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Stockage de l’eau : « l'impact de nos prélèvements sur le milieu est maîtrisé grâce à notre réserve collective »

Guillaume Chamouleau, agriculteur en Charente, irrigue à partir d’une réserve de substitution construite il y a 25 ans. Il partage l'histoire de sa création et son expérience d'utilisateur sur un sujet qui cristallise les opinions.

Guillaume Chamouleau, agriculteur en Charente, devant une réserve collective.
Guillaume Chamouleau, explique, preuve à l'appui, que le terme bassine n'est pas approprié pour parler d'une réserve collective.
© MC.Bidault

Installé sur 200 ha répartis en deux sites, Guillaume Chamouleau irrigue 45 ha sur ses terres situées sur le bassin du Son Sonette au nord d’Angoulême. Avec l’eau de la réserve collective, il arrose principalement du maïs, une culture d’été indispensable à la rentabilité de son exploitation, dont les parcelles sont majoritairement situées sur des sols superficiels qui ne retiennent pas l’eau.

Un ouvrage adapté à un territoire au sous-sol calcaire

L’irrigation est possible grâce au stockage hivernal dans une réserve de 207 000 m3, construite il y a 25 ans à l’initiative de son père et d’autres agriculteurs du territoire. À l’origine, chacun disposait d’une autorisation de pompage dans la rivière. En pionniers, ils ont choisi de sécuriser leur ressource en eau, en réalisant un stockage collectif (un des premiers de la région) hors du lit de la rivière, en hauteur, dans une réserve bâchée. Il s'agit d’un territoire au sous-sol calcaire, perméable, qui laisse l’eau s’infiltrer. Il n’y a pas de nappe pour retenir l'eau qui tombe du ciel. Le remplissage de la réserve se fait par un pompage dans la rivière, entre le 15 octobre et le 15 avril, et il faut compter environ 11 semaines pour la remplir. « Au départ, nous avions tablé qu’une année sur 10, cela ne pourrait pas se faire. Finalement en 25 ans, elle s'est toujours remplie ».

Organisé en Association Syndicale Autorisée (ASA), Guillaume Chamouleau partage l’eau de la réserve avec deux autres agriculteurs de son territoire. Pour son exploitation, il dispose d’un volume d’environ 80 000 m3 . Cette année, ils serviront à arroser 45 ha de maïs grain, l’année dernière, c’était 30 ha de maïs waxy et 15 ha de blé tendre, ce qui représente en moyenne 40 % du chiffre d’affaires de l’exploitation. Avec cette réserve collective, l’agriculteur met en avant « un impact divisé par 10 sur le débit de la rivière et donc sur la biodiversité et le milieu. Il parle aussi d’une « rivière restée naturelle », preuve, pour lui, qu’un stockage associé à un milieu en bon état, est une solution qui marche. « Nous avons un impact qui est maîtrisé, la réserve fait désormais partie du paysage, ce n’est un plus un sujet de discussion sur la commune ».

Un dossier plus sensible aujourd’hui qu’il y a 25 ans

« Les dossiers d’études étaient plus légers, plus pragmatiques à l'époque », admet Guillaume Chamouleau. L’évolution du coût des ouvrages de stockage en témoigne. « Le coût, intégrant construction et études, était il y a 25 ans de 1,5 €/m3, il est aujourd’hui de 8 à 10 €/m3. C’est la conséquence notamment du coût des études supplémentaires ». Il n’y a pas eu de recours quand la réserve collective s’est faite en 1997, mais uniquement des discussions au sein du groupe d’agriculteurs impliqué dans le projet. « Certains ont finalement refusé de participer pour ne pas payer et ont préféré continuer à pomper dans la rivière ». Puis, leur volume historique a été revu à la baisse par l’administration et, de colère, les irrigants concernés ont attaqué le projet de réserve au tribunal. Mais ils ont été déboutés.

Face aux problèmes rencontrés par les porteurs de projets, l'irrigant avance quelques éléments de réponse. « Le travail d’un juge administratif est d’évaluer la conformité d’un dossier au regard des textes réglementaires. Or, dans le cadre des ouvrages de stockage, on lui demande de juger un dossier technique », ce qui complique sa tâche. Ensuite, « toute la question est de savoir jusqu’à quel niveau il faut étudier l’impact d’un projet, car il aura des conséquences quel qu’il soit. Nous n’avancerons pas si on ne s’autorise pas à regarder aussi les externalités positives des projets ». La conséquence est qu’un projet peut être bloqué pendant plusieurs années par le seul fait « d’une personne qui vient de nulle part, qui n’est pas du territoire, et qui le remet en cause sur un point précis ». Guillaume Chamouleau ne nie pas qu’il y ait pu avoir certaines dérives. « Les irrigants finissent toujours par avoir les autorisations. Mais certains n’ont pas attendu que les délais soient purgés, à savoir 2 à 3 ans par instance, pour lancer les travaux. D’autres ont fait le pari que leur projet serait validé, alors qu’il n’était peut-être pas dans les clous pour tous les textes ».

Un outil indispensable pour l’avenir de certains territoires

Sur un territoire comme le nord de la Charente, une réserve permet de développer et transmettre les exploitations, « car elle rend l’agriculteur serein face à la question de l’accès à l’eauSur des sols de 20 cm d’épaisseur, la plante ne dispose que de 10 à 15 jours de réserve. Au-delà, si elle n'a pas d'eau, elle meurt ». Ainsi, l’intérêt de disposer d’un stockage d’eau est majeur pour l’agriculteur, car il sait de combien d’eau il dispose pour l’été. C’est en quelque sorte une assurance climatique qui sécurise le revenu de l’exploitation, grâce à une meilleure expression du potentiel des cultures. En effet, les agriculteurs font souvent le choix de positionner l'irrigation sur les cultures les plus rentables, comme le maïs grain, les cultures sous contrat, par exemple le maïs waxy ou, chez d'autres agriculteurs la pomme de terre, les légumineuses à petites graines ou encore la production de semences. Elle permet aussi d’investir. « J’ai refait ma station de pompage il y a 4 ans car je suis certain d'avoir accès à l’eau ».

​​​​​​​Aujourd’hui, avec des pluies moins fréquentes mais plus intenses sur de courtes périodes, Guillaume Chamouleau, estime qu’il faudrait pouvoir prélever beaucoup sur des temps plus courts, de sorte que les réserves puissent être remplies plus vite, voire utilisées comme tampons pour éviter les inondations. «​​​​​​​ On pourrait remplir la réserve en 3 à 4 jours parfois, mais c​​​​ela nécessiterait d’autres infrastructures. On ne sait pas écrêter les crues sur les territoires comme cela se fait en amont des grandes villes. C’est à réfléchir pour demain, avec de nouveaux outils. Il en va de la durabilité des territoires »​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​.

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