-François Soussana.
Au sud, la situation serait également contrastée : certaines cultures profiteraient du réchauffement, d’autres non. “Au final, on estime que le bilan du sud de la France serait relativement neutre, et se trouverait donc peu affecté”, précise Élodie Debove. Par précaution, l’étude indique que ces résultats masquent des disparités régionales et même infrarégionales. Des évaluations complémentaires menées sur le blé dur, le colza, le tournesol et la pomme de terre sont attendues d’ici la fin de l’été. Mais, comme le souligne Jean-François Soussana le déplacement des cultures dans l’espace n’est pas si facile car « il y a, aussi, des contraintes liées aux marchés ».