Transmission d’exploitation : prévoir son projet dix ans avant la retraite
Préparer la transmission de son exploitation agricole, même dans le cadre familial, est une démarche qui se réfléchit et s’anticipe bien en amont de la retraite.
Préparer la transmission de son exploitation agricole, même dans le cadre familial, est une démarche qui se réfléchit et s’anticipe bien en amont de la retraite.
« Encore une dizaine d’années avant la retraite, il est encore trop tôt pour y penser », « la transmission, c’est une démarche avant tout patrimoniale et fiscale », « dans mon cas, c’est facile, c’est mon fils qui va reprendre la ferme » : ces idées préconçues freinent l’élaboration d’un véritable projet de transmission. Or, tout comme l’installation, la cessation d’activité ne s’improvise pas. Bien au contraire, il est conseillé de s’y pencher dix ans avant la retraite, même quand le repreneur familial est déjà identifié.
« La phase d’anticipation est souvent négligée par les futurs cédants, surtout quand la transmission est familiale, constate Anne Vermeersch, chargée de mission à la chambre d’agriculture de l’Oise. Certains cédants ont déjà en tête des outils juridiques, comme la création d’un GFA, avant d’en cerner les objectifs. Il faut parfois tout reprendre avec eux pour ne pas brûler les étapes. » Aussi, la transmission se raisonne parallèlement au projet d’installation du repreneur.
« Certains enfants ont eu d’autres trajectoires professionnelles avant de décider de reprendre l’exploitation familiale mais ils doivent bien mesurer les enjeux et les risques économiques de l’activité, pointe Laurent Antoine, responsable stratégie et pilotage à la chambre d’agriculture de Haute-Marne. Il faut parfois prendre en compte le temps de formation du repreneur pour accéder à un diplôme agricole, parfois nécessaire pour le transfert des baux. »
Maintenir une exploitation agricole transmissible
Poser les enjeux, même dix ans avant la retraite, permet de travailler sur la transmissibilité de l’exploitation agricole : c’est-à-dire intégrer la transmission dans sa stratégie d’entreprise. Les choix et orientations vont dès lors viser à maintenir une rentabilité économique tout en rationalisant les investissements réalisés. Le repreneur doit pouvoir appréhender l’attractivité de l’entreprise pour sécuriser son installation, et cela même dans le cas d’une transmission familiale.
« Il s’agit aussi de prendre le temps de vider les comptes courants d’associés, de se constituer une épargne, poursuit Laurent Antoine. Si la transmission n’est pas préparée suffisamment en amont, on peut par exemple se retrouver mis à mal par rapport à des frais liés à la fiscalité. » Pour éviter les mauvaises surprises, mieux vaut donc faire appel à des experts en la matière. Parmi eux : la MSA, en ce qui concerne les droits à la retraite.
Anticiper ses ressources futures
Prendre un rendez-vous avec un conseiller de la MSA favorise une projection sur ses ressources futures. Dans un rapport dédié à la politique d’installation et de transmission dévoilé en avril 2023, la Cour des comptes soulève que certains cédants « semblent parfois surpris, à quelques mois de l’arrêt de leur activité, par le montant de la pension qu’ils percevront ». Elle met en avant que « réputées faibles, les pensions versées aux exploitants retraités s’élevaient en 2020 en moyenne à 902 euros pour une personne mono pensionnée ayant effectué une carrière complète et à 463 euros sans carrière complète. »
Anticiper son futur niveau de vie amène également à évaluer la valeur de son entreprise même si le cédant ne souhaite pas pénaliser son successeur. Pour cela, trois méthodologies peuvent être utilisées. « Il est préconisé de faire une moyenne des trois valeurs de l’exploitation : la valeur patrimoniale, la valeur de reprenabilité et la valeur de rendement. Le compromis établi à partir de l’ensemble de ces valeurs permet de mieux se projeter », précise Anne Vermeersch.
Impliquer tout toute la famille dans le projet
Encore une fois, à ce stade, impliquer ses enfants s’avère judicieux. « J’ai en tête l’exemple d’un cédant qui avait organisé avec tous ses enfants, dont le futur repreneur, un week-end pour échanger sur son projet de transmission. Il avait ainsi fait le choix d’accorder un moment bien spécifique dans un lieu neutre pour évoquer la valeur de son entreprise et son mode de calcul », illustre la conseillère.
L’intérêt d’avoir un interlocuteur extérieur pour préparer sa transmission prend tout son sens car il va pouvoir interroger le futur cédant sur ses besoins futurs, en prenant en compte le contexte familial, économique, fiscal et patrimonial qui entoure le fonctionnement de l’exploitation agricole.
Les PAT (Point accueil transmission) au sein des chambres d’agriculture sont missionnés pour accueillir et informer les futurs cédants. Avoir un regard neutre sur un projet aussi complexe que la transmission peut être précieux. Des relais auprès d’autres partenaires peuvent aussi être préconisés, par exemple les notaires en ce qui concerne certaines démarches juridiques, les centres de gestion pour les projections comptables, ou encore les banquiers pour l’aspect financement.