Sols : agir sur la couverture végétale en priorité pour lutter contre l’érosion
Les situations de sols sensibles à l’érosion touchent plusieurs bassins de grandes cultures. Entre autres recettes pour réduire les pertes de terre, la couverture végétale est le moyen le plus efficace. Conseils entre nord et sud.
Les situations de sols sensibles à l’érosion touchent plusieurs bassins de grandes cultures. Entre autres recettes pour réduire les pertes de terre, la couverture végétale est le moyen le plus efficace. Conseils entre nord et sud.
Couverts d’interculture, non-labour, bandes enherbées, haies, amélioration de la structure… les solutions sont légion pour agir sur le sol et le rendre moins sensible à l’érosion. « Pour lutter contre l’érosion des sols, le premier message à faire passer est de les couvrir avec des végétaux en période hivernale pour les parcelles qui recevront une culture de printemps, souligne Nicolas Coufourier, conseiller érosion et biodiversité à la chambre régionale d’agriculture de Normandie. Cette mesure est obligatoire dorénavant. Mais pour obtenir une couverture du sol optimisée, il faut semer un couvert suffisamment tôt : début septembre au plus tard dans notre région. Les températures à cette période permettent un bon développement des végétaux. Et dès lors que le taux de couverture dépasse les 60 % sur la parcelle, on limite fortement l’impact néfaste des gouttes de pluies sur le sol. »
La Seine-Maritime est particulièrement concernée par les phénomènes érosifs, à cause de ses sols limoneux très sensibles. Dans le Sud-Ouest, les parcelles en coteaux qui reçoivent des pluies orageuses au printemps ne sont pas épargnées non plus. « Dans le Gers et sur le territoire de la communauté de communes autour de l’Isle-Jourdain, certaines pentes peuvent atteindre jusqu’à 25 %, présente Jeanne Laffont, agricultrice à Marestaing et animatrice du Groupement des agriculteurs de la Gascogne toulousaine (GAGT). Avec 30 % de l’assolement en tournesol, la rotation blé-tournesol domine. Or, le semis de tournesol nécessite une préparation du sol très fine au printemps, à un moment où il y a souvent des orages. »
La féverole plébiscitée dans le Sud-Ouest en interculture
Les agriculteurs en ont fait les frais particulièrement en 2014 et 2015. Dans le Gers, les frais de déblaiement de boues sur les voiries se sont chiffrés à 600 000 euros. « Face à ce constat, nous avons fait la demande et obtenu le financement de 30 000 euros par an entre 2021 et 2023 pour couvrir la totalité des sols des parcelles à risque érosif à proximité des voiries, informe Jeanne Laffont. Des agriculteurs ont pu obtenir jusqu’à 60 euros par hectare de subventions de semences de couverts d’interculture. »
Le GAGT met à l’essai différentes compositions de couverts végétaux en étudiant l’efficacité sur l’érosion et la faisabilité technique dans le contexte du Gers. Facile à implanter et à détruire, la féverole a eu les faveurs des producteurs en majorité. « Les racines sont très couvrantes et c’est un bon précédent à tournesol. Nous avons pu observer qu’après une forte pluie, une route était simplement inondée d’eau près d’une parcelle couverte de féverole alors que sans féverole, c’est de la boue », signale Jeanne Laffont pour attester de l’efficacité anti-érosive du couvert. 400 hectares de parcelles à risque ont ainsi été protégés chaque année. La directive Nitrates rend désormais obligatoire les couverts végétaux d’interculture pour ce territoire et leur financement public n’est plus possible.
En Normandie, Nicolas Coufourier conseille l’association de plusieurs espèces, notamment des graminées apportant un chevelu racinaire en surface et des crucifères produisant des racines en profondeur, l’ensemble assurant une bonne infiltration de l’eau dans le sol. « Ces espèces peuvent être semées jusqu’à la mi-septembre et bien se développer. Si l’on met une légumineuse dans le couvert pour ses atouts agronomiques, il vaudra mieux réaliser le semis en août. »
Les multiples atouts du non-labour contre l’érosion
En complément de couverts d’interculture, les techniques culturales sans labour limitent l’érosion intra-parcellaire et le ruissellement grâce à plusieurs effets. « Elles laissent des résidus de végétaux en surface qui couvrent le sol ; elles concentrent la matière organique dans les premiers centimètres du sol retardant ainsi la formation de croûte de battance ; elles favorisent l’activité biologique du sol (vers de terre…) et donc la circulation de l’eau et elles améliorent la stabilité du sol, favorisant sa résistance à l’arrachement », énumère un document rédigé par la chambre d’agriculture de Normandie et l’Areas, Association régionale pour l’étude et l’amélioration des sols.
La réduction du risque d’érosion passe aussi par l’aménagement du parcellaire. « Les petites haies double rangs et les fascines ralentissent les écoulements. En perdant de la vitesse, l’eau perd sa capacité d’arrachement de la terre, explique Nicolas Coufourier. Des aides financières régionales (collectivités, syndicats de bassin…) existent pour ces ouvrages d’hydraulique douce, jusqu’à 80 % du montant. »
Les bandes enherbées peuvent former une barrière contre le ruissellement et l’érosion des sols. « Installées perpendiculairement à un axe de ruissellement et constituées de graminées, elles permettront à l’eau de s’infiltrer et aux sédiments de se déposer. Pour ce faire, la végétation doit être maintenue à une hauteur de 10-15 centimètres », conseille la chambre d’agriculture des Hauts-de-France dans son document Guide de l’érosion. Il faut 100 ans pour produire 1 centimètre de terre : autant en perdre le moins possible.
Plusieurs facteurs de risques
Tous les sols ne sont pas égaux face au risque d’érosion : ceux constitués majoritairement de limon battant sont les plus sensibles comme dans le Pas-de-Calais et la Seine-Maritime. Les parcelles en forte pente tels les coteaux du Gers augmentent l’aléa d’érosion. Le climat joue un rôle majeur également. L’intensité des pluies d’orage au printemps dans le Sud-Ouest cause régulièrement des coulées de boues si les sols ne sont pas protégés. Enfin, l’occupation du sol (grandes parcelles, cultures peu couvrantes au printemps…) et les pratiques culturales (préparation du sol trop fine…) sont des facteurs de risques.