La micro-injection dans le tronc, voie d’avenir pour la protection phytosanitaire des vergers ?
La micro-injection sécurisée fait partie des méthodes d’application de produits phytosanitaires actuellement étudiées en alternative à la pulvérisation. Son efficacité sur certaines cibles semble prometteuse.
La micro-injection sécurisée fait partie des méthodes d’application de produits phytosanitaires actuellement étudiées en alternative à la pulvérisation. Son efficacité sur certaines cibles semble prometteuse.
Depuis 2015, les projets sur la micro-injection sécurisée (MIS) comme moyen de protection des vergers essaiment. Cette technique est développée en France depuis une dizaine d’années en zones non agricoles par le Cetev (Centre d’expertise en techniques environnementales et végétales). Le CTIFL, Invenio, la station expérimentale de Creysse et le Cetev travaillent dans le cadre du projet France AgriMer MISPA (2021-2024) sur cette méthode pour des applications en arboriculture fruitière.
« Le principe est d’utiliser un système d’injection pour délivrer les substances actives dans le xylème, décrit Florence Verpont, du CTIFL. Puis c’est le flux de sève qui assure la migration du produit dans l’arbre. » Cette méthode présente l’avantage d’être très peu intrusive pour l’arbre et de pouvoir être adaptée à chaque espèce et chaque problématique. Elle ne nécessite pas de perçage préalable, ou alors de très petit diamètre, et les vaisseaux conducteurs se reconstituent au fil du temps. Les perspectives de déploiement de la MIS sont nombreuses. Les zones proches de riverains en sont une, tout comme celles où l’utilisation du pulvérisateur est difficile, comme les vergers en pente ou avec des arbres de grand volume.
De bons résultats sur châtaignier
La MIS est évaluée sur plusieurs espèces fruitières : pommier, châtaignier depuis 2015, cerisier depuis 2021 et les évaluations vont démarrer dès 2022 sur kiwi et noyer. Les résultats sont prometteurs contre certains bioagresseurs. Ainsi, sur châtaignier, contre les chenilles foreuses des fruits, les résultats d’efficacité d’une des matières actives testées ont été très positifs en 2020, dans un contexte de forte pression.
Les essais réalisés à la station Invenio de Douville (Dordogne) ont consisté à injecter trois produits différents, en une ou deux injections à 100 % de la dose. Pour deux matières actives, dont la référence chimique lambda cyhalothrine (Karaté Zéon), l’efficacité de la micro-injection n’a pas été au rendez-vous, que ce soit en une ou deux injections. Avec la troisième matière active, on retrouve en moyenne à la récolte seulement 23 % de fruits véreux avec deux injections (47 % avec une injection), contre 61 % dans la modalité non traitée.
Ces résultats sont similaires à ceux obtenus dans un essai de stratégie renforcée en pulvérisation classique sur la même parcelle, avec cinq applications de Karaté Zéon. Cette modalité injection avait déjà montré de très bons résultats d’efficacité en 2019 (proches de 90 %) dans un contexte de faible pression en chenilles foreuses. Des résultats intéressants ont également été obtenus sur pommier contre les pucerons cendrés. En revanche, il semble qu’il soit beaucoup plus difficile d’obtenir des résultats positifs contre les maladies. Les essais contre la tavelure sur pommier ou encore la pourriture sur châtaignier ont donné des résultats très moyens, voire nuls.
Beaucoup de paramètres à déterminer
Quant à la performance environnementale, c’est un des gros points forts de la MIS : zéro dérive, zéro perte au sol et un nombre de traitements minime par rapport aux itinéraires de protection habituels. « L’idée est de raisonner en préventif afin de réduire fortement le nombre d’interventions à l’année, indique Florence Verpont. On joue sur la rémanence du produit au sein du végétal. » De plus, sur toutes les campagnes d’essais, il n’y a eu aucun problème de résidus sur fruits, quelles que soient les matières actives injectées.
Peut-on pour autant qualifier la MIS de généraliste et simple ? « Pas du tout, prévient Florence Verpont. Les facteurs qui entrent en jeu sont multiples : l’espèce végétale, l’instrument d’injection, la matière active à injecter et la formulation du produit. Ainsi, avant d’évaluer l’efficacité de la méthode en termes de protection, il a fallu définir les conditions d’opération en fonction de ces facteurs. » Par exemple, la taille de l’aiguille est importante, afin d’injecter le produit au bon endroit, dans le xylème. Elle ne sera donc pas la même selon l’espèce et le diamètre du tronc. Il faut aussi vérifier que le transfert du produit se fait bien dans toute la plante (voir encadré).
Les travaux se poursuivent sur de nouvelles cibles
Pour l’heure, la micro-injection reste une méthode expérimentale, du moins en arboriculture fruitière. Il existe un usage obtenu en 2018 sur le charançon rouge du palmier et la mineuse du marronnier. En attendant des usages en verger, les travaux se poursuivent sur de nouvelles cibles. La bactériose du kiwi semble un modèle pertinent, car la bactérie PSA est transportée pendant son cycle dans le xylème. Sur cerisier, des évaluations d’efficacité ont démarré cette année contre Drosophila suzukii.
La nécessité d’une bonne diffusion
Les tests de migration visent à vérifier que le produit se diffuse bien dans la plante et de quelle manière. Pour contrôler visuellement la migration, ces tests sont réalisés avec des défanants. Les défanants injectés doivent présenter des propriétés physico-chimiques proches de produits de protection des plantes habituellement utilisés. Dans certains tests, on observe un fort phénomène de sectorisation avec par exemple seulement la partie gauche de l’arbre qui est touchée par les effets du défanant. Dans ces cas-là, une solution peut être d’augmenter le nombre de points d’injection, ou d’utiliser un produit avec une meilleure capacité de migration.