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OGM
Bruxelles interdit d’interdire

Bien décidée à s’opposer à ce que des états membres puissent choisir de préserver un territoire des OGM, la Commission passe à l’offensive

LA COMMISSION européenne refuse catégoriquement le droit à un État membre ou une région de se déclarer exempt d’OGM. C’est ce qu’elle devait confirmer en lançant une procédure d’infraction à l’encontre de la Pologne pour non-respect des législations communautaires en matière d’OGM, le 12 octobre, trois jours après l’annonce d’une proposition visant à contraindre l’Autriche à ouvrir ses frontières à deux maïs transgéniques.

Bruxelles veut contrer l’initiative anti production et vente d’OGM de la Pologne

Au printemps dernier, Varsovie a fait adopter une loi qui interdit la culture et la commercialisation des semences OGM sur le territoire polonais au nom de la protection des consommateurs, de la sauvegarde de la diversité biologique et du droit d’un pays ou d’une région à se déclarer exempt d’OGM. Dès l’adoption de cette législation, la Commission avait averti : « On ne peut pas interdire les cultures génétiquement modifiées d’une région entière s’il n’est pas scientifiquement démontré qu’elles sont dangereuses pour cette zone. »

Cet argument est repris par les commissaires européens Stavros Dimas et Markos Kypria-nou, respectivement chargés de l’Environne-ment, et de la Santé et de la Protection des consommateurs. Dans un courrier de mise en demeure adressé aux autorités polonaises, ils condamnent l’embargo instauré par la Pologne et demandent des explications à ce pays, première étape dans la procédure d’infraction à la législation communautaire. Faute de réponse satisfaisante dans les deux prochains mois, la Commission européenne pourra passer à l’étape suivante de la procédure d’infraction : envoyer un avis motivé aux autorités de Varsovie leur enjoignant de modifier leur législation pour la rendre conforme aux règles européennes sur les OGM. L’ultime étape du processus, en l’absence de terrain d’entente entre Bruxelles et le gouvernement polonais, sera l’ouverture d’une longue procédure devant la Cour de justice européenne.

Clauses de sauvegarde autrichiennes contestées

La Commission européenne a relancé, le 9 octobre, la procédure à l’encontre des clauses de sauvegarde invoquées par l’Autriche pour interdire l’entrée sur son territoire à deux maïs OGM, le MON810 et le T25. Ces deux variétés ont obtenu une autorisation au niveau communautaire. Mais Vienne estime, sur la base de ses propres évaluations scientifiques, que les doutes sur leur innocuité plaident en faveur du principe de précaution et donc de leur interdiction. L’exécutif européen rejette ces arguments. Sur la base d’un nouvel avis de l’Autorité européenne pour la sécurité des aliments (Efsa), il entend bien imposer le MON810 et le T25 à l’Autriche. Bruxelles a donc transmis aux États membres une proposition visant à lever les clauses de sauvegardes. Le Conseil a trois mois pour adopter ou rejeter cette proposition. Faute de majorité qualifiée dans un sens ou dans un autre, la Commission prendra seule sa décision. Une telle procédure avait déjà été lancée, il y a plusieurs mois à l’encontre de plusieurs pays de l’UE. Toutefois, la Commission européenne s’était confrontée à une coalition d’États membres telle qu’une majorité qualifiée suffisante avait été constituée, en juin 2005, pour mettre un terme aux procédures d’infraction engagées alors. Cependant, en isolant l’Autriche et forte de la publication, il y a quelques jours, de la décision de l’Organisation mondiale du commerce qui condamne les interdictions imposées par certains États membres à des OGM autorisés au plan européen, la Commission entend faire plier Vienne.

Un droit à se proclamer région “free OGM” demandé

Ces deux décisions relancent la polémique sur la question du droit de certains pays ou régions à se déclarer indemnes d’OGM, comme le revendique notamment un collectif de 48 régions européennes “free OGM”. Cette revendication vient d’être relayée par le groupe socialiste du Comité des régions et par plusieurs députés européens. Ainsi, le représentant de la région italienne du Lazio, Piero Marrazzo (PSE), souligne que le mélange entre OGM et non-OGM n’a pas seulement des répercussions socio-économiques, comme le relève la Commission européenne, mais aussi des conséquences environnementales et pour la santé. Piero Marrazzo plaide en faveur de l’abaissement du seuil de 0,9 % inscrit dans la législation européenne au-delà duquel les produits non-OGM sont considérés comme contaminés et donc étiquetés OGM. Même avis de la part de Karin Scheele, du groupe socialiste du Parlement européen : « La prohibition de la culture d’OGM dans certaines zones géographiques bien délimitées devrait être considérée comme une mesure pertinente. »

Les députés européens pour un développement prudent des biotechnologies

Par ailleurs, les députés de la commission Agriculture du Parlement européen ont abordé la question de la coexistence, lors d’une audition sur les biotechnologies, le 10 octobre. Un fort consensus s’est dégagé en faveur du développement de ces nouvelles technologies en Europe. L’eurodéputé Joseph Daul, président de la commission parlementaire, s’est insurgé contre l’activisme des associations écologistes qui s’opposent à la recherche dans ce domaine. Il a ainsi appuyé les propos de Daniel Richard Molard, directeur de recherche à l’Inra. Ce dernier redoute le fossé qui se creuse entre l’Europe et les états-Unis dans le domaine de la recherche sur les OGM et la fuite des scientifiques outre-Atlantique. Cependant, aucune réponse précise n’a été apportée par les experts scientifiques entendus par les députés sur la façon d’assurer la ségrégation des filières. Leopold Grisch, de l’Agence autrichienne pour la santé et la sécurité des aliments, a présenté le résultat de ses travaux sur le sujet. Il a souligné que la coexistence peut être assurée de façon relativement aisée pour certaines plantes telles que les pommes de terre ou le soja. En revanche cela est extrêmement compliqué en ce qui concerne le colza. De plus, a-t-il expliqué, un effort particulier doit être fait sur la contamination des semences et sur son absence à ce niveau de la chaîne de production.

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