Grandes cultures : le coût de production, un outil d'analyse pertinent décodé par Thierry Lemaître (Cerfrance)
Responsable du service études et conseil économique pour le Cerfrance Nord-Est-Île-de-France, Thierry Lemaître nous livre son analyse de l’utilité des coûts de production ainsi que des éléments sur la façon de les calculer.
Responsable du service études et conseil économique pour le Cerfrance Nord-Est-Île-de-France, Thierry Lemaître nous livre son analyse de l’utilité des coûts de production ainsi que des éléments sur la façon de les calculer.
Thierry Lemaître. " Le coût de production, à lui seul, ne traduit pas bien la logique long terme qu’il faut prendre en compte dans la gestion de l’exploitation."
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V. Noël
Est-il intéressant de réaliser un coût de production standard sur son exploitation ?
Thierry Lemaître - "Dans une approche standard, on met en place des clés de répartition à partir d’une comptabilité analytique, on fait une clé moyenne. On n’est donc pas précis. Sur les intrants, les phytos notamment, il y a moins d’anomalies car les calculs sont plus simples, mais sur les charges de mécanisation, il faut être très prudent. Quand on se réfère au barème d’entraide pour les calculs, on ne prend pas en compte la façon dont l’exploitant entretient son matériel, par exemple. Il faut donc avant tout regarder son propre coût de production, calculé avec ses temps de travaux, son matériel. Cependant, le calcul d’un coût standard peut constituer un premier indicateur. Si l’on voit qu’il est supérieur de 30 euros au prix de marché, on sait qu’il y a un problème."
Comment évaluer la rémunération du travail d’un agriculteur, qui est à la fois dans l’opérationnel et la gestion de l’entreprise ?
T. M. - "On peut dire que c’est la compétence de l’agriculteur qui rémunère le capital. Cette rémunération correspond à la différence entre le prix de revient et le coût de revient. La compétence de l’exploitant, c’est la gestion de la main-d’œuvre, l’organisation du travail. Si l’on intègre toutes les tâches réalisées par l’exploitant, nous considérons qu’1,5 Smic, ce n’est pas assez. On prend plutôt une base de rémunération de cadre, voire même de cadre supérieur. En même temps, si le coût de revient avec 3 Smic est supérieur au prix de revient, c’est qu’il y a un problème."
Comment faut-il gérer les productions de diversification, comme les pommes de terre ou la betterave ?
T. M. - "Le plus simple peut être d’isoler la production sur un atelier, avec ses charges et ses revenus particuliers. Sur les cultures à forte valeur ajoutée, l’agriculteur passe de manière générale plus de temps. Ça peut être plus intéressant d’affecter les coûts à cette production. Dans le cas d’une vente en direct, on sort des charges proratisées sur tous les hectares ce qui est relatif au coût de commercialisation. En pommes de terre, par exemple, on va intégrer les ensacheuses ou le bâtiment de stockage à froid construit spécifiquement pour cet atelier."
Pouvez-vous nous expliquer la différence entre le coût de production et le coût de revient ?
T. M. - "A la différence du coût de revient, le coût de production prend en compte les charges supplétives que sont la main-d’œuvre et la rémunération du capital. Il permet d’analyser les facteurs d’amélioration de son système en relativisant ces facteurs au niveau de l’ensemble du système."
Qu’est-ce qui s’avère difficile dans le calcul des charges de mécanisation ?
T. M. - "Il faut une à deux journées pour faire les choses bien, parce que, notamment, il faut aller chercher les temps de travaux. La difficulté, c’est de calculer les temps morts, quand les agriculteurs ne sont pas sur leur matériel : il s’agit de l’entretien du matériel, du temps de remplissage de la cuve, du nettoyage, de l’entretien des bâtiments, de l’accrochage et du décrochage des roues, du réglage des outils, du déchargement mais aussi du temps administratif… C’est à peu près la moitié de leur temps. Cependant, une fois ce travail effectué pour les automoteurs, on a fait 90 à 95 % du coût de mécanisation. Il reste le matériel de travail du sol. On regarde les amortissements ensuite. Dans cette analyse, on rentre dans la façon de travailler de l’agriculteur. Pour certains, c’est un peu dérangeant."
Quelles sont les limites du calcul des coûts de production ?
T. M. - "Ce n’est pas parce que celui-ci dépasse le prix de vente d’une culture donnée qu’il faut le supprimer. L’analyse du coût de production n’est pas suffisante en elle-même. Bien sûr, si on fait l’étude d’une production qui a une place prépondérante dans la ferme et qu’on voit qu’elle n’a pas de rentabilité, il faut se poser la question.
Plus largement, le coût de production, à lui seul, ne traduit pas bien la logique long terme qu’il faut prendre en compte dans la gestion de l’exploitation. Si un agriculteur a des coûts de production très faibles parce qu’il n’apporte pas d’engrais, il peut épuiser les réserves de son sol mais cela ne peut pas se constater avec ce calcul. Il faudrait une analyse de sol et déterminer la valeur du sol avec cette donnée. C’est la même chose pour la matière organique. Il y a une question de pas de temps, sachant que dans certains cas, il peut falloir dix à quinze ans pour remettre une terre en état."
Plus largement, le coût de production, à lui seul, ne traduit pas bien la logique long terme qu’il faut prendre en compte dans la gestion de l’exploitation. Si un agriculteur a des coûts de production très faibles parce qu’il n’apporte pas d’engrais, il peut épuiser les réserves de son sol mais cela ne peut pas se constater avec ce calcul. Il faudrait une analyse de sol et déterminer la valeur du sol avec cette donnée. C’est la même chose pour la matière organique. Il y a une question de pas de temps, sachant que dans certains cas, il peut falloir dix à quinze ans pour remettre une terre en état."