Prix du blé : pourquoi les céréaliers argentins sont optimistes
Le changement de donne climatique et macroéconomique de dernière minute, avant les semis de blé en Argentine, redonne espoir aux céréaliers du pays sud-américain et à leurs acheteurs-transformateurs.
Le changement de donne climatique et macroéconomique de dernière minute, avant les semis de blé en Argentine, redonne espoir aux céréaliers du pays sud-américain et à leurs acheteurs-transformateurs.
« "Vingt ans, c’est rien", dit une chanson de tango, mais vingt jours sur le marché des grains, c’est beaucoup : la brusque évolution positive de la marge brute par hectare théorique moyenne attendue en blé, à la veille de cette campagne 2024-2025, l’a encore prouvé », a exprimé Ramiro Costa, le directeur de la Bourse aux céréales de Buenos Aires (BCBA), à l’ouverture du salon biennal de l’interprofessionnelle argentine du blé, A todo trigo, tenu à Mar del Plata du 9 au 10 mai.
Des perspectives optimistes en 2024-2025
« Le mois dernier, nous déprimions ; maintenant, nous sommes face à un futur prometteur », a renchéri l’analyste Gustavo Lopez, du cabinet Agritrend. Il a cité les causes de cet enthousiasme subitement retrouvé : les graves inondations survenues au sud du Brésil menacent les semis de blé dans le principal bassin céréalier du géant sud-américain, de loin le premier débouché des meuniers argentins.
Le Rio Grande do Sul produit un tiers du blé brésilien
Sachant que l’État du Rio Grande do Sul, où ont eu lieu les inondations, apporte environ le tiers de la moisson brésilienne de blé, l’éventualité d’une campagne brésilienne noire se traduirait automatiquement par un gigantesque appel d’air au bénéfice des farines argentines.
Et puis, la hausse générale des cours du blé sous l’effet des situations de sécheresse au Kansas et en Russie s’est ajoutée, en Argentine, à une baisse significative immédiate du prix d’achat des engrais et des herbicides sous l’effet de la suppression d’une taxe à leur importation, décidée la semaine dernière par le gouvernement de Javier Milei, justement pour stimuler leur usage à la veille des semis de blé et d’orge.
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Hausse significative de la sole de blé pour la prochaine récolte
Voilà pourquoi les prévisions de surface devant être semée en blé en Argentine, entre ce mois de mai et le mois de juillet prochain, sont passées de 5,9 millions d’hectares (Mha) à 6,5 Mha, selon la BCBA. « Cela nous permettrait de récolter entre 17 et 20 millions de tonnes (Mt) à partir de décembre prochain et de dégager ainsi pour l’exportation autour de 9 Mt », a précisé Agustín Tejeda, du secrétariat d’État à la Bioéconomie du gouvernement Milei.
Une cinquantaine de marchés-pays sont ouverts au blé argentin, dont le dernier en date est la Chine
Le jeune fonctionnaire a rappelé qu’une cinquantaine de marchés-pays sont ouverts au blé argentin, dont le dernier en date est la Chine. Mais le pays est loin donc cher, du point de vue logistique. Même en cas de belle moisson cette année, avec un solde exportable théorique de 9 Mt, l’origine argentine ne représenterait pas plus de 6 % du commercial international de blé. Juste de quoi espérer un premier embarquement historique vers l’Empire du Milieu.
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Inondations néfastes aux cultures de blé brésiliennes
Cette année plus que jamais, les regards des Argentins sont rivés vers le Brésil. « Le Brésil, largement déficitaire en blé, a produit l’an dernier 11 Mt sur 3,3 Mha. Or, les trois États du Sud du Brésil : Paraná, Santa Catarina et le Rio Grande do Sul, là où ont eu lieu les inondations de fin avril dernier (entre 300 mm à 600 mm de précipitations sont tombées en une semaine, et 150 mm de pluies sont encore prévus lors de ces prochains jours), apportent 90 % de la moisson de blé brésilienne. Le facteur climatique fait peser une lourde incertitude sur la production brésilienne de blé à venir, car les semis doivent débuter en juin », a dit Gustavo Lopez.
Une hausse des cours du blé de 27 % depuis janvier dernier
Des centaines de céréaliers étaient présents au salon A todo trigo, accompagnés de leurs agronomes. L’un d'eux, Leandro Cachenaut, salarié du semencier San Diego, témoigne de leur enthousiasme retrouvé. « Nous allons semer 1 200 ha avec des variétés de blé de cycle long pour viser les très bons rendements obtenus l’an dernier sur la même surface, autour de 6 t/ha, dit-il. Deux semaines plus tôt, l’équation économique nous donnait des marges négatives, mais avec les inondations au sud du Brésil, la recharge du profil hydrique de nos sols en Argentine, la hausse des cours du blé à terme de 27 % depuis janvier dernier, et enfin la baisse du coût local des intrants provoqués par la suppression d’un impôt sur leur importation, tout a changé pour le mieux », dit-il.
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