Qualité
Altigo et Expert, variétés non grata dans les lots de blés meuniers
L’ANMF vient de publier sa liste des BPMF et VRM 2012.
La meunerie française profite de la publication de sa liste de blés 2012* pour adresser aux semenciers et organismes collecteurs des messages d’orientation de l’offre variétale, comme elle le fait depuis trente ans. La profession appelle à un panel de variétés aux profils rhéologiques plus larges et s’inquiète de la moindre présence des BPS (Blé panifiables supérieurs) dans les assolements. Elle réaffirme par ailleurs son aversion pour Expert et Altigo, dont la présence affecte la qualité technologique des lots destinés à la production de farines.
Le duo Apache/Caphorn regretté
Avec 120 BPMF contre 106 en 2011, le nombre de variétés admises dans les mélanges destinés à la meunerie ne cesse de croître. Cela reflète la diversification du paysage variétal français. « Il y a un peloton de variétés ayant les mêmes performances agronomiques, technologiques et de surfaces, mais plus de variété phare », a expliqué Bernard Valluis, le 2 avril à Paris. Aucune ne dépasse en effet les 10 % de la sole totale de blé tendre. Le hic est que, certaines années, ces variétés expriment aussi, toutes en même temps, les mêmes déséquilibres, d’excès de ténacité ou, à l’inverse, d’extensibilité, explique Nicolas Pé-rardel, chargé de mission Matières premières. Et « les meuniers ont du mal à corriger ces défauts ». Ils ne disposent notamment plus de Cap-horn. Cette variété, permettant de compenser une trop forte extensibilité, ne couvre désormais pas plus de 2,5 % de la surface de blé. La question se pose aussi pour Apache, la seule à pouvoir corriger des excès de tenacité. Représentant près de 25 % des surfaces en 2003, elle a chuté sous la barre des 10 % en 2011. « Qu’arrivera-t-il quand elle ne sera plus là ? », lance Nicolas Pérardel. Et Bernard Valluis d’insister : « La meunerie a besoin de diversité. » « L’expression des progrès se fait attendre » du fait notamment d’un sous financement de la recherche. Les meuniers aspirent à cet égard à une plus forte utilisation de semences certifiées, aujourd’hui de 54 %. Celle-ci permettrait de garantir l’identité des variétés, essentielle à une bonne gestion des allotements. Sur ce point d’ailleurs, l’ANMF invite les OS à la plus grande vigilance. Certains meuniers ont dû refuser des lots à la qualité technologique dégradée par la présence d’Expert et d’Altigo. Ces deux blés panifiables (BP) –au sens du CTPS (Comité technique permanent de la sélection) mais pas de la meunerie française qui ne veut pas les retrouver dans ses mélanges– représentent 11 % des emblavements. Leur présence se traduit par « des pâtes très extensives et pénalise le développement du pain et des coups de lame », détaille Laurent Guinot, chef de projet R&D blés de Nutrixo.
Inquiétante progression des BP
Autre élément souligné par l’ANMF : un redéploiement « préoccupant » des BP, plus productifs au champ. Représentant 14 % des surfaces de blés en 2009, leur part s’est hissée à 23 % cette année. Cet essor se fait au détriment des BPS, dans lesquels sont sélectionnés les BPMF. De cette liste sont ensuite désignées les VRM, variétés utilisables pures retenues pour leur régularité. Elles servent souvent de base aux mélanges meuniers.
Or, si la meunerie française, qui est la seule à formuler clairement des approches variétales, n’utilise que 16 % des blés nationaux, elle partage ses attentes avec d’autres utilisateurs. 45 % des blés produits dans l’Hexagone sont exportés vers des meuniers, européens ou de pays tiers. Volumes auxquels s’ajoutent la consommation de l’amidonnerie (9 %), aux attentes proches, en taux et qualités de protéines. Les BPMF répondent ainsi à 60 % des besoins en blés. Mais, leur place dans les emblavements se restreint. A 80 % en 2005, elle n’est plus que de 61 %. Si la tendance au recul des BPS se confirme, « il risque d’y avoir des tensions, anticipe Bernard Valluis. À un moment, tous les utilisateurs ne pourront pas trouver les blés dont ils ont besoin ». Et de lancer : « Il faut produire plus et mieux en répondant à l’ensemble des besoins des utilisateurs », reconnaissant que « l’équation n’est pas simple pour les producteurs », qui doivent aussi intégrer les données du plan Ecophyto. A cet égard, le CTPS a ajouté à ses critères d’observation la composante environnementale. Soutenant cette évolution, la meunerie met toutefois en garde contre la tentation, alors que les budgets de recherche stagnent, de relâcher l’attention portée en sélection à la qualité technologique.
Depuis 1982, la meunerie française guide les choix variétaux des producteurs et oriente la sélection pour disposer de blés les mieux adaptés à la panification et la biscuiterie. Au fil des ans, elle a affûté ses critères et protocoles d’observation. Nouveauté 2012 : certaines variétés seront évaluées une année de plus pour être testées sur le moulin pilote de Surgères.